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30 janvier 2021 6 30 /01 /janvier /2021 20:44

Jacques Feyder a remué ciel et terre pour tourner ce film, et comme on dit toujours dans ces cas-là, il a bien failli ne pas se faire! Il lui a surtout fallu aller chercher dans le désert même les décors envoûtants de son film, lui qui sortait de la Gaumont, l'une des usines à rêves du cinéma Européen, peu enclines à tourner de l'authentique... 

 

Le lieutenant Saint-Avit (Georges Melchior), retrouvé inconscient dans le Sahara, raconte à son ami le lieutenant Ferrières (René Lorsay) l'incroyable aventure qu'il a vécue: son expédition dans le désert aux côtés de son ami le capitaine Morhange (Jean Angelo) l'a mené jusqu'au Hoggar, où il s'est retrouvé prisonnier d'Antinea (Stacia Napierkowska), la mystérieuse reine héritière du royaume perdu de l'Atlantide, du moins ce qu'il en reste au milieu du désert. Saint-Avit, comme tous les hommes ou presque qui sont passés par là (un grand nombre de sarcophages en témoignent), tombe instantanément amoureux d'Antinéa, mais celle-ci lui préfère Morhange.  celui-ci, qui a fait voeu de chasteté, lui oppose une indifférence ferme qui va provoquer la folie meurtrière de la reine... Pendant ce temps, pour tromper son ennui, Saint-Avit devient ami avec Tanit-Zerga (Marie-Louise Iribe), une esclave qu'Antinéa présente comme sa secrétaire particulière, et qui a un faible pour le lieutenant...

 

Le film, durant 171 minutes (dans sa version actuelle, restaurée et présentée en 2018 à Pordenone, mais on parle parfois d'une durée initiale de 190 minutes) est vaste et long, et n'a pas grand chose à voir avec le type d'aventures présentées dans les films Américains contemporains. Aux péripéties et au mouvement, Feyder oppose en effet un long prologue, gardant Antinéa pour la fin de la première moitié. Longue sera la route vers la reine, car à partir du moment où ils l'auront rencontrée, l'amitié des deux hommes ne sera plus qu'un souvenir. Certes, aucun des deux, à moins d'être dans un état second, ne reniera l'autre, mais ils seront séparés, de façon implacable, jusqu'au meurtre... 

 

Antinéa, c'est un peu une métaphore de bien des choses: l'attrait vaguement romantique de l'orient, bien sûr, mais aussi les drogues, car à l'exception de Morhange, tous ceux qui y seront confrontés iront à la mort... Et il y a de nombreux paradis artificiels dans ce film situé en plein Sahara. Des produits qui ont peut-être (on n'en est pas tout à fait sûr) aussi pesé sur le destin personnel de Feyder, du reste, même s'il s'agit plus probablement d'alcool... Le cinéaste, en tout cas, fait semblant de se conformer aux canons du mélodrame colonial, en faisant de Morhange un roc inébranlable de religion qui reste impassible devant la chair constamment exposée d'Antinéa... Pourtant, il choisit ensuite de prolonger le film en montrant de quelle façon Saint-Avit, Français, soldat et noble, les trois qualités permanentes et essentielles du drame colonial, restera à jamais sous la domination... d'une femme dont on ne connaît pas vraiment l'origine. Et il y a Tanit-Zerga, la touchante esclave qui jouera un rôle essentiel et dont l'amour jamais dit ni révélé, éclate au grand jour dans la façon dont elle se dévoue à Saint-Avit. Marie-Louise Iribe est formidable dans le rôle...

 

Quoiqu'il en soit, l'ironie pointe sous l'épopée, et le fait est que si Feyder a souffert (et son équipe, j'imagine, aussi) d'avoir du tourner dans le désert, la beauté étrange du film contribue à l'impression cotonneuse d'envoûtement qui s'en dégage... Et Feyder a su tirer partir de son montage, d'un éclairage constamment inventif, et bien sûr d'un remarquable sens de la composition. 

 

On est, de toute façon, dans son univers, avec cette fuite en avant, dans un environnement parfaitement défini: L'Atlantide est bien plus qu'un gros film à succès adapté d'un mauvais livre, il est avec ses défauts (Napierkowska étant sans doute le plus visible) et ses qualités, un jalon essentiel de la carrière du metteur en scène, qui jugera prudent en rentrant en France, de s'atteler avec Crainquebille à un film plus raisonnable...

 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Jacques Feyder *