31 décembre 2010
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Laurel, Hardy, Roach
Au moment de prendre congé, après avoir revu avec ce qui est tristement le dernier film issu de la collaboration entre les
studios Hal Roach et Laurel et Hardy, il me semble approprié de revenir précisément sur la nature et l’histoire de cette
collaboration : D’une part, elle détonne par sa longévité, par la constante qualité (Même si elle n’est pas exempte de scories, loin s’en faut), mais aussi par le fait que les deux comédiens
représentent sans doute le point culminant de la filmographie du studio, et que les œuvres produites chez Roach sont les films les plus importants des deux hommes ensemble, et soyons juste, des
deux hommes tout court.
Il s’en est fallu de peu, comme chacun sait, mais il est amusant de constater comment a posteriori il est facile de s’attribuer la paternité du duo, ce qu’on fait Roach lui-même, Leo McCarey, Fred Guiol, et d’autres, mais curieusement ni Laurel ni Hardy. L’un et l’autre étaient il est vrai trop visibles pour vraiment prétendre venir de nulle part, et leur rapprochement est trop évidemment un hasard pour venir d’un génie, aussi fabulateur soit-il ; de plus, si le couplage des deux comme on l’a vu, s’est effectué dès 1926, il a fallu attendre 18 bons mois avant que les personnages ne commencent à se mettre en place ; avant cette date, Laurel et Hardy sont toujours les mêmes qu’avant : Pour Hardy, qui promène sa silhouette si pratique à stéréotyper dans tous les studios spécialisés dans le burlesque dès 1915, on peut vraiment dire que l’apparition de son personnage permanent, aux cotés de Laurel , sera une opportunité en or : il va enfin pouvoir développer un personnage de gros certes, mais qui ne fait pas voir en permanence sa stature, et qui va même réussir à la faire oublier : il y a des gags qui sont basés sur le coté « Hardy est gros » dans les courts et longs du duos que j’ai compilés dans ces notes, mais il y en a relativement peu; chez Larry Semon, pour prendre l'exemple d'un fréquent employeur parmi d'autres, au contraire, ils sont fréquents, tout comme les gags impliquant un noir peureux, et autres stéréotypes poids lourds. Par contre, chez Charley Chase, en 1926, Hardy était parfois le méchant, mais ses apparitions reposent sur ses capacités de comédien. Mais il n’est pas encore « notre » Hardy… Justement, Charley "Chase" Parrott, directeur général du studio en 1922/23, a insisté pour qu’on engage ces deux-là. Séparément, d’abord, mais il avait vu Laurel et le croyait de taille à rivaliser avec Chaplin ; et il avait travaillé avec Hardy, chez Billy West, et comme tous ceux qui ont travaillé avec Hardy, il en était devenu un fan : ce type, que voulez-vous, était un cœur d’or… Si Chase n’avait pas rempilé comme acteur, il aurait sans doute été amené à diriger les deux hommes quelques années plus tard. Bon, quoi qu’il en soit Chase, contrairement à la moitié du studio Roach de 1927, n’a jamais revendiqué la paternité du duo.

Laurel, lui, aurait pu. Non qu’il ait été amené à penser scientifiquement le concept du duo, je pense qu’il se voyait plus facilement fonder une équipe avec Finlayson. Non, ce qu’on doit reconnaitre à Laurel, c’est sa capacité empirique : à l’opposé des méthodes de Lloyd ou de Keaton, qui présidaient des conseils de guerre de gagmen, qui se lançaient des idées à la tête, et qui confectionnaient un « script » de cette manière, raffinant ensuite le film au tournage, Laurel jugeait, jaugeait et prenait des notes dans l’action ; en tant qu’acteur, puis réalisateur, il a travaillé avec Babe Hardy, et il vu sans doute le potentiel qu’il pouvait en tirer ; au final, Laurel disait : Hardy, c’est le violon, moi, je suis l’archet. L’un sans l’autre ? Oui, on peut jouer pizzicato, mais que voulez-vous faire d’un archet tout seul ? une fois goûté au duo, Laurel ne reviendra jamais en arrière : c’est dire à quel point la fin de The flying deuces est insupportable : tout ça pour placer un gag stupide de réincarnation! Comment peut-on imaginer un seul instant que Stan Laurel va continuer sans Hardy? Au moins, dans certains film, on a supprimé Laurel et Hardy (The midnight patrol, par exemple), mais on, les a tués TOUS LES DEUX !
Il est touchant de voir les films réalisés avant le duo, mettant en vedette Stan Laurel : certains sont très bons, notamment, ce n’est pas une surprise, les films réalisés chez Roach. Mais ce qui frappe, c’est que cette anarchie que le studio développait, en 1922/23, sous la pulsion de Charles Parrott, autour des comédies de Snub Pollard et Paul Parrott notamment, semble ne pas prendre totalement sur Laurel. Là ou Pollard et Parrott se vautrent à plein ventre dans les gags les plus anachroniques et les plus anarchiques, à l’opposé de la sophistication de Harold Lloyd, Laurel semble se retenir, ou plutôt ne cherche jamais à cacher qu’il s’agisse de parodies. Sold at auction, par exemple, le film le plus anarchique et idiot (Réjouissant donc) tourné par Chase avec Pollard, aurait été sans doute moins réussi avec Laurel, parce que celui-ci aurait gardé une certaine réserve. Balloté de studio en studio, Stan Laurel attendait son heure, et surtout, il attendait de pouvoir faire ce qu’íl voulait vraiment : réaliser.
