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2 mars 2014 7 02 /03 /mars /2014 09:29

Max Fischer est entré à l'école de Rushmore Academy à l'age de sept ans; il avait écrit une pièce de théâtre et sa mère avait décidé qu'il lui fallait le meilleur. Huit ans plus tard, il est parfaitement intégré dans l'école, où il pratique un nombre impressionnant d'activités extra-curriculaires. Par contre, ses résultats sont catastrophiques, et il est menacé d'être renvoyé s'il ne s'améliore pas. Cela ne le dérange pas, il continue donc ses activités, mais va faire deux rencontres déterminantes: d'une part, M. Blume, un industriel richissime qui s'ennuie terriblement va se prendre d'affection pour le jeune Max qu'il trouve brillant en dépit de son originalité. D'autre part Max va rencontrer une femme, Miss Cross, une jeune veuve qui enseigne dans la section primaire de l'établissement... C'est le début des ennuis pour tout le monde.

 

Notre première rencontre avec Max Fischer se fait à travers un rêve, dans lequel il s'imagine résoudre un problème de maths, apparemment impossible. Il triomphe, bien sur, mais si le rêve est évidemment piloté par le talent inné de Max pour la mise en scène (Il n'y a qu'à voir les pièces que son groupe de théâtre, les Max Fischer Players, interprètent pour s'en convaincre), il est aussi curieusement en phase avec la personnalité de Max lui-même. Si on excepte le fait que dans le rêve le jeune homme est un génie des maths, ce qu'il est loin d'être, pour le reste, c'est toute sa personnalité qui s'y exprime: hautain, menteur (Il a inventé pour son père veuf un métier à la hauteur du standing de l'Académie, mais le brave homme est en réalité coiffeur), calculateur (Ô combien!), sur de ses effets, et détaché du monde tout en le contrôlant dans ses moindres détails... Wes Anderson, avec Fischer, a créé le premier de ses petits génies inadaptés. Et c'est un somptueux révélateur de tout un univers, fait cette fois d'enfance mal achevée, d'adolescence décalée, et de rêves enfouis. Il y a beaucoup de similitudes entre Max Fischer et Herman Blume, même si sur bien des points ils sont plus complémentaires que semblables. Pour autant, ils ont un certain nombre de points communs: par exemple, tous deux ne s'acceptent pas, même si leur façon d'y remédier est différente; Max invente un univers, et Herman boit, est odieux en public, etc... Ils partagent le même enthousiasme pour la marge, pour le talent qui ose au détriment du système. Et les personnages sont amoureux de la même femme... Le triangle, incarné par Jason Schwatrtzmann (Max), Bill Murray (Herman) et Olivia Williams (Rosemary Cross) est un ressort dramatique qui permet l'expression de bien des sentiments. La meilleure scène sans doute est celle qui voit Max tenter sa chance une dernière fois auprès de la jeune femme, s'introduisant chez elle sous un odieux prétexte. On y passe du burlesque aux larmes sans aucune impression de mélange, et toute la vérité d'un personnage y passe: Miss Cross le dit elle-même, son mari décédé était très proche de Max, mais il n'est pas interdit d'imaginer que devenu plus agé il aurait fini par ressembler à Herman...

 

Après Bottle Rocket, fait avec les moyens du bord, Anderson a bénéficié avec Touchstone de moyens conséquents, ce qui lui permet de donner enfin vie à son univers, ici centré sur l'excentrique Max Fischer. Contrairement à ce qui se pasera dans les films suivants, Anderson n'a pas encore étendu à tout et tout le monde la distortion ethétique si particulière de son monde graphique, seul Max Fischer apparait comme franchement décalé de notre monde. C'est en fait un univers proche du notre, mais dans lequel une personne ne tourne vraiment pas rond. Max a décidé une bonne fois pour toutes ce qu'il voulait faire toute sa vie: rester à Rushmore Academy. C'est donc l'histoire d'un être humain souhaitant plus que tout être accepté par le monde qui l'entoure, et se refusant à laisser le monde qui l'entoure fonctionner tout seul sans qu'il interfère en quoi que ce soit. Bref, c'est une histoire d'adolescence, parfois embarrassante, parfois drôle, souvent touchante, et profondément émouvante. Et Wes Anderson a même la gentillesse de nous laisser apprécier une évolution très positive: à la fin, Max, semble-t-il, accepte au moins partiellement de vivre pour les autres, et semble s'accepter lui-même.

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson Criterion