Ce film de propagande est la première chance officielle de Lean de diriger un film, et ça a bien failli ne pas vraiment se faire, ou du moins il a bien failli ne pas être crédité: Noel Coward, réalisateur en titre, avait bien besoin d'un "technicien" pour le relayer et le compléter durant un tournage placé sous le signe de l'effort national... Lean avait déjà officié en sous-main pour épauler, puis remplacer le réalisateur erratique de Major Barbara (Gabriel Pascal, producteur d'Europe Centrale, n'avait lui non plus jamais fait de film auparavant...) en 1941, et il assistait aux tournages en tant que monteur depuis fort longtemps...
In Which we serve est essentiellement l'histoire d'un bateau qui coule, entrelacée de flash-backs autour de trois personnages: le capitaine Kinross (Noel Coward), un officier de marine décent et professionnel, dont l'humanité profonde s'oppose à la barbarie nazie; Hardy (Bernard Miles), un sous-officier d'origine modeste, qui perd son épouse dans un bombardement durant le film; et enfin 'Shorty' Blake (John Mills), un marin cockney, jeune marié et père d'un bambin né lors du même bombardement qui a couté la vie à Mrs Hardy. Le film se déroule globalement sur une période qui va de la déclaration de guerre jusqu'à 1941, et le naufrage du destroyer Torrin se déroule en crête. Jamais, dans In which we serve, on n'assiste à la moindre représentation directe et brutale de la barbarie nazie: le film reste une affaire essentiellement Anglo-Britannique.
L'aspect "propagande" est totalement indissociable du film, et à ce point de vue c'est une jolie réussite. Ici, il ne s'agit pas de s'appesantir sur des drapeaux ou quoi que ce soit d'autre, mais plutôt d'ausculter et de célébrer la solidité fondamentale de l'âme Britannique, sans aucune considération pour les différences sociales ou les disparités d'opportunités entre les uns et les autres. D'où l'insistance mise sur la droiture et l'affection qu'il porte à ses hommes, du capitaine. Mais tous les personnages (Aussi bien les marins que leurs épouses, dont l'admirable Celia Johnson) sont marqués par la pudeur, et le courage, plus que par un quelconque patriotisme. Et le film, de tranche de vie en séquence pleine d'émotion, est souvent poignant... Et fabuleusement monté: Lean metteur en scène vient à son premier film avec l'expérience fabuleuse de montage qui a été la sienne des années durant.
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