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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 10:01

L'un de mes films préférés. Un jour, lisant un article prouvant que les rats ont une sorte de télépathie atavique, qui permet à un rat Européen de savoir instinctivement quel danger est représenté par un poison développé aux Etats-Unis, et s'en préserver, Kieslowski développe le scénario le plus délirant du monde: deux jeunes femmes sont nées en même temps, à des kilomètres de distance, et sont le double parfait l'une de l'autre. Sauf que l'une est Polonaise, et l'autre Française, que l'une va vivre, grâce à l'expérience de l'autre, et l'autre mourir dans une scène transgressive qui mêle de façon provocante mort et sexe, funérailles et rapports intimes, jouissance et tristesse. Interrogé au sujet de cette étonnante idée de leurrer le public en tuant une héroïne dès la première demi-heure, Kieslowski répondait par une pirouette qu'il avait fait son Psychose, voilà tout...

Le mystère reste entier, dans ce film, on ne vous expliquera rien, mais chaque vision révèle un peu plus de beautés, et cette étude à fleur de peau de l'âme féminine se transforme un peu plus en une chronique des rapports humains. Pourquoi est-on avec les autres, quelles chances a-t-on de leur apporter quelque chose, quel but poursuivent les autres dans leur rapport à nous-même, et pourquoi aime-t-on? Voilà quelques-unes des questions qui sont abordées visuellement dans ce film, emporté par une Irène Jacob qui joue le rôle de sa vie. Encore aujourd'hui, dans la rue, les gens l'appellent Véronique... Ou Weronika. 

On sait que Kieslowski, ouvert à toutes les propositions des acteurs durant les tournages, habitué à fonctionner en collaboration avec tous les techniciens, mais sûr de ce qu'il voulait obtenir, finissait toujours par bloquer au montage, un ensemble de décisions difficiles pour lui. Ce film aujourd'hui fermé par le fait d'être sorti, d'avoir été vu, et d'être désormais propriété intime de tous ceux qui l'ont aimé, a posé tellement de problèmes qu'il a failli le sortir sous plusieurs formes, dans dix-sept montages différents. Des pans entiers, des histoires parallèles, des scènes qui vont dans un sens puis dans l'autre... On l'a échappé belle, mais c'est aussi la définition de son cinéma depuis l'étrange film Le hasard (1984): chaque scène, comme chaque être, renferme son lot de possibilités, sa part d'hypothèses. Véronique et Weronika en sont donc deux.

Le film est beau, non seulement esthétiquement (Avec une responsabilité très forte du chef-opérateur Slawomir Idziak dont l'utilisation de filtres dorés dans certaines scènes leur confère un aspect inoubliable), mais aussi par sa mise en scène à la fois totalement maîtrisée, et ouverte: un jeu sur l'oeil, le regard, d'une grande cohérence, et bien sûr le refus d'imposer quoi que ce soit. Une transition parfaite pour le passage du metteur en scène de la Pologne vers l'Europe, mais aussi le début d'une nouvelle ère d'internationalisation du cinéma...

 

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Published by François Massarelli - dans Krzysztof Kieslowski Criterion