Lick the star (1998) Le premier film de Sofia Coppola a été tourné en noir et blanc sur le campus d'un lycée Américain. Un groupe de quatre jeunes filles sont les reines absolues du lieu, surtout Chloe, celle qui mène et décide de tout. On y voit les mécanismes de l'exclusion, la fragilité d'un statut, et de quelle façon une chute peut entrainer des conséquences graves. Déja cette façon, commune aux films de Wes Anderson et Sofia Coppola, de capter l'instant en fournissant en une seule image un kaléidoscope subjectif d'impressions contradictoires: la fascination, le rejet... Déja, Virgin Suicides et The bling ring pointent sous ce court métrage d'études...
Virgin Suicides (1999) Le premier long métrage de la fille de son père n'est pas la peinture des mécanismes d'aliénation de cinq filles douées pour la vie, par leur mère possessive (Kathleen Turner), avec la complicité d'un père aveugle et déconnecté (James Woods). Pas seulement; si on y prend garde, on se rendra compte qu'à travers ce portrait de cinq filles, surtout quatre, dont le titre nous révèle assez clairement qu'elles ne finiront pas l'année, il s'agit des souvenirs d'une bande de garçons, troublés par les soeurs Lisbon quand elles étaient vivantes et au lycée, témoins de leur dégradation lorsqu'on les en a retirées, et traumatisés à jamais par l'écart entre ce qui s'est réellement passé, et ce qu'ils auraient aimé pouvoir faire avec elles, d'ailleurs esquissé dans une scène de rêve, qui voit les quatre filles survivantes bras-dessus bras-dessous, avec les quatre garçons, dans une voiture qui roule vers le bonheur. Au lieu de ça, que de mauvais souvenirs... c'est ça, le sujet du film: les souvenirs, leur effet, et le mélange entre mythologie et fascination, d'un coté, et culpabilité et regrets de l'autre...
Lost in translation (2003) Sofia Coppola a pris son temps, et elle a réussi le passage au second long métrage: cette chronique douce-amère sur la rencontre en terrain peu propice (A Tokyo, pour deux occidentaux qui ne parlent pas la langue) de deux solitudes forcées, deux personnages en pleine crise se demandant si la voie amoureuse qu'ils se sont choisi est la bonne, est une merveille de délicatesse, aidée bien sur par l'excellence des deux acteurs (Bill Murray et Scarlett Johansson), et la réussite à rendre de façon physique au spectateur les difficultés à évoluer en plein cirage pour deux noctambules en plein décalage horaire. Ce dernier aspect, qui va plomber Somewhere sert particulièrement bien ce film-ci, dont le succès a été on ne peut plus mérité.
Marie-Antoinette (2006) Prenant tout le monde à contrepied après ses deux premiers longs métrages, si actuels et si modernes, Sofia Coppola réalise beaucoup plus un portrait de Marie-Antoinette dans les coulisses de l’histoire qu’une biographie de la Reine. Elle nous montre, surtout, une adolescente qui doit tout abandonner un jour, pour se retrouver dans la position inconfortable d’être au milieu de tout et de tous, forcément regardée et scrutée, et de vant forcément décevoir : tout lui est mis sur le dos, dont l’incapacité de son époux Louis XVI à l’honorer (Si j’osais, je dirais qu’il avait facilement la chique coupée, mais ce serait un rien tranchant…), et rien ne peut la sauver aux yeux de l’opinion. Ses gouts pour le luxe (Anticipant The bling ring, d’ailleurs…) ne sont qu’une manifestation de sa frustration, une fuite en avant due à l’aliénation d’une jeune femme qui a tout perdu pour ne pas gagner grand-chose.
Inévitablement, lors de la sortie de ce très beau film très réussi, on a surtout parlé du sacrilège qui consiste à accompagner ce film d’une musique du XXe siècle. Et alors ? ce n’est pas un film historique, c’est un portrait subjectif, magnifiquement interprété par Kirsten Dunst et Jason Schwartzman. Et Sofia Coppola a transformé l’essai en osant accentuer le glamour de cette peinture d’un monde oisif en pleine fuite en avant comme prolongement de l’univers des riches contemporains.
Somewhere (2010) Après trois films splendides, Sofia Coppola continue son exploration de l'aliénation, en montrant un acteur en quête de sens dans une vie de routine liée à tout ce qui fait les à-cotés de la vie d'artiste, et en compagnie de sa fille qu'il aime, et qui souffre de l'éloignement, lors d'une des rares occasions qu'ils ont de se retrouver; Sofia Coppola se met en quête de filmer l'ennui, et c'est très réussi: on s’ennuie, justement, désespérément à la recherche de la moindre anfractuosité à laquelle se raccrocher… en vain.
The bling ring (2013) A Los Angeles, une bande d'adolescents se laisse aller à une série de cambriolages sans aucun scrupule, surtout par attrait pour la vie facile des stars qu'ils volent. De fil en aiguille, ils pensent se transformer en des êtres de plus en plus proches des vedettes qui les fascinent.
Le miroir aux alouettes, par quelqu'un qui a du en voir des vertes et des pas mûres. la plupart des 'victimes' de la bande organisée, on le constate aisément, ne sont pas que riches: ils sont aussi vides. Vides de sens, vides de réalité... Il est fort courageux à Paris Hilton de s'être associée à ce film, qui est une charge par ailleurs justifiée contre tout ce qu'elle représente: la vacuité absolue de la starification d'aujourd'hui, soit du rien enveloppé de marques. Donc, exactement ce qui motive ces enfants du siècle, à la fois victimes d'un cercle vicieux entretenu par les médias, et pilotes de leur propre vide intérieur. Le film de miss Coppola n'accuse pas, il montre avec une certaine fascination pas toujours distanciée des mécanismes sociaux qu'elle avait déjà abordés avec certains de ses films...