9e
film de Akira Kurosawa, 4e d'une série de sept films consécutifs entièrement consacrés au Japon de l'après-guerre avant que Rashomon n'ait le succès que l'on sait, et deuxième
rencontre avec le grand Toshiro Mifune, ce Duel silencieux vient juste après L'ange ivre, et juste avant le Chien enragé... Autant dire que
c'est un film important. Son manque de notoriété est du à un certain nombre de facteurs, notamment le fait qu'il traite de la syphilis, en termes parfois crus, ce qui a dui un peu freiner non
seulement sa carrière au japon, mais rendre tout espoir de le diffuser internationalement bien vain... Le "duel silencieux" dont il est question dans le titre réfère en fait à deux aspects de
l'histoire de ce médecin (Toshiro Mifune) qui contracte la syphilis dans un hôpital de campagne en se blessant avec son scalpel. Il apprend le lendemain le risque qu'il court d'avoir
contracté la maladie, lorsqu'il entend le patient se vanter auprès d'un autre sodat qu'il a toutes les chances d'être démobilisé, compte tenu de sa maladie. Fujyo Fukisaki, le docteur, lui
demande: "Est-ce que vous avez la syphilis?", et il répond sans hésiter: "oui".
Mais Fukisaki aura la plus grand mal à oraliser son affliction, ne serait-ce que pour expliquer à sa fiancée pourquoi il refuse
désormais de se marier avec elle; il préfèrera ne jamais le lui dire de vive voix, la laissant partir sans qu'elle puisse avoir totalement compris. De son coté, il souffrira le plus souvent en
silence: ne pas se plaindre, d'un côté, et cacher sa honte de l'autre, deux raisons de garder le silence dans ce beau film qui choisit de rester confiné aussi souvent que possible dans l'enceinte
d'un hôital civil, une fois la démobilisation effectuée. Fukisaki rejoint son père obstétricien (Takashi Shimura) dans sa clinique. Après son premier rôle dans L'ange ivre,
Shimura n'est ici qu'un comparse, mais une splendide conversation a lieu entre lui et Mifune, lorsque le fils dit la vérité sur sa maladie dans un premier temps, puis explique les circonstances
dans lesquelles il l'a attrapée. C'est que dans cet hôpital, tout passe par les
rumeurs, largement colportées par une jeune infirmière, Rui Minegishi; celle-ci en veut à la terre entière au départ de la juger, car elle a un enfant sans être mariée, et elle répand la nouvelle
de la syphilis du bon docteur qu'elle accuse d'être un hypocrite. Mais elle entend (Ou écoute, plutôt) la conversation entre les deux hommes qui établit la vérité, et va changer son avis sur le
médecin; c'est à elle que Mifune avoue le plus dur, le fait de ne plus pouvoir assumer ses désirs, de crainte de répandre la maladie. mais elle lui dit qu'elle est là pour lui, et que s'il le
souhaite, elle se sacrifiera, tant pis pour la syphilis. Le médecin n'aura aucune réaction apparente...
Les différences entre Nakada, le soldat qui lui a refilé la maladie, et Fukisaki qui est près à sacrifier sa vie sexuelle et affective tout en se battant consciencieusement contre la maladie ne débouchent pourtant pas sur une division manichéenne entre les bons et les méchants. le personnage de Minegishi est là pour l'éviter; elle est admirable, et l'actrice (Noriko Sengoku, qu'on reverra dans un rôle proche de celui-ci dans Scandale) joue à merveille l'évolution humaine de son personnage, apprentie infirmière sans foi ni loi qui se fait accuser de tout, parfois à tort, parfois à raison, en une jeune femme prète à un sacrifice fou, par amour pour un personnage dont elle sait qu'il est prèt à tout donner. Mine de rien, Kurosawa réussit à nous placer un amour sublime dans son film, lui qui n'était pas un expert en la matière... Mais ce n'est pas là le propos du film, qui se termine sur une note ambigue (Fukisaki est toujours là, et est cité en exemple par les infirmières), alors qu'il aurait du se finir sur la folie du personnage principal. Mais l'espoir, finalement, subsiste.