Bien sur, Tonino Valerii n'est pas le pseudonyme de Sergio Leone, et de fait on attribue souvent ce film, à tort, à l'auteur d'Il était une fois en Amérique. Il ne manque pas de raisons pour entretenir cette confusion: Leone a participé à un scénario basé sur son idée, il a été un producteur actif, présent sur le plateau et a même tourné certaines scènes, parmi lesquelles des moments importants du film. De plus, si le fait qu'il ait donné l'impulsion de tourner ce film ne fait aucun doute, le résultat final ressemble à la fois à un film de Leone par le style, mais sur un versant ouvertement auto-parodique. A aucun moment la mythologie ne sera résolue par l'apparition de conflits personnels non résolus ou de plaies béantes générées par un traumatisme, comme dans les grands films du réalisateur.
Jack Beauregard (Henry Fonda), héros désireux de se retirer de la scène de l'ouest, se retrouve au milieu d'un conflit qui a couté la vie à son frère. Un jeune admirateur, qui se présente comme "personne" (Ternce Hill), le pousse à s'investir, et à faire une dernière fois la preuve de son talent en se battant seul contre une "horde sauvage" de 150 malfrats...
La comédie l'emporte bien sur sur ce film, qui n'est sans doute pas un classique aussi digne que les films de Leone. La thématique ressemble un peu, avec sa confrontation entre le vieil ouest et l'admirateur, ses rites de passage, et la mise en scène mythologique de certaines confrontations, mais la musique de Morricone joue ouvertement la carte de la parodie et du gag (La chevauchée des Walkyries est régulièrement citée lorsqu'on voit les bandits), et les scènes de bagarre reposent beaucoup sur le slapstick, mettant en valeur plus Terence Hill que Henry Fonda. On n'est, heureusement, pas dans Trinita, le film sait ne pas aller trop loin, mais l'ambiance est légère.
On ne sera pas surpris que la scène durant laquelle Beauregard se retrouve effectivement face à 150 bandits sur une vaste plaine, avec le nuage de fumée qui se déplace au loin, et un mouvement de grue significatif qui s'élève vers les cieux, en plein désert du Nouveau Mexique, ait été tournée par Leone lui-même. Celui-ci a infusé une dimension référentielle qui va au-delà de son propre travail, puisque les réfrences s'étendent à Peckinpah: The wild Bunch, mais aussi le nom du réalisateur, lu sur une tombe...
A noter qu'il a failli exister une bande dessinée du film, dont plusieurs planches ont été réalisées: le dessinateur Belge Joseph Gillain (Oui, LE Jijé!!) a été invité par Leone soi-même à prendre des croquis sur le plateau, comme en témoignent de nombreuses photos publiées dans le 18e volume de l'intégrale de Jijé publiée aux Editions Dupuis. Mais l'album ne sera pas finalisé faute d'un accord avec Leone qui était décidément très gourmand (Coincidence? le premier album, un Jerry Spring, de Jijé réalisé après ce rendez-vous manqué s'appellera L'or de Personne...).
En attendant, ce petit film plaisant a réussi au moins à concilier sans trop de mal le western ouvertement parodique, et une version légère du grand ouest fascinant de Sergio Leone. Celui-ci avait sans doute trop à penser, puisqu'on l'imagine déjà la tête dans son vrai film suivant, ou il avait peur de s'auto-parodier, en attendant Tonino Valerii, dépourvu de tout complexe à l'égard de la comédie, a fait du bon travail. Et les scènes de machine à baffes nous renseignent définitivement sur le fait que décidément, tout ça n'est pas bien sérieux...