Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 08:17

Les univers d'Ang Lee sont toujours cohérents, magnifiquement recréés, et nous font passer de film en film d'un extrême à l'autre. après la Chine des années 30 dans le sulfureux Lust, caution, le Sud en déroute de Ride with the devil, l'univers de comic strip de Hulk et le Montana de Brokeback mountain, voici donc l'état de New York, coté rural, en pleine explosion culturelle de la fin des années 60.

Whitelake, Bethel, NY, 1969: la famille Teichberg fait partie de la communauté Juive locale, et leur souhait est de créer un motel qui puisse être une valeur sure. Le principal moteur du progrès, c'est le fils Elliott, président de la jeune chambre de commerce locale, attentif à l'idée de moderniser l'entreprise familiale, et à ce titre en conflit permanent avec sa mère, qui ne s'est jamais remise de ses souvenirs de privation et de traumatisme dans sa jeunesse Russe, et a développé une obsession pour l'argent qui empêche Elliott de gérer convenablement le lieu. Son souhait: laisser ses parents se débrouiller pour vivre enfin seul, à New York; L'opportunité qui se présente alors, c'est le refus d'une localité voisine d'accueillir le festival de Woodstock, qui fait peur aux populations locales. Elliott va alors tenter de récupérer le festival pour sa commune...

La Judaïté d'Elliott est un tabou pour lui: il a changé de nom, de Teichberg, il est devenu Tiber... son souhait très clair de couper les ponts avec les parents vient comme en écho à ce désir de renier une part de son identité. L'antisémitisme, courant dans le film (Les Teichberg se font souvent traiter de "Sales juifs") semble ne pas le toucher, sinon parce qu'il ne souhaite pas que sa mère (Prompte à partir dans des délires sur le nazisme) l'entende... Cette absence d'identité se double chez Elliott d'une évidente incertitude sexuelle, qui le voit flirter avec aussi bien un homme qu'une femme de la bande des organisateurs. Une expérience, drogue plus sexe, avec des Californiens de passage semble d'ailleurs le décider à assumer ce qui ressemble plus à de l'homosexualité qu'à une bisexualité... Pour Elliott, le film se présente donc comme un voyage initiatique à la fois touchant et burlesque. D'ailleurs, il retiendra les leçons d'un travesti, Vilma, qui lui permettra d'accepter son père et de renouer un peu avec son judaïsme par le biais de ce dernier dont il mime parfois le comportement caricatural, mais sans méchanceté. Il va aussi permettre à Elliott de faire son deuil d'une relation impossible avec sa propre mère, jouée avec une grande dose de méchanceté par Imelda Staunton.

La comédie soignée passe ici par une mise en scène allusive: on est, n'oublions pas, à Woodstock, et Ang Lee a non seulement recréé les circonstances du festival, baignades, boue, nudité, drogues, marche interminable, cortège de gens tous plus délirants les uns que les autres, mais il a aussi imité la mise en scène kaléidoscopique du film, multipliant les formats, et utilisant le split-screen. On a parfois le sentiment qu'il a donné pour consigne à tous ses figurants de se retrouver, vraiment, à Woodstock tant le film ressemble parfois à un documentaire avec de vrais festivaliers dedans. Il a aussi, gentiment, raillé les excès d'une période certes turbulentes, en représentant une troupe de comédiens provocateurs qui se déshabillent pour un rien, et a multiplié les allusions qui font mouche: le vétéran du Vietnam, paumé, l'alunissage de Neil Armstrong, la mode vestimentaire, les grosses lunettes... On peut regretter l'absence de distance devant certains personnages, dont l'énigmatique Michael Lang, ange de Woodstock, qui a l'air aussi angélique que carnassier, et dont les contours flous sont franchement embarrassants. Il est probable que c'est voulu, bien sûr... Le vétéran du Vietnam est quant à lui bien caricatural, et on regrette aussi, parfois, le choix de l'acteur principal, Demetri Martin. 

Si on peut estimer que le film fait pale figure auprès de The ice storm, ou Brokeback Mountain, il n'empêche: Ang Lee a su donner à son Woodstock une vérité qui nous donne à comprendre que pour les gens qui y étaient, en l'espace de trois jours, le reste du monde a cessé d'exister. On souhaite tous vivre des événements qui nous en persuadent, mais il faut bien reconnaître que de nos jours, seules les catastrophes nous plongent dans ce type de situation: 11 septembre, Fukushima, etc... Comment ne pas comprendre après cela la nostalgie causée par l'éloignement de cette période?

 

Partager cet article
Repost0
Published by françois Massarelli - dans Ang Lee Comédie Mettons-nous tous nus