Entièrement ou presque situé de nuit, Lilly Turner est un
de ces mélodrames-coups de poing que Wellman tournait presqu'en dormant lors de son passage à la Warner dans les années 30. Il conte les mésaventures d'une femme mariée (Ruth Chatterton), du
moins le croit-elle, à un prestidigitateur minable, qui prend la fuite quelques jours avant d'accoucher de leur enfant. Elle apprend donc qu'il était bigame, et ne le reverra plus... Dave, un
bonimenteur alcoolique (Frank McHugh), se marie avec elle, puis l'assiste. Elle accouche d'un enfant mort-né, puis ils retournent travailler dans le circuit minable de foires et des "medicine
shows". toujours mariés, bien que ce ne soit que pour la galerie, ils travaillent enfin pour le "docteur" McGill (Guy Kibbee), mais la encore le drame va se précipiter: alors que Lilly tombe
amoureuse d'un ingénieur musclé (George Brent) qui fait le taxi pour survivre, un autre tas de muscles, l'"homme fort" Fritz (Robert Barrat), va littéralement tomber fou de désir...
La crise: comme toujours dans ces petits films, elle est partout, cachée derrière les habits usagés du mélodrame. Ruth Chatterton joue un personnage qui semble avoir relativement
accepté son destin minable, sauf devant l'amour: elle exprime de façon très claire son désir pour George Brent, et va jusqu'à mentir pour essayer de l'amener dans son lit; elle n'est d'ailleurs
pas la seule, puisque l'épouse du "docteur" (Marjorie gateson) va essayer aussi... Le désir n'est pas, dans ce film, l'apanage des femmes: Dave souffre en silence, pendant que le reste des hommes
présents essaient tous de coucher avec Lilly. Certains, d'ailleurs, y parviendront: le film, parfait exemple de la période pré-code, est un démenti cinglant à l'impression d'un cinéma Américain
asexué, et pourtant, il dépeint surtout une période difficile, de perte des repères en pleine crise, durant laquelle le moindre espoir à court terme devient une richesse convoitée.
L'interprétation est sanss fautes, le rythme ne faiblit pas, et s'il est certain que la copie (Passée au Cinéma de inuit de France 3) était par trop noire, l'atmosphère poisseuse convient
finalement idéalement au sujet...