Dans le grand nord, l'arrivée de Buster Keaton ne passe pas inaperçue: mu par la collère et la vengeance, il laisse libre cours à ses passions, lâche sa femme, court après une autre, et tue tout ce qui passe à sa portée. Je sais, ce résumé n'est pas tout à fait fidèle au film, mais celui-ci est tellement absurde qu'il est inracontable. Comme tout ceci n'est qu'un rêve, en prime, on sera pour une fois pardonné de qualifier cet étrange court métrage de "surréaliste": fonctionnant avec la logique du rêve, il sied plutôt bien à cet adjectif, pour une fois...
Keaton aimait particulièrement ses films les plus étranges, en commençant par Hard Luck, bien sur. C'est que Roscoe Arbuckle et lui partageait cet humour étrange qui les faisait parfois commettre des films qui s'auto-détruisaient dès la première minute. On appréciera ici la tentative ratée de faire un hold-up, les diverses tentatvives du héros pour séduire une femme, et la scène durant laquelle il est à la maison avec son épouse (Sybil Seely), et celle-ci est assommée par sa faute. Pour déjouer l'attention d'un policier qui passait par là, Keaton impassible danse avec sa femme inconsciente... les inventions miteuses sont au rendez-vous, comme l'automobile-traineau, tirée par des chiens qui n'ont rien du huski. A ce propos, Keaton en tournant ce film s'est livré à des cascades spectaculaires dans la neige, le spectaculaire étant assuré par les efforts qu'il a sans doute fallu faire pour tenir dans ce froid.
Pour finir sur un film qui n'apporte ni ne retranche rien à la carière de Keaton, on notera deux allusions marrantes qui font définitivement de ce film une parodie parfaitement assumée: le personnage de Keaton est un décalque de William S. Hart, jusqu'au chapeau; et lorsqu'il apparait face à la femme qu'il convoite, elle le voit déguisé en Sergius Karamzin, le héros de Foolish Wives, de Stroheim, probablement l'un des films les plus commentés de cette année 1922. Superbe gag pour un film somme toute assez dispensable. Néanmoins la référence à Hart me semble importante à commenter à la lumière d'un fait historique: lors du procès Arbuckle, l'acteur de western était l'un des plus virulents, à Hollywood, pour dénoncer la moralité