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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 16:28

Avec She, on entre de fait dans le monde du bizarre, ce qui est bien une fois qu'on a éclusé le tout-venant. Les deux réalisateurs crédités sont en réalité entièrement soumis à leur producteur Merian Cooper pour cette troisième adaptation du roman de H. Rider Haggard, un livre lui aussi pas vraiment raisonnable: des aventuriers se lancent à la recherche d'un monde caché, ou régnerait une puissance hallucinante, une "flamme" qui a le pouvoir de donner la vie éternelle, et trouvent... exactement ce qu'ils cherchent, avec une cerise sur le gâteau: une femme est à la tête de cet empire, elle a au moins mille ans, et elle est amoureuse d'un mort, un homme qu'elle a tué, dont elle attend la réincarnation avec impatience. Or, justement, parmi les aventuriers qui viennent dans ce monde, figure justement un descendant de son seul amour: ça tombe bien.

Merian Cooper, faut-il le rappeler, a créé, écrit, coproduit, co-réalisé, et pour tout dire enfanté l'un des plus beaux films du monde, King Kong, en 1933. ce dernier, création originale, par opposition à bien des films fantastiques des années 30, a sans doute été partiellement influencé par le roman d'Haggard. Mais l'adaptation du roman, en retour, doit beaucoup à King Kong, dont Cooper tente de faire un décalque: à l'obsession de Denham correspond ici la volonté d'un mourant, l'oncle de Leo Vincey (Randolph Scott), qui va envoyer son neveu à la recherche d'un fantasme personnel; des animaux antédiluviens rodent, comme en témoigne un tigre à dents de sabre pris dans les glaces; les occidentaux arrivent dans le royaume inconnu un peu par hasard, et y sont accueillis par une troupe de "primitifs" dont on reconnaît le chef, le décidément indispensable Noble Johnson (King Kong, mais aussi The Navigator); une énorme porte garde le royaume contre toute intrusion éventuelle... Et la reine jette son dévolu sur Leo, comme Kong s'appropriait Fay Wray. Par contre, les adaptateurs ont situé l'histoire dans les glaces, afin de différencier de la jungle ou se situait l'autre film. Quant à l'équipe, si les réalisateurs ne sont pas les mêmes (Shoedsack était pris par The last days of Pompeii), on reconnaîtra la patte de l'incroyable Max Steiner, qui fait comme à son habitude: des merveilles...

Seulement voilà, autant le précédent film était un chef d'oeuvre, autant celui-ci est anecdotique, avec une intelligence humaine au ras des pâquerettes, et une lenteur qui passe pour de la dignité et du mystère, mais qui nous fait regretter l'urgence et la tension de Kong. Non, le spectacle est intéressant visuellement d'abord, les décors de Van Nest Polglase étant fabuleux, et les meilleurs moments sont ceux ou tout s'embrase... littéralement. Son of Kong (1933) le prouvait déjà: on ne peut pas répéter King Kong... On doit l'existence de copies de ce film à Buster Keaton, qui en a trouvé une version intégrale dans sa villa en s'installant. il l'a aussitôt confiée à son ami (et exploiteur) Raymond Rohauer, et voilà. Cette copie, qui pré-date toutes les premières du film, contenait en prime des scènes qui avaient été coupées ensuite. Si seulement ça avait été une copie de Kong, complète, avec sa séquence dans la fosse! Tant pis.

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Published by François Massarelli - dans Merian Cooper