/image%2F0994617%2F20230718%2Fob_982307_bj1vh1726u4h2j5g98kv12boqsbbil-origina.jpg)
Rivière noire ou le film noir selon Kobayashi, qui avait déjà réalisé deux brûlots entre quelques bluettes inoffensives destinées à donner le change. Mais son but était plus que jamais de dénoncer les conditions de vie d'un Japon qui s'enfonçait plus avant dans la corruption, sous l'influence ouvertement citée d'une présence Américaine de plus en plus gênante. Kobayashi, homme de gauche, n'épargnait pas non plus son pays, qui allait en prendre pour son grade dans l'incroyable et épique film de 9h30 La condition de l'homme, trois ans plus tard... Mais n'anticipons pas: Rivière noire est la première rencontre de Kobayashi avec Tatsuya Nakadai, l'acteur génial de Hara-Kiri, Kwaidan, et La condition de l'homme. Son talent pour tout jouer, y compris les scélérats est particulièrement mis en valeur dans ce film: Nakadai y est Joe, un truand local qui fait la loi, parfois avec l'appui de la population; ceux-ci vivent dans des taudis, en particulier les "appartements" dans lesquels l'essentiel de l'intrigue du film se situent; la propriétaire (Isuzu Yamada, géniale de méchanceté) est de son propre aveu peu regardante quant à la provenance de ses locataires, leurs méthodes, du moment qu'ils paient. En échange, ils sont supposés ne pas être très regardants non plus sur la qualité du service. C'est ici que vit Nishida (Fumio Watanabe), un étudiant; il est amoureux d'une jeune fille, Shizuko (Inuko Arima) qu'il estime pure, mais celle-ci est convoitée par Joe. Lorsque celui-ci tend un piège à la jeune femme, elle tombe dans ses bras comme une fleur, et joe qui s'amuse beaucoup de la jalousie de Nishida, le provoque d'autant plus qu'il sait que Shizuko a de l'affection pour l'étudiant...
La corruption représentée par Joe, la tentation de l'alliance avec le mal, la pureté à géométrie variable... le portrait de la jeunesse Japonaise n'est pas tendre, bien sur, et il devient difficile dans le film pour les personnages pour survivre à l'écart de ces conflits. Mais ce qui frappe au-delà de la dureté du film, c'est la façon dont la violence dérape parfois vers la baroque, avec ce personnage en roue libre interprété par le pourtant jeune Nakadai. A côté de lui, Kobayashi a su maintenir un certain équilibre entre les obligations paroxystiques du genre et la véracité de l'interprétation, mais admettons-le, quel autre acteur aurait pu allier autant de vilenie et de fascination? Avant même d'être une dénonciation, sordide mais saine, le film est un somptueux film noir sans barrières, dans lequel il construit certaines scènes sur l'allusion à la virginité de son héroïne, assimilée à une ombrelle dont elle ne se débarrasse jamais, mais qui va devenir un étendard lors de la scène finale...