
Contemporain à la fois des premiers films "psychologiques" de DeMille (The cheat en particulier), et de l'explosion du burlesque grotesque à l'imitation de la Kesytone, ce film est étonnant à plus d'un titre, d'abord par l'intrigue qui permet non seulement la comédie mais aussi, par moments, le drame, et ensuite par le soin de la mise en scène, constamment inventive et surprenante par son raffinement... Autant dire que si le film parle d'un soupçon de tricherie extra-conjugale, ce qui n'a rien d'exceptionnel dans les films "urbains" de Roscoe Arbuckle, il n'en est pas moins une expérience de subtilité unique en son genre qui tranche de façon radicale avec le gros des productions de la Keystone, et on se demande bien quelle a pu être la réaction de Mack Sennett devant cette production qui est bien loin d'arborer son style.
Arbuckle y est un médecin, marié depuis quelques années sans doute à Mabel Normand, et les deux tourtereaux sont vus au début du film se parant pour sortir, dans une salle de bains... il y a un peu de chamaillerie gentillette, rien de bien grave, mais plus tard, la jeune femme apprend la venue d'un vieil ami d'école, ce qui va provoquer la jalousie de Roscoe. De plus, pour tout compliquer, un groupe de voleurs va essayer de s'introduire dans la maison, amenant avec lui des quiproquos, de la confusion, et du drame...
Les vingt-cinq minutes du film sont utilisées pour installer une intrigue certes conventionnelle, mais qui tend à privilégier les personnages et l'atmosphère sur le gag. Bien sûr on rit, mais il y a toujours un soupçon d'inquiétude, un brin de sophistication aussi, à tel point que Roscoe (habillé cete fois sans aucune exagération burlesque, c'est notable) et Al St-John (dans une certaine mesure) réussissent même à élaborer un jeu subtil! La photo de Elgin Lessley est très étudiée, avec pour mission évidente de reproduire l'atmosphère sophistiquée des films de DeMille: les éclairages, qui privilégient une source de lumière intérieure au plan, contribuent ainsi grandement à l'ambiance particulière du film, et comment ne pas penser à The cheat?
Sans en être une parodie, le film montre que le metteur en scène a su s'en approprier le style, sans jamais céder trop de terrain sur ses affinités burlesques (La construction du film mène à un dénouement spectaculaire et hautement physique) ni la bonne humeur de l'ensemble: le titre d'ailleurs nous informe sans trop nous en dire sur le fait qu'il ne faut pas prendre tout ce qu'on voit ici pour argent comptant; je parle évidement du titre Anglais, pas de l'infâme titre Français dont il ne sera ici plus question... Aisément un chef d'oeuvre paradoxal pour le grand et sous-estimé Roscoe Arbuckle.





