Hearts divided, bien que distribué par la Warner, est en réalité une production Cosmopolitan, c'est-à-dire de William Randolph Hearst, avec dans le rôle principal sa protégée Marion Davies. Celle-ci, on le sait mais il faut le répéter encore et encore, n'était pas la caricature qu'en a fait Orson welles dans Citizen Kane, un film de fiction, rappelons-le. Elle était une actrice douée pour la comédie, qui savait interpréter avec son propre rythme des personnages de jeunes femmes souvent romantiques et un peu exubérantes. Elle est ici Betsy Patterson, la jeune héritière de la famille établie, d'un notable Américain sous Thomas Jefferson, alors que Napoléon cherche une solution décente pour se débarrasser de la Louisiane sans trop perdre la face. Il envoie donc en éclaireur son frère Jérome, qui se fait passer pour un précepteur de Français, et tombe vite amoureux de son élève. Le film se base ensuite sur le conflit entre le coeur et la raison, principalement la raison d'état... Notons que cette idylle entre Jérome et Elizabeth Patterson est authentique, mais que son issue historique est bien différente de celle choisie par les scénaristes.
La Warner a dépêché quelques-uns de ses atouts pour cette production extérieure, avec Frank Borzage à la direction, Claude Rains en Napoléon et Dick Powell en Jérome Bonaparte, précepteur charmeur et chantant. Le film vaut bien mieux que les précédents véhicules de Powell réalisés par Borzage, et si ce dernier ne retrouve pas son univers propre avec cette comédie sentimentale située dans une Amérique ancienne et un brin transformée en royaume d'opérette, au moins a-t-il des occasions pour reprendre le contrôle de son film: ainsi certaines scènes de séduction entre Powell et Davies bénéficient-elles de menues inventions, d'un rythme parfait, et s'écartent des sentiers battus; pour le reste, la comédie est largement fournie par un trio de prétendants dans lesquels on remarque aisément, mais c'est trop facile, Charlie Ruggles et surtout Edward Everett Horton, et bien entendu ce dernier est aussi purement génial qu'à son habitude... Quant à Claude Rains en Napoléon, c'est une intéressante surprise...