Que voulez-vous, certains destins sont faits pour être contrariés.
Il s’en est fallu de peu, comme chacun sait, mais il est amusant de constater comment a posteriori il est facile de s’attribuer la paternité du duo, ce qu’on fait Roach lui-même, Leo McCarey, Fred Guiol, et d’autres, mais curieusement ni Laurel ni Hardy. L’un et l’autre étaient il est vrai trop visibles pour vraiment prétendre venir de nulle part, et leur rapprochement est trop évidemment un hasard pour venir d’un génie, aussi fabulateur soit-il ; de plus, si le couplage des deux comme on l’a vu, s’est effectué dès 1926, il a fallu attendre 18 bons mois avant que les personnages ne commencent à se mettre en place ; avant cette date, Laurel et Hardy sont toujours les mêmes qu’avant : Pour Hardy, qui promène sa silhouette si pratique à stéréotyper dans tous les studios spécialisés dans le burlesque dès 1915, on peut vraiment dire que l’apparition de son personnage permanent, aux cotés de Laurel , sera une opportunité en or : il va enfin pouvoir développer un personnage de gros certes, mais qui ne fait pas voir en permanence sa stature, et qui va même réussir à la faire oublier : il y a des gags qui sont basés sur le coté « Hardy est gros » dans les courts et longs du duos que j’ai compilés dans ces notes, mais il y en a relativement peu; chez Larry Semon, pour prendre l'exemple d'un fréquent employeur parmi d'autres, au contraire, ils sont fréquents, tout comme les gags impliquant un noir peureux, et autres stéréotypes poids lourds. Par contre, chez Charley Chase, en 1926, Hardy était parfois le méchant, mais ses apparitions reposent sur ses capacités de comédien. Mais il n’est pas encore « notre » Hardy… Justement, Charley "Chase" Parrott, directeur général du studio en 1922/23, a insisté pour qu’on engage ces deux-là. Séparément, d’abord, mais il avait vu Laurel et le croyait de taille à rivaliser avec Chaplin ; et il avait travaillé avec Hardy, chez Billy West, et comme tous ceux qui ont travaillé avec Hardy, il en était devenu un fan : ce type, que voulez-vous, était un cœur d’or… Si Chase n’avait pas rempilé comme acteur, il aurait sans doute été amené à diriger les deux hommes quelques années plus tard. Bon, quoi qu’il en soit Chase, contrairement à la moitié du studio Roach de 1927, n’a jamais revendiqué la paternité du duo.

Laurel, lui, aurait pu. Non qu’il ait été amené à penser scientifiquement le concept du duo, je pense qu’il se voyait plus facilement fonder une équipe avec Finlayson. Non, ce qu’on doit reconnaitre à Laurel, c’est sa capacité empirique : à l’opposé des méthodes de Lloyd ou de Keaton, qui présidaient des conseils de guerre de gagmen, qui se lançaient des idées à la tête, et qui confectionnaient un « script » de cette manière, raffinant ensuite le film au tournage, Laurel jugeait, jaugeait et prenait des notes dans l’action ; en tant qu’acteur, puis réalisateur, il a travaillé avec Babe Hardy, et il vu sans doute le potentiel qu’il pouvait en tirer ; au final, Laurel disait : Hardy, c’est le violon, moi, je suis l’archet. L’un sans l’autre ? Oui, on peut jouer pizzicato, mais que voulez-vous faire d’un archet tout seul ? une fois goûté au duo, Laurel ne reviendra jamais en arrière : c’est dire à quel point la fin de The flying deuces est insupportable : tout ça pour placer un gag stupide de réincarnation! Comment peut-on imaginer un seul instant que Stan Laurel va continuer sans Hardy? Au moins, dans certains film, on a supprimé Laurel et Hardy (The midnight patrol, par exemple), mais on, les a tués TOUS LES DEUX !
Il est touchant de voir les films réalisés avant le duo, mettant en vedette Stan Laurel : certains sont très bons, notamment, ce n’est pas une surprise, les films réalisés chez Roach. Mais ce qui frappe, c’est que cette anarchie que le studio développait, en 1922/23, sous la pulsion de Charles Parrott, autour des comédies de Snub Pollard et Paul Parrott notamment, semble ne pas prendre totalement sur Laurel. Là ou Pollard et Parrott se vautrent à plein ventre dans les gags les plus anachroniques et les plus anarchiques, à l’opposé de la sophistication de Harold Lloyd, Laurel semble se retenir, ou plutôt ne cherche jamais à cacher qu’il s’agisse de parodies. Sold at auction, par exemple, le film le plus anarchique et idiot (Réjouissant donc) tourné par Chase avec Pollard, aurait été sans doute moins réussi avec Laurel, parce que celui-ci aurait gardé une certaine réserve. Balloté de studio en studio, Stan Laurel attendait son heure, et surtout, il attendait de pouvoir faire ce qu’íl voulait vraiment : réaliser.
Que voulez-vous, certains destins sont faits pour être contrariés.
... Bonne année à tous.
Published by François Massarelli
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dans
Laurel & Hardy