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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 17:20

Je tiens Jacques Feyder pour le meilleur cinéaste Français des années 20, tout bonnement... Mais il faudrait le faire revenir au premier plan, ce qui n'a rien d'aisé. de temps en temps, un film se rappelle à notre bon souvenir, et la chaine Arte a beaucoup fait pour redonner l'occasion au grand public (Du moins celui qui accepte de se laisser tenter...) de voir notamment Crainquebille, Visages d'Enfants, GribicheCarmen, et même The Kiss, film Américain dont la vedette est Greta Garbo. Au sein d'une oeuvre protéiforme, plombée par la légende d'un film disparu, le Thérèse Raquin de 1927 dont tous les historiens nous disent qu'il fut sans doute son chef d'oeuvre, ce film brille d'un éclat particulier. Rare comédie politique, doublée d'une allégorie subtilement symbolique, le film est aussi un brin sentimental, cousin en cela des oeuvres du gentil mais talentueux René Clair à la même époque. Je pense en particulier aux Deux timides, mais aussi et surtout au Chapeau de paille d'italie dans lequel Clair abandonnait sa tendance à l'onirique un peu bouffon pour tenter soudain une certaine vision burlesque mais réaliste de notre société. Les nouveaux messieurs emprunte d'ailleurs à ce film son acteur principal, Albert Préjean, et se garde de pousser la satire politique jusqu'au grotesque, sauf dans une scène de rêve, qui est restée la séquence la plus célèbre du film (Durant laquelle les députés sont en fait des ballerines rêvées par un vieux politicien assoupi)...

 

Sous la troisième république, Suzanne (Gaby Morlay) est une danseuse médiocre, entretenue par le comte de Montoire-Grandpré (Henry Roussel), député installé d'une majorité de droite. Celui-ci lui promet bien sur monts et merveilles, à commencer par un peu de piston. Elle rencontre un électricien de l'opéra, Jacques Gaillac (Albert Préjean). Celui-ci est amoureux d'elle, et syndicaliste. iIs flirtent, puis elle trompe Montoire avec lui. Mais lors des élections, le populaire Gaillac est élu député, puis devient ministre... Suzanne va jouer sur les deux tableaux, mais de son coté, le comte n'a pas dit son dernier mot.

 

Pièce gentiment populaire, le film n'aurait pas du faire de vagues, proposant après tout une satire de bon aloi: le propos de Feyder n'est que d'observer la vie politique de l'intérieur, en substituant à lamour de la république l'amour d'une seule et même femme, qui va devenir la motivation principale, pour Gaillac, de devenir député, et pour Montoire, de renverser le gouvernement dont fait partie son rival. Hésitant sans cesse, la jeune femme symbolise une Troisième République instable, qui tend toutefois à se réfugier dans le giron de la droite par sécurité... et puis les petits travers et petites combines sont évoqués avec prudence, depuis l'entrevue entre adversaires qui cherchent des passe-droits et du favoritisme, à la tentation d'écarter un rival dangereux en l'exilant dans une quelconque ambassade. Pourquoi le film a-t-il été censuré? la raison officielle est toute simple: "atteinte à la dighnité du parlement"... La faute à un gouvernement (Des gouvernements, tant ils passaient vite) englué dans le conservatisme, qui souhaitait sans doute cantonner le cinéma à un rôle d'amusement public. Pour la même raison, L'Age d'or aura à subir la censure lui aussi... Mais si Feyder est loin ici de la chronique sublime de l'enfance (Visages d'enfants) ou de la peinture d'une obsession meurtrière (L'Atlantide, Carmen), il n'en reste pas moins que son film, impeccable dans son interprétation comme dans on montage, est la preuve que le cinéma Français avait à l'époque de la compagnie Albatros, un savoir-faire impressionnant, et des metteurs en scène capables non seulement de vouloir faire des films différents et ambitieux dans un cadre commercial à l'instar du cinéma Américain. ...Que Feyder dégouté par l'accueil réservé à son film allait alors rejoindre.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 Jacques Feyder *