David Barr (Leslie Banks) souhaite relancer l'industrie navale Britannique, pour faire reflotter le "pavillon rouge" de la marine Anglaise autour du monde. Mais son conseil d'administration s'oppose à ses plans, d'autant qu'il compte un peu trop sur un projet de loi établissant des quotas de construction pour faire repartir la machine. Lorsque la loi est rejetée, il n'hésite pas à se lancer quand même, quitte à mentir, contrefaire des papiers ou voler, parce qu'il sait que c'est le seul moyen de faire revivre son métier. Paradoxalement, ses manoeuvres et manipulations vont lui faire acquérir certains soutiens cruciaux, dont celui de la belle et riche June McKinnon (Carol Goodner), avec laquelle il va bientôt vivre le début d'une histoire d'amour.
Après une dizaine de films, Powell réalise avec Red Ensign une petite performance assimilable à la quadrature du cercle: dans le cadre des limites inévitables (temps, budget...) de la tâche de confectionner un film dans le but de fournir du métrage et faire vivre l'industrie cinématographique Britannique, il accomplit une allégorie de sa propre situation artistique, et malgré les clichés à la tonne qui alourdissent l'intrigue ravalée de ce drame aux allures de thriller galvaudé, il y expérimente avec le montage (Le but étant principalement de pallier à l'absence de moyens), et avec le point de vue, donnant une résonnance à certaines scènes qu'elles n'auraient jamais du avoir.
Il y
a des défauts, donc, le principal étant le personnage principal interprété sans aucune pudeur ni subtilité par Leslie Banks à son plus histrionique; mais le film possède un enthousiasme, et va au
bout de la route que le metteur en scène s'est fixé: montrer un personnage animé par la foi, au point de s'aliéner tous les gens raisonnables si c'est le seul moyen d'accomplir son but, voire son
destin. Et comment ne pas voir une métaphore de Powell lui même au sein de l'industrie du spectacle, dans ce David Barr qui doit résoudre une équation apparemment simple, mais relavent du pire
des cercles vicieux: l'industrie navale est en crise, et ce dont elle a besoin pour reprendre ses activités, c'est de faire la preuve de sa solidité, donc... de reprendre. Arrivé à son douzième
long métrage en quatre ans, Michael Powell a clairement, quant à lui, fait ses preuves, et le film, aussi ridicule en soit l'intrigue, est habité: la façon dont le metteur en scène réussit à
capter le lyrisme des hommes au travail en alternant prises de vues prudentes, stock-shots et vues documentaires est impressionnante, et sa capacité à passer au sein d'une même séquence d'un
point de vue à l'autre, réussissant à éviter que ce morcellement débouche sur une diabolisation de tel ou tel personnage est là encore bluffante. ...Il est d'autant plus dommage d'avoir à subir
d'éternels discours patriotiques durant les 65 minutes de ce petit film.