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11 août 2012 6 11 /08 /août /2012 18:53

Le retour à la vie (1949) est une initiative intéressante, qui tente quelques années après la libération de faire le point sur le sort de ceux qui ont été "déplacés", selon un terme qui a des saveurs d'euphémisme et qui couvre des destins bien dissimilaires... Cinq courts métrages en fait, deux de Jean Dréville, un de George Lampin, un en forme de coup de poing d'André cayatte (Il s'est attaché au retour des déportés, en livrant un film qui montre une famille s'organiser pour essayer d'expliquer à un de ses membres qu'ils l'ont dépouillée de tous ses biens pendant la guerre), et surtout la pièce de résistance, ce petit film de 28 minutes intégralement signé Clouzot, qui prenanit par certains cotés sa revanche d'avoir été frappé d'indignité nationale (Sic) à l'issue de la libération, pour avoir osé tourner... un chef d'oeuvre, Le Corbeau

Il conte, avec Le retour de Jean, la difficulté à émerger du cauchemar pour Jean, un homme resté prisonnier durant cinq années, et qui a appris à son retour de captivité les horreurs dont se sont rendus coupables les Allemands. Mais il ne veut pas se réfugier derrière quelque bannière que ce soit, accusant l'homme plutôt que les Allemands. Autour de lui, les petites gens de la pension de famille ou il a trouvé refuge, des médiocres comme seul Clouzot savait les créer (Noël Roquevert est "le commandant", un petit bourgeois qui commande surtout à la soupe qu'on lui livre, et Maurice Schutz y joue un vieux qui  déclare avoir bon pied bon oeil, comme le maréchal, en montrant une photo de De Gaulle...) se drapent au contraire dans un patriotisme rassurant. un soir, donc, un soldat Allemand en fuite se réfugie dans la chambre de Jean, et celui-ci en apprenant qu'il a à faire à un tortionnaire, cherche à savoir, laisse éclater sa colère, et doit ensuite résoudre un dilemme: faire selon la loi du moment acte de patriotisme en livrant l'Allemand, ou acte de miséricorde en l'aidant à mourir en paix?

Jouvet incarne Jean, revenu d'un camp de prisonnier avec une patte folle, comme on dit. Jean en veut à tous, est dégoûté de l'humanité, parce qu'il la plaçait au dessus de tout: des patries, de Dieu. Son choix final est comme les mots que lui donne Clouzot à prononcer un éditorial, et le film souffre du reste parfois de cette charge textuelle, on sent comme une envie de régler ses comptes. Mais le propos, de vouloir à tout prix refuser la barbarie, est d'un tel bon sens, qu'on n'en voudra pas au metteur en scène qui en moins d'une demi-heure nous livre de toute façon une fois de plus un film fascinant. Ce qui était presque un paradoxe en même temps qu'une vraie provocation, l'idée de confier un tel film à "ce collabo de Clouzot" (Même s'il a été exonéré, chacun sait qu'un homme qui a été cité dans les journaux pour des accusations aussi fausses soit-elles, est de toute façon condamné à être soupçonné jusqu'à la fin de ses jours, et même au-delà, voir à ce sujet Roscoe Arbuckle...) s'avère au final un excellent calcul...

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Published by François Massarelli - dans Henri-Georges Clouzot