Redskin est un film aussi atypique que passionnant, dont l'existence même ainsi que la préservation tiendraient presque du miracle... Son réalisateur, lui aussi forcément original, était d'abord un musicien, et serait entré dans le monde du cinéma en composant des partitions pour les films de Thomas Ince. Il convient d'être prudent lorsqu'il s'agit de parler des films de ce producteur, dont on sait qu'il n'autorisait que rarement ses collaborateurs à tirer la couverture à eux, mais Schertzinger aurait donc débuté dans la carrière en 1915 ou 1916, avant de mettre en scène des films à partir de 1917. Peu de films importants, surtout du solide travail de studio, et du reste c'est en tant que réalisateur sous contrat à la Paramount qu'il s'est vu attribuer la mise en scène de ce film...
Le muet était vieillissant, et à cette période, tous les studios essayaient pour leurs films plus modestes de nouveaux gimmicks: musique synchronisée, couleurs, écran large... Redskin, production Paramount, a pour sa part été l'un des longs métrages en couleurs qui se sont distingués une fois que la compagnie Technicolor a commencé à collaborer avec d'autres studios (The Viking pour MGM, The black pirate pour UA, etc...). Le film a été largement tourné en Arizona, sur la terre des Navajos, là même ou quelques années plus tard John Ford viendra tourner ses plus beaux films. Redskin raconte une histoire d'intégration ratée pour un Navajo joué par Richard Dix (Pour justifier sa présence, le héros est né d'un père Indien, et d'une mère Anglo-Saxonne), qui tente de passer par l'université, pour constater qu'il n'est pas accepté à part entière. De retour chez lui, il est rejeté parce qu'il a trop facilement embrassé les valeurs et la science des blancs...
Tout en étant très classique dans sa mise en scène, et en possédant un scénario qui ne brille pas par son originalité, le film est plutôt intéressant pour les thèmes qu'il développe, tout en les fondant dans le tissu mélodramatique de l'ensemble. Du coup, il aborde la question de l'intégration en ménageant toutes les sensibilités, nous dit que vouloir forcer l'intégration est une erreur, tout en admettant que les groupes de Natifs Américains se doivent d'accepter une part d'évolution et d'acquisition de la culture Anglo-Saxonne; le film condamne ouvertement le paternalisme aveugle, et le racisme sous-jacent à travers une scène durant laquelle Wing Foot (Richard Dix) est invité à une fête au cours de laquelle il sera agressé pour s'être approché trop près d'une blanche, ou plutôt pour avoir laissé la jeune femme s'approcher de trop près. L'exploitation éhontée et malhonnête des possessions des Indiens (Un ingrédient assez courant du mélodrame, bien sur) est montrée à travers l'anecdote d'un gisement de pétrole situé sur les réserves. Enfin, le film fait oeuvre de pionnier en étant situé en plein territoire Navajo et Pueblo, sur des sites historiques difficilement accessibles (L'un des villages est désormais une destination touristique, mais on ne peut y accéder que grâce à une route tracée justement pour les besoins du tournage de ce film...), avec respect pour les populations locales même si aucun des acteurs principaux n'est un Indien; le Technicolor (Utilisé uniquement sur les épisodes situé en terre Indienne) rend justice de façon intéressante, quand on connait les limitations chromatiques du procédé à deux bandes, à la coloration particulière de ces régions de l'Arizona (Voir à ce sujet The Searchers, de John Ford). et de fait, le film rappelle la nécessité pour tous d'une multitude de cultures, et l'importance de préserver sans pour autant refuser toute assimilation ou évolution, les traditions et le tissu culturel des tribus du Sud-Ouest Américain...