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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 17:18

Si elle a toujours été précaire la liberté dont Keaton jouissait durant la production de ses courts métrages a commencé à se lézarder de plus belle lorsque l'unité de production de Joe Schenck a été plus ou moins entrainée dans la tourmente de la nouvelle MGM: auparavant distribués par la seule Metro qui avait d'autres chats à fouetter, ils étaient désormais sortis par le nouveau conglomérat, tout en restant indépendant. Mais Schenck commençait à essayer de piloter un peu plus Keaton, et le poussait occasionnellement, conformément aux voeux du studio dont la marque de fabrique était clairement la sophistication, de lui faire tourner des films qui soient moins burlesques. en cette année 1925, on a un bon exemple de cette lente prise de contrôle: Seven chances était tiré d'une pièce, et Keaton n'a jamais cherché à le tourner.

Cette histoire tient son titre de la situation de base: Jimmie Shannon, homme d'affaire lié à un cabinet qui coule financièrement, reçoit un héritage faramineux... à condition qu'il soit marié le soir même, à 19h. Il va dans son cercle social, où il trouve sept femmes qui sont des partis envisageables, avant de se retrancher sur le hasard, et de laisser faire son associé: celui-ci met une annonce dans l'édition du journal du soir, et ce sont des centaines de femmes en robe de mariée qui arrivent au rendez-vous... Pendant ce temps, la femme de sa vie, qui l'a rejeté, revient sur sa décision, et essaie de le joindre. 

Consciencieux, Keaton a sans doute peu aimé faire ce qu'il considérait comme un travail de commande, mais on peut constater que le résultat est franchement réussi: la comédie est effectivement plus sophistiquée que le slapstick habituel, mais Keaton ne renie ni le type de personnage qui a fait sa popularité (Avec un canotier toutefois) ni son style minutieux et ordonné. La séquence des "sept chances", en particulier, qui le voit changer de méthode à chaque nouvelle tentative, et multiplie les gags visuels, est étourdissante. Mais bien sur, venons-en aux deux séquences les plus justement célèbres: d'une part, l'accumulation méthodique de jeunes prétendantes dans une église, pendant que Buster épuisé dort sur un banc, séquence qui se solde ensuite par une poursuite hallucinante, hilarante, et un brin misogyne; et bien sur, à la fin de ladite poursuite, le moment où Buster dévale une pente et déclenche une avalanche de gros cailloux, qu'il choisit néanmoins d'affronter plutôt que de se retrouver face aux furies. Kevin Brownlow a démontré que cette séquence accidentelle a sauvé le film: elle en est en effet le point fort, c'est indiscutable, mais il y beaucoup de qualités, de l'intrigue réduite à l'essentiel, sans aucune graisse ni temps mort, à la construction qui laisse la part belle à la poésie chère à Keaton: son introduction en Technicolor, aux couleurs désormais rutilantes suite à une restauration consciencieuses, voit le héros venir saison après saison essayer dire à son amie qu'il l'aime, à chaque fois au même endroit; seuls changements: les conditions météorologiques, mais aussi un chiot qui grandit jusqu'à devenir un molosse. Ce même jeu du temps et de l'espace conduit Keaton à des choix étonnants, qui rentrent dans la catégorie de ses plans virtuoses qui ne sont pas là pour nous faire rire, mais nous étonnent par leur réussite: Il entre dans sa voiture, et un fondu enchaîné amène la voiture immobile à destination...

Bref, bien qu'il soit une commande, ce film est merveilleux. On se plaindra bien sur du jeu sur les stéréotypes, plus appuyés que d'habitude (Le valet de la jeune femme qui doit contacter Keaton est noir, il est aussi lent et franchement inintelligent, l'une des jeunes femmes abordées par Keaton lit ostensiblement un journal en hébreu, ce qui fait fuir Keaton avec un air catastrophé, et une autre jeune femme le fait partir dans la direction opposée lorsqu'il voit qu'elle est noire.). Ces 57 minutes de cinéma classique, en dépit de ces scories, ont bien mérité qu'on y revienne de temps en temps. Et paradoxalement, le film est plus connu que le suivant, Go west, voulu par Keaton et sans doute plus dans son style..

Une excellente édition Américaine du film est désormais disponible (Kino) sur DVD ou Blu-Ray: Voici un lien vers la page de silentera.com qui les présente:

http://www.silentera.com/video/sevenChancesHV.html

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet 1925 Technicolor **