Le vétéran de la MGM Woody Van Dyke était réputé pour son efficacité,
son métier, son coté direct et l'imperturbable stakhanovisme qui lui permettait au studio d'enchainer film sur film, sans discontinuer, jusqu'à sa mort prématurée en 1942. Ses oeuvres les plus
personnelles, au tournant des années 30, mettaient généralement en scène des aventuriers aux prises avec une vie sauvage, intense, juingles et bêtes exotiques... White shadows in the
south seas, Trader Horn ou Eskimo sont quelques-uns des titres de ce Merian C. Cooper de la MGM, dont Tarzan the ape man représente en
quelque sorte un compromis idéal entre aventures exotiques et jungle de studio... Mais dès 1934, avec Manhattan melodrama, ou The Thin man, l'homme s'est aussi
exercé avec une surprenante efficacité à donner sa visiondes contours du film noir, sérieux et tragique d'un coté, humoristique de l'autre, avec à chaque fois derrière le savoir-faire, un
style.
C'est ce Van
Dyke-ci qu'on retrouve à la manoeuvre avec ce film tardif, l'un de ses derniers. Un prologue Parisien nous apprend qu'un certain Ward Andrews, sujet Anglais, s'est évadé d'un hopital
psychiatrique, et on retrouve Ward Andrews, en compagnie de son ami Philip Montell. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps, chacun affirmant revenir d'un long voyage, mais cest Philip qui dit
revenir de France... Ils se rendent chez Mme Montell, qui vit avec une jeune femme de compagnie, Stella. Les deux compères tombent tous deux amoureux, mais c'est Philip qui se mariera avec elle.
Très vite, elle sera amenée à le regretter amèrement, le jeune homme étant particulièrement tordu, voire inquiétant...
Van Dyke a appris avec la série des Thin Man, dont il a réalisé quatre épisodes, à poser en quelques plans, et une ou deux scènes, une exposition parfaitement fonctionnelle. Il se livre à l'exercice, ici, avec deux parties: d'une part l'anecdote de l'hôpital, avec Oscar Homolka en simili-Freud, dans laquelle on ne voit jamais le personnage de "Ward Andrews" et ensuite la rencontre entre Andrews et Montell. Le mystère soulevé très vite par le film, lequel des deux hommes s'est réellement évadé, n'en est pas un très longtemps, Montell n'avançant pas masqué du tout, et de fait, avec l'angoisse de savoir jusqu'ou le personnage va aller, on est un peu en teritoire Hitchcockien, d'autant que le dernier acte du film concerne l'histoire d'un faux coupable. Une autre filiation existe, aussi, avec Hitchcock bien sur (Rebecca et Suspicion), mais aussi avec d'autres films de ce genre, dans lesquels une femme se rend compte, ou croit se rendre compte, qu'elle est mariée à un psychopathe: Gaslight, bien sur, de George Cukor, vient à l'esprit... Parallèlement, l'interprétation de Robert Montgomery, George Sanders (Dans un rare rôle sympathique) et Ingrid Bergman est excellente.
Bref, avec Rage in heaven, un film réalisé à l'aube du genre qu'est le film noir, Van Dyke s'affirme une fois de plus comme un petit maitre de tous les styles, parfaitement à l'aise dans le fait de mettre en place un climat de malaise, même si bien sur, le maitre du genre qui venait tout juste d'arriver aux Etats-Unis n'a pas encore dit son dernier mot.