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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 09:10

Le dernier volume de la série créée par Joanne Rowling, tant attendu et tant espéré en son temps, ne pouvait pas ne pas être décevant, pour des raisons qu'on aurait pu prévoir: dans ces livres ou le degré de précision dans la prévision était si admirable, comment s'étonner que tout retombe si joliment et si logiquement à sa place dans le chapitre final, que toutes les pistes entamées plus tôt trouvent un aboutissement, sans surprise, à l'exception d'un ou deux personnages, sacrifiés pour la cause de façon mécanique? On avait l'impression de lire une fin rodée, huilée, et dont la saveur disparaissait à chaque chapitre. Là ou le précédent volume (The half-blood prince) avait surpris, touché, choqué même par ses idées centrales (Priver Harry de son bouclier d'enfance, en menant Dumbledore à sa fin, d'une manière spectaculaire, se concentrer enfin sur Voldemort pour en définir plus avant les contours et lui donner une vraie biographie, et donner à voir le personnage de Severus Snape dans toute sa complexité, au lieu d'en faire un ambigu mais surtout folklorique sale type.), le dernier enfonçait les portes ouvertes; mais à l'intérieur de cette déception, des moments sauvaient malgré tout le livre du naufrage: d'une part, la solitude forcée de la quête de Harry, Hermione et Ron, en fuite, et réfugiés dans une nature hostile et désertique; d'autre part, bien sûr, toute la lumière enfin faite sur celui que j'ai la manie de considérer comme le principal personnage de cette série, le plus fascinant: Severus Snape, donc. mais pour ce dernier, il faut attendre la deuxième partie de ce film pour lui rendre justice.

Paradoxalement, cette déception ne se retrouve pas avec ce film. Le choix qui a été fait par la production, afin de traiter de façon adéquate d'une fin attendue, et comme je le disais plus haut, dans laquelle finalement la cohérence repose sur le développement de chaque détail, est de sortir le film en deux parties. Bien sûr, la première partie est centrée sur la quête solitaire de Harry, Ron et Hermione , et possède une certaine austérité; la décision sage de couper l'adaptation en deux, inévitable compte tenu de la nécessité pour le scénariste Steve Kloves de mener à leurs termes toutes les ficelles piquées à Rowling durant la confection des 6 précédents films, a mené l'équipe à enfin développer pleinement la première partie du roman, soit la meilleure. On regrettera que toutes les parties consacrées à l'évocation d'Albus Dumbledore aient été caviardées, mais ce qui reste, l'essentiel enfin, c'est le voyage initiatique des trois jeunes héros, et c'est une très bonne nouvelle. La façon dont les tensions s'accroissent, dont les jalousies se font jour, attisées par un bijou maléfique que doivent porter, à la façon du Frodo de Lord of the rings, les jeunes protagonistes, et la rancoeur d'être obligés de crapahuter dans les bois en se cachant au lieu de profiter pleinement de leur âge, profite bien à nos trois acteurs, dont l'alchimie crève l'écran.

Visuellement, on sait que depuis l'abandon du réalisateur Chris Columbus, le robot qui a efficacement rendu les deux premières adaptations sans âme de la série, les films sont devenus de plus en plus beaux, grâce à Alphonso Cuaron (The prisoner of Azkaban, superbe de bout en bout) d'abord. Mais David Yates a apporté beaucoup dans ses deux films précédents, en particulier une façon de jouer sur l'abstraction dans les scènes de combat, les rendant supportables (Je les trouve généralement insipides et inutilement gonflées dans les livres) et souvent esthétiquement excitantes. Ici, il bénéficie de leur raréfaction. Le passage au ministère de la magie, qui doit autant à 1984 (Et à l'esthétique des illustrations de 1948-1950) qu'à Brazil, d'ailleurs cité ouvertement (Volontairement ou non? je ne saurais le dire): les sycophants (on dit aussi lèche-bottes) qui encombrent les directeurs et autres cadres du ministère désormais acquis à la cause de Voldemort et se pressent autour d'eux, ou encore l'abondance de papiers, sans oublier les gestes mécaniques et le regard baissé de tous les personnages présents. Il y a de l'humour, bien sûr, et le recours aux personnages récurrents, et aux décors de la maison des Weasley, bien que limités par la solitude des héros, nous gratifient de deux apparitions du grand Rhys Ifans, qui n'apparaîtra que dans ce dernier film, mais laissera volontiers une marque.

Cette première moitié de film est certainement l'une des meilleures des 7 adaptations jusqu'à présent, parce qu'on a pu pleinement laisser les personnages respirer, les situations se mettre en place, et pour tout dire, faire réellement vivre tout ça; on sait que ces personnages qui veulent sauver le monde de la menace du mal (Le parallèle entre l'art dégénéré et nazi et l'esthétique liée à Voldemort, notamment sur les couvertures de livres de propagande aperçus ça et là, n'échappera à personne), sont aussi en train de jouer leur passage à l'age adulte.

Mais il y a une suite: le film est double, rappelons-le.

La suite est forcément un film d'action, avec en son coeur la bataille entre le bien et le mal qu'on nous fait attendre depuis si longtemps. Elle ravira les amateurs du genre, et agacera comme ça a été mon cas ceux qui décidément apprécient un brin de subtilité dans le spectaculaire: oui, c'est extraordinairement réalisé, riche en couches, sous-couches et coups de théâtre ais au final bien simpliste. La force de ce film énorme est sans doute plus dans le niveau de l'apprentissage de ces presque adultes, auxquels enfin la réalisation de certaines vérités fera sans doute plus de bien, que toutes les victoires du monde. Et puis on se fait plaisir de toute façon avec une poésie souvent renouvelée, avec aussi des numéros d'acteurs, dans ce dernier film, qui n'oublie pas de nous donner du sang neuf: pour contrecarrer l'infecte Helena Bonham-Carter, ici pire que jamais, on pourra au moins ajouter à Rhys Ifans déjà cité des contributions de Ciaran Hinds et Kelly Mac Donald, rien que ça...

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Published by François Massarelli - dans Harry Potter