Gribiche, c’est Antoine Belot (Jean Forest) ; il est le fils d’une jeune veuve de guerre (Cécile Guyon), et il sent bien que sa mère se sacrifie pour lui. Justement, lorsqu’une dame riche à laquelle il a rendu un petit service (Il lui a donné le porte-monnaie rempli qu’elle avait par mégarde laissé tomber dans un magasin) arrive chez eux et demande à s’occuper de l’éducation de Gribiche, il accepte, bien qu’il en coûte tant au fils qu’à la mère. Donc, chez Madame Maranet (Françoise Rosay), Antoine apprend la vie de riche, pendant que sa mère peut se marier avec son soupirant Philippe (Rolla Norman). Mais ‘Gribiche’ verra bien vite qu’on ne change pas du jour au lendemain.
Jamais deux sans trois… pour la dernière fois, Feyder dirige Jean Forest et une fois de plus il est excellent. Pourtant, le film était plutôt un compromis: Alexandre Kamenka, de la compagnie Albatros, voyait fuir ses metteurs en scène vers d’autres studios, et il fallait attirer des réalisateurs de renom, dont L’Herbier, Epstein ou Feyder. Ce dernier était dans une position délicate suite aux échecs de L’image (Sorti en octobre 1923) et Visages d’enfants (Tourné avant le précédent mais sorti en janvier 1925). C’est donc à un film de commande qu’il s’est d’abord attelé… Adapté d’une nouvelle de Frédéric Boutet, Gribiche porte en lui tous les ingrédients d’un mélodrame tire-larmes, et il est construit de manière à aller vers une conclusion dont l’émotion est bien palpable, mais le metteur en scène a su éviter de tomber dans les pièges du misérabilisme. Au lieu de ça, il s'est livré à une fine étude moeurs, doublé d'une comédie subtile, qui va parfois dans la sens de la franche parodie, comme avec cette anecdote qui change en évoluant vers le pastiche délirant de mélodrame mâtiné de vision des Misérables... A chaque fois qu'Eidth Maranet raconte sa rencontre avec Gribiche, elle exagère toujours un peu plus la misère dans laquelle celui-ci est supposé vivre.
L’étude de mœurs débouche sur une rareté dans l'oeuvre de Feyder: une fin heureuse. On sent bien de toute façon que Feyder a gardé sa sympathie pour la vraie mère de Gribiche, jouée avec une grande sensibilité par Cécile Guyon. De son côté, on ne peut pas passer sous silence la prestation superbe de Françoise Rosay. Celle-ci a surtout fait des apparitions, surtout dans les films de son mari (Elle est visible dans Têtes de femmes, femme de tête, mais aussi dans Crainquebille, ou elle joue la main du destin). Ici, elle endosse avec aisance le rôle délicat d’une femme riche qui décide de remodeler le monde à son image, et évite tous les pièges et clichés. Si on ajoute le talent de conteur de Feyder, l’excellence des techniciens, on comprendra que ce film, même si c’est une halte mineure dans la carrière de Feyder, reste un enchantement.