Quelle que soit l'importance de l'histoire de Robin des Bois en tant qu'image d'Epinal, et ce n'est pas rien, quelles qu'aient été les tentatives nombreuses pour renouveler, voire parodier le mythe, on revient toujours à ce film comme à une référence absolue. Le tournage de The adventures of Robin hood a commencé sous la direction de William Keighley, qui venait avec Flynn de réaliser The prince and the pauper, un excellent divertissement. La Warner étant déterminée à retenter l'aventure de la couleur (le contrat d'exclusivité de la compagnie Technicolor avec Disney pour l'utilisation du Technicolor trois bandes ayant pris fin en 1935), le film allait pouvoir bénéficier d'une avantageuse palette. Mais Keighley ne satisfaisait pas le studio, et il a été décidé de le remplacer (Après environ un tiers du tournage, mais selon toute vraisemblance, des scènes seront retournées par le nouveau metteur en scène) par rien moins que Michael Curtiz: celui-ci a pratiquement inventé Errol Flynn, il est d'une efficacité légendaire, et il a une habitude enviable de la couleur, qu'il utilisait dès 1930, et du Technicolor trois bandes, qu'il vient d'utiliser pour Gold is where you find it... A partir du moment ou Curtiz était à bord, Robin Hood est devenu un film mythique. Il l'est toujours.
Le film, contrairement au précédent Robin (Celui de Dwan et Fairbanks, en 1922), commence dans le vif du sujet, avec une série de scène d'exposition d'une incriyable efficacité. En particulier, la présentation des protagonistes en situation permet à Flynn de donner la pleine mesure de son talent bondissant dès la fin du premier quart d'heure... Le film expose non seulement la traitrise du Prince Jean, comme le précédent, mais il la place dans un contexte politique plus affirmé, avec la rivalité entre les Saxons (Loyaux au Roi Richard, derrière Robin de Locksley) et les Normands qui souhaitent avec Jean prendre le contrôle: on est donc devant le même contexte politique que dans Ivanhoe, de Walter Scott. Une autre marque de cette contextualisation politique est la référence à l'enlèvement du Roi Richard, contrairement une fois de plus au film de Dwan dans lequel Wallace Beery, en roi au coeur de lion, revient victorieux d'une croisade...
Aux cotés d'Errol Flynn, on trouve parmi les Saxons Alan Hale (En Little John, qu'il jouait déja dans le film de Dwan en 1922), Patric Knowles en Will Scarlett, un personnage purement décoratif, et Eugene Palette en Frère Tuck, le redoutable religieux querelleur; après le film de Dwan dans lequel Jean était le traitre en chef, sir Guy son exécuteur des basses-oeuvres, et le Shériff de Nottingham une silhouette, ce film divise le camp des félons en quatre personnages de premier plan, parfaitement campés: Claude Rains est un prince John admirablement retors, Basil Rathbone un admirable Sir Guy, véritable âme damnée, Melville Cooper un Shériff couard et un peu ventripotent, et enfin le vétéran Monatgu Love un évèque Normand sur de son bon droit et de ses privilèges. Parmi les Normands, donc les "méchants" du film, Lady Marian Fitzwalter(Olivia de havilland) joue un rôle particulier. Loyale à Richard, elle découvre au fur et à mesure de l'intrigue que Robin n'est pas un brigand, et que Jean manigance des conchonneries avec son âme damnée Guy de Gisbourne. Son cheminement permet au film de mettre en avant le choix personnel de l'héroïne de se mettre aux côtés de Robin, et de participer à sa façon à la résistance; de fait, cela donne au film un personnage féminin intéressant, un suspense final tangible (Elle est emprisonnée, et Robin n'est pas content), un enjeu qui va donner à Gisbourne et Robin une raison d'être rivaux au-delà de la politique, et au cinéphile une occasion supplémentaire de se prosterner aux pieds de la grande Olivia de Havilland... Face à un Robin engagé dès le départ aux cotés de Richard, contre Jean et ses politiques iniques, elle humanise sérieusement l'intrigue, et l'actualise même. Comme toujours, le film est typique de la Warner de l'époque et de sa politique humaniste...
Il peut s'avérer épineux de déterminer la paternité d'un tel film, comme cela l'est devant Spartacus, par exemple, ou encore Gone with the wind. Avec celui-ci, on a peu de scrupules à l'attribuer au seul Curtiz. Bien sur, Keighley est mentionné au générique, une façon de rappeler qu'il n'est pas resté les bras croisés... Mais ici, on n'a aucune peine à voir que c'est bien Curtiz qui a signé ce film, depuis le rythme très enlevé de l'action, au luxe de détails utilisés pour peupler le chateau, avec ces plans d'exposition qui commence par montrer les mitrons qui s'emparent des plats, avec rathboe et rains au fond du champ, et qui finissent... sur les chiens qui se disputent les carcasses! Et puis il y a le duel final, qui oppose bien sur Flynn et Rathbone, et qui a pour objet non pas le futur de l'Angleterre, mais bien la main de marian. Curtiz les filme dans une confrontation effrenée, à travers escaliers et donjons, et les perd un moment pour mieux cadrer leurs ombres qui se battent à leur place, comme deux immenses titans. l'ombre de ce film n'a pas fini de se faire sentir, admirable film d'aventures universel, parfait, un film qui rend toujours aussi heureux celui qui a le bonheur de le voir. C'est tout.