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20 octobre 2019 7 20 /10 /octobre /2019 23:12

De tous les films qui traitent du sujet de l'homosexualité féminine, celui-ci est un des plus célèbres. Mais si on se réjouit de voir Audrey Hepburn, et Shirley McLaine, voire Miriam Hopkins un certain nombre d'années après ses prestations chez Lubitsch ou Mamoulian, il faut quand même reconnaître que le le film, qui se résout essentiellement en huis-clos, est âpre, dur. Wyler fait tout reposer sur les acteurs et actrices, dans sa méthode habituelle, rigoureuse et probablement très appréciable pour ses interprètes... 

L'histoire est celle d'une petite école menée par deux femmes, aidées par la tante de l'une d'elles. Martha et Karen, respectivement McLaine et Hepburn, joignent difficilement les deux bouts dans leur pensionnat pour jeunes filles, et lorsque la rumeur de leurs relations coupables (on s'intéressera à toutes les combinaisons linguistiques et sémantiques utilisées afin de pouvoir dire l'indicible dans le film) se répand, suite à des vexations prétendument subies par une jeune écolière de l'endroit, les parents retirent tous leur progéniture. les suites ne se font pas attendre: les deux femmes se retrouvent seules, perdent un procès qui leur fait une publicité embarrassante (Wyler, qui fait partie de ces réalisateurs qui dans les années 60, veulent faire tomber la censure, nous montre les mâles de l'endroit qui viennent rôder autour du pensionnat comme on va au zoo), et le fiancé (James Garner) de Karen jette l'éponge, obsédé par le fait qu'il se pourrait bien que sa future femme ait commis les actes dont on l'accuse.

Ce qui sauve le film de n'être qu'une simple (Et impressionnante) autopsie d'une rumeur, ce sont ces deux scènes au cours desquelles Martha révèle la vérité de ses sentiments à Karen, et la réaction de celle ci: elle ne la rejette pas, sans se jeter sur elle pour autant. La dernière scène voit l'effet de la rumeur sur Martha qui ne se supporte plus, et se pend. On ne saura pas quelle réponse aurait apporté Karen à la jeune femme, mais les deux actrices ont su jouer ce film dans la dignité jusqu'au bout, et presque réussir à poser la question: et si ce n'était pas grave? Si on avait tout simplement le droit d'être différent?

En faisant un film qui s'intéresse aux mécanismes dévastateurs d'une rumeur, avec tous ses acteurs (les petites écolières, la vieille tante qui pense tout haut, la bourgeoise qui fait la pluie et le beau temps, et les braves gens qui comptent les points), Wyler aurait déjà pu accomplir un grand film; son choix a été de prolonger les personnages au-delà de la simple résolution de leur parcours, et de sonder les êtres présents dans le film. Et c'est ce qui rend (au-delà des prestations superbes et profondément dérangeantes pour l'époque de McLaine et Hepburn) le film si beau et si dur...

Après les coups d'éclats (Censurés) de Stroheim avec Foolish wives, les mentions d'amours ambiguës en contrebande chez Clouzot (Quai des orfèvres), un film qui pose le problème, tout en confirmant la difficulté à faire en sorte d'afficher clairement la couleur devant une identité sexuelle qui divise aujourd'hui encore l'humanité en deux: les gens qui acceptent ou s'en foutent, et les salauds.

 

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Published by François Massarelli - dans William Wyler