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Avec Ann Todd dans le rôle principal, David Lean explore avec la méticulosité quie le caractérise une affaire célèbre, située à Glasgow dans les années 1850: Madeleine Smith (Ann Todd), amoureuse d'un jeune homme Français (Ivan Desny), est une jeune femme de la bonne société de Glasgow, dont le père (Leslie Banks) s'attend à ce qu'elle épouse un homme de son milieu (Norman Wooland). Mais elle décide de s'enfuir avec son amoureux, Emile L'Angelier: celui-cide son côté refuse l'idée d'un mariage secret, il désire en effet garder la tête haute. Devant leurs objectifs inconciliables, le jeune femme décide de rompre. Mais alors qu'ils ont encore quelques entrevues, dont certaines seront houleuses puisqu'Emile agite devant Madeleine le spectre du chantage, le jeune homme tombe dangereusement malade, puis meurt d'un empoisonnement à l'arsenic... Madeleine, pointée du doigt par le colocataire d'Emile, est immédiatement considérée comme le seul suspect dans l'affare, et le film nous expose méthodiquement le déroulement de son procès.
La vérité? Clouzot en a fait un film, et c'est vieux comme le monde: le principe d'un film de procès, ce n'est pas essentiellement de découvrir la vérité, mais plutôt de voir comment on la traque, la trouve ou la dissimule, l'utilise ou la travestit dans ce grand cirque fascinant qu'est l'exercice de la justice. Relatant les faits sous leur forme connue (à la façon dont plus tard Fincher tournera Zodiac), Lean choisit de ne pas broder autour de l'histoire, se contentant de faire semblant d'adopter un regard objectif. On ne pourra pas ne pas prendre parti de toute façon, même si le metteur en scène a utilisé Ann Todd de façon étonnante, en jouant à la fois sur le poids de son éducation (c'est une jeune femme très comme il faut, stricte en toute circonstance pour ne pas dire froide) et sur le tumulte de ses passions (elle découvre l'amour, y compris physique, et est prète à tout, y compris abandonner sa famille, pour aller au bout). Si elle est coupable, on en viendrait presque à la comprendre par ailleurs tant le poids des conventions, et le piège qui se referme sur elles, sont une menace que nous ressentons. Quoiqu'il en soit, le film se clôt sur une énigme, puisque l'affaire n'a jamais été élucidée...
Avec sa mise en scène une fois de plus impeccable et flamboyante Lean est en plein dans son univers, quelque part au milieu d'un débat sans fin, à la façon de Zhivago coincé entre deux femmes et entre deux marches à suivre, ou comme ce pont convoité par les uns, revendiqués par les esclaves qui le construisent, et dynamités par les autres, tous au nom d'un même idéal militaire... On pense aussi à A passage to India, si ce n'est que dans ce film tardif, il choisira de nous donner, dans une histoire d'accusation et de procès, le fin mot de l'affaire. Mais comme si souvent dans son oeuvre, le film toutnre autour... d'un vide flagrant, celui de la résolution, et de ce qui s'est réellement passé entre Emile L'Angelier, Madeleine Smith et un flacon d'arsenic...
Ann Todd est exceptionnelle, moins lisse que n'aurait été une actrice à laquelle on aurait imposé une vision extérieure, qui aurait permis soit de la disculper, soit de l'accuser fermement. L'énigme de son expression sert bien sûr le film, mais comment interpréter ce regard final à la caméra, sourire complice de boneur d'être libérée après un cauchemar, ou sourire triomphant d'un meurtrière qui a berné tout le monde? Sa vie est probablement foutue, mais le personnage a gagné... Elle a été plus loin que bien des femmes en cette époque corsetée, et en est revenue. Avec sa mise en scène toute en clair-obscur, en scènes nocturnes, en touches stylistiques, héritées du film noir, c'est un film impressionnant, qui se bonifie à chaque vision, et dont l'étrange fin sans conclusion semble si parfaite...
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