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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 08:31

Le premier long métrage de Griffith, sorti en 1914, est une oeuvre hybride, qui se rattache autant à l’ensemble de courts métrages (il a été réalisé sous l’égide de la Biograph) qu’aux longs qui suivront. Il est cru, mineur, mais aussi fascinant par les quelques promesses qu’il contient, annonçant par certains côtés (la tentation de l’histoire, le film en costumes, la bible détournée, les ingrédients pour appâter le client) Intolerance

Judith (Blanche Sweet), de la ville assiégée de Béthulie, se sacrifie en séduisant Holopherne (Henry B. Walthall), le prince commandant l’armée menaçante qui prive sa ville de liberté. Elle cherche à le tuer, mais tombe amoureuse de lui et hésite désormais à faire ce pourquoi elle est venue. Parallèlement, on assiste aux efforts de Nathan (Bobby Harron) pour récupérer sa bien aimée (Mae Marsh), prisonnière des armées d’Holopherne.

 

Les deux histoires sont plus ou moins liées par l’exposition, mais on sent bien le désir d’expansion, qui a poussé Griffith à aller au-delà de l’anecdote de Judith: son but est clairement d’aller au-delà de ses deux bobines habituelles. Il a décidé de montrer à la Biograph de quel bois il se chauffe. Il est permis de se demander dans quelle mesure le réalisateur avait vraiment envie de raconter cette histoire… Avec des films comme Enoch Arden, The battle of Elderbush Gulch, il a été motivé sans doute par la possibilité d’extension contenue dans le scénario, et c’est précisément l’un des ingrédients qui l’ont motive dans cette histoire biblique, mais pas le seul… après tout, il y a aussi l’influence maintes fois proclamée par Griffith des films d’art français et des films Italiens, dont le décorum proche du péplum se sent dans ce film. Néanmoins, on est ici au-delà de l’anecdotique démonstration de force des bateleurs-cinématographes d’Italie, et du coté m’as-tu-vu des films Français. Même ampoulée et maladroite, l’histoire est malgré tout centrée sur un personnage et son dilemme, qui parle d’amour, mais aussi de désir.

 

A ce sujet, les efforts de Griffith pour aborder l’érotisme, le grand absent de ses courts métrages Biograph, sont touchants. On sait que les Italiens, les allemands, les Danois et même les Français ne se privaient pas, mais ici, il dépêche à plusieurs reprises des danseuses qui ne sont pas que lascives : elles sont aussi ridicules. Par contre, Blanche Sweet a plusieurs robes un peu suggestives, et nous fait comprendre que son attirance pour Holopherne n’est pas que spirituelle. Un autre point sur lequel il expérimente, c’est le domaine de la violence, et c’est là que se situe le plus intéressant effort de mise en scène : la décapitation d’Holopherne, traitée de main de maître; mais il me semble qu’il demande directement au spectateur ceci: vous croyez que je vais vous le montrer ? Il utilise pourtant une ellipse splendide, et a une autre idée, dans la même séquence : afin de se donner du courage, Judith se représente ses amis morts, tous par la faute de l’homme qu’elle aime. Elle va pouvoir accomplir son acte, et rentrer, la tête haute et le cœur brisé. C’est dire si le film prend de la hauteur. Néanmoins, le sujet parait forcé, clairement, Griffith, comme avec The battle of Elderbush Gulch, se cherche, et il est probable qu’il ne se trouvera qu’avec son Birth of a nation, chef d'oeuvre de sinistre mémoire. Hélas…

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet 1913 Lillian Gish *