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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 16:59

Il est toujours malaisé de partir à la chasse des "premières fois" au cinéma; on lit encore des fadaises installées au rang de vérité dans l'histoire du septième art, par exemple, on y apprend que Steamboat Willie est le premier dessin animé de Disney avec Mickey, que The jazz singer est le premier film parlant, ou que The Birth of a nation est le premier long métrage de l'histoire. Tout ça est bien entendu archi-faux, et il est inutile notamment de partir à la recherche du premier long métrage: d'une part, on redécouvre des prétendants toujours plus précoces chaque année, et tout est relatif: le Voyage dans la lune, en 1902, a fait sensation à cause de son impressionnate longueur... d'environ 15 minutes. Le film Français La Passion du Christ, d'Alice Guy, et l'Australien The kelly gang de Charles Tait sont deux prétendants au titre qui ont de fortes chances, ayant été sortis en 1906... Pas cet Enfant de Paris. Pourtant, il est remarquable, et c'est une grande date dans l'histoire du cinéma, en particulier par sa longueur...

Après tout, avant L'enfant de Paris, la plupart des longs métrages Européens sont des peplums ou des drames historiques. Feuillade s'apprête bien à tourner une série de drames policiers, cinq longs métrages, mais ils seront liés entre eux par les personnages récurrents et leur ennemi, Fantômas... En France, le film ambitieux se doit d'être frappé du sceau du film d'art, encore régi par un style cinématographique hérité de L'assassinat du duc de Guise, tourné en 1908: une éternité avant 1913... L'Enfant de paris aurait pu être un serial, dont il adopte le ton populaire et la compartimentation en cinq parties, mais il est une évidence à le voir que le film a une unité que ne posséderont jamais les serials, qui s'adaptaient au fur et à mesure de leurs parutions; il est très probable que le film de Perret ait fait l'objet d'une sortie en épisodes, et que les distributeurs aient eu le choix, mais Perret dont c'était la première oeuvre de longue haleine a tourné son film d'une traite. Mais pas de Rome ou de Grèce, pas de grande histoire, ici, juste un mélodrame splendide qui installe un suspense familial, dans une histoire certes édifiante, on est bien sur chez Gaumont, et il ne faut pas mécontenter le bourgeois...

Suite à la disparition du capitaine Valen lors d'une bataille en Afrique du nord, son épouse meurt de chagrin et laisse à son beau-frère leur fille Marie-laure. Mais le beau-frère est appelé sous les drapeaux et n'a d'autre solution que de laisser la petite dans un pensionnat, ou elle sera maltraitée... a tel point qu'elle s'enfuit. elle est recueillie par un malfrat, le bachelier, qui la confie à un complice, un abominable savetier ivrogne dont l'assistant, un jeune bossu, se prend d'affection pour Marie-Laure, et tente tant bien que mal de la protéger. Un an plus tard, le capitaine qui n'était pas mort mais prisonnier, retrouve la liberté, et à paris apprend la disparition de sa fille... il met tout en oeuvre pour la retrouver...

Voilà, on est en plein dans les Deux orphelines, bien sur. Mais l'intérêt principal de ce film réside dans la parfaite maîtrise des moyens cinématographiques dont Perret fait la preuve en permanence: passée une exposition un peu longuette (un petit défaut qu'on retrouvera dans Le roman d'un mousse, la même année), il se jette avec délices dans le mélodrame, dont il raconte les péripéties avec un sens de l'économie et du rythme qui laisse pantois. il ne partage pas avec Feuillade cette tendance insupportable au didactisme lourdingue, et fait confiance au spectateur pour combler les ellipses de la narration, aime à prendre une scène en cours, et maintient l'intérêt en permanence avec son sens de l'éclairage. Et même les digressions sont maîtrisées, comme cette visite de Nice par le jeune bossu... Le film maintient sans grand effort l'intérêt sur plus de deux heures. Si ce n'est, on l'a dit plus haut, en aucun cas la naissance du long métrage, en tout cas c'est l'une des premières oeuvres populaires de deux heures qui maintiennent une telle cohérence. Un film que l'on ne peut que recommander chaudement, donc...

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Published by François Massarelli - dans Muet Léonce Perret