Marizza fait partie des films réalisés par Murnau avant Nosferatu; c'est aussi un précurseur de ses films dits "paysans", de Der Brennende Acker à City girl, films dont beaucoup hélas sont perdus. C'est justement le cas de ce long métrage situé entre Der gang in die Nacht (1920, le plus ancien des films conservés de Murnau) et le plus connu Schloss Vogelöd (1921): seule une bobine du film a pu être récupérée, sauvée de la décomposition d'une copie Italienne du film, et restaurée récemment. C'est à la fois une découverte majeure et une solide déception, mais il fallait s'y attendre: avant Nosferatu, Murnau se cherche, et surtout, il ne travaille pas encore pour la UFA... donc les films sont tournés dans des conditions extravagantes, et les scripts sont marqués par une similitude louche avec des oeuvres littéraires (Dr Jekyll & Mr Hyde pour Der Januskopf, Dracula pour Nosferatu) ou cinématographiques (Satanas, 1919, dont seul un fragment encore plus court a survécu, est un démarquage d' Intolerance, ou des Pages arrachées du livre de Satan de Dreyer)... Marizza possède quant à lui une certaine touche "Carmenienne" qui est bien en évidence dans cette première bobine, dans laquelle on soupçonne des traces d'un raccourcissement du film tellement il se passe de choses: une vieille femme envoie la sauvageonne Marizza faire les yeux doux aux douaniers afin de laisser les contrebandiers travailler en paix, un douanier moustachu un brin grotesque fait une cour plus que poussée à la jeune femme qui séduit également un homme de la ville...
Les personnages sont souvent grotesques, Murnau établissant des contrastes marqués entre les gens de la ville, et les campagnards, sales, maquillés à outrance... Mais le cinéaste plante sa caméra dans la nature, et on sent qu'il est déja motivé par la composition de ses plans, avec une inscription déja forte des personnages dans le cadre des maisons ou il situe son action. N'empêche! on voit ici un amateurisme, une impression d'archaïsme très prononcée... Mais on peut au moins noter que l'actrice principale Tzwetta Tzatschewa a sans doute motivé Murnau plus que ses compagnons, et elle dégage de fait un certain érotisme qui restera rare dans l'oeuvre de Murnau. Déception donc, pour un film qu'on aimerait quand même voir dans son entier, mais les chances pour qu'une des quatre autres bobines fassent surface de la même façon restent hélas bien minces... Tout comme les chances de voir ou revoir Der Knabe in Blau (1919), Tout Satanas (1919), Der Bucklige und die Tänzerin (1920), Der Januskopf (1920), Abend... Nacht... Morgen (1920), Die Austreibung (1923) ou The four devils (1928)... Et pour ces deux derniers, tout concourt à faire penser que la perte est immense.