
Stan Laurel en solo, c'est toujours une promesse de rigolade, décidée, absolue, pas subtile du tout, et assez fascinante à regarder. J'aime beaucoup le bonhomme, mais ses films, qu'ils aient été faits chez Roach ou non, ne ressemblent pas aux futurs courts métrages du duo Laurel & Hardy, pas plus que le personnage incarné par Laurel ne ressemble à 'notre' Stan. Il faut dire qu'il se cherchait, comme on dit.
Near Dublin (Ralph Ceder) et Short Kilts (George Jeske) ont de nombreux points communs, à commencer par le fait qu'ils ont été tous deux réalisés par le studio Hal Roach; faut-il le rappeler? Roach et sa troupe représentent l'aristocratie de la comédie de grande consommation (c'est à dire une fois établie la supériorité de quatre grands comédiens dont on n'a pas besoin de rappeler les noms), et sa troupe fidèle, composée d'acteurs chevronnés, est ici bien mise à contribution. Comme leur titre l'indique, les deux films s'amusent à dresser un portrait parodique, outré, bardé de clichés et de stéréotypes, sur l'Irlande d'une part (dans laquelle les gens s'envoient des briques à la moindre occasion, et se lancent dans des bagarres en permanence) et l'Ecosse d'autre part (dans laquelle les gens se réjouissent d'être invités à manger, ça diminue les frais). On peut bien sur râler, mais on peut aussi rappeler que Roach, comme Sennett est d'origine Irlandaise, alors que Laurel et son compère James Finlayson sont tous deux d'origine Ecossaise. Le studio s'était fait une spécialité d'humour "ethnique", avec d'un autre coté le personnage incarné dans ses comédies par Max Davidson, qui pourrait être accusé de véhiculer tous les clichés embarrassants de l'antisémitisme le plus lourd, alors qu'il s'agit d'une auto-parodie, assez jouissive en vérité.
On appréciera décidément l'alchimie entre Laurel et James Finlayson, qui se poursuivra comme chacun sait au-delà de l'arrivée de Hardy, et c'est d'autant plus remarquable qu'au sein du studio les deux acteurs étaient sans doute concurrents, Roach n'arrivant pas à déterminer qui, de Laurel ou de Finlayson, devait être la vedette de ces films. C'est sans doute pour ça que Laurel a passé son temps à claquer la porte (en 1925, il fera des films avec Joe Rock pour une distribution par Universal, par exemple), avant de se stabiliser enfin en 1926, puis de trouver "l'âme soeur" en 1927. Laurel, donc, avant Hardy, est un personnage dynamique, enjoué, farceur, occasionnellement agressif. Il est un héros, qui n'a pas son pareil pour incarner tout le ridicule d'une situation: on est en pleine parodie.