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En 1964, ce film avait tout pour n'être qu'un ovni: une intrigue tellement squelettique qu'elle tient en une phrase (un homme taciturne débarque dans un village sur la frontière Mexicaine et règle une vieille querelle entre deux bandes rivales en prenant le dessus sur tout le monde.), une production multi-culturelle (acteurs Allemands, Italiens et un Américain, le tout en espagne et censé simuler les Etats-unis), et une "star" problématique: Américain, oui, mais surtout connu pour son travail à la télévision. Et surtout, le film possédait un caractère inattendu, incongru, qui touchait au blasphème: un western tourné en Europe par une équipe Européenne.
Il serait mesquin de dire que tout le "western Spaghetti" est né de ce film, et ce serait faux: non seulement le terme péjoratif ne s'applique aux films de Leone que dans la mesure ou ils furent les premiers westerns Italiens, mais il y a un monde entre la producction à la chaine de petits films sans âme, avec Terence Hill ou même Lee Van Cleef, et cette déclaration d'amour au cinéma, qui inaugure non seulement une production Européenne valide, mais aussi et surtout représente la naissance d'un style, les premiers agissmenets d'un artiste. L'un des premiers grands cinéastes référentiels, les suivants étant bien sur des gens comme Spielberg, Lucas, Coppola, Scorsese... et Eastwood.
Le film est célèbre pour ses petits tics, parodiés souvent et généralement avec tendresse. Mais ce qui le caractérise, au-delà de l'habituelle juxtaposition des gros plans et des plans larges, de l'étirement du temps, de l'utilisation savante de la bande-son, c'est la mise en avant du processus de mise en scène. Joe, le héros joué par Eastwood (Il faut arrêter de l'appeler "L"homme sans nom", il en a un!!), est un homme qui n'est pas que doté d'un tempérament d'acier; il a aussi l'intelligence pour lui et met en scène en particulier la scène finale de confrontation, justement célèbre: Leone ne nous dit pas tout, il ne nous donne qu'une information: Joe trame quelque chose... le reste, c'est du cinéma pur, qui repose à la fois sur le fait de voir, d'écouter, sur la surprise et sur une solide dose d'humour. Donc, montrer, et surtout nous imposer de voir: deux préceptes de mise en scène qui sont ici montés en épingle, jusqu'à devenier le sujet même du film. Leone poussera cette logique plus loin dans le deuxième film en faisant interveniur un duel entre deux metteurs en scène; ajoutant à Eastwood un personnage de chasseur de prime interprété par Lee Van Cleef. En attendant, on pourra se délecter des plaisirs coupables de ce petit film, tourné pour pas grand chose, mais qui est meilleur que bien des westerns Américains contemporains, ceux de Andrew McLaglen en tête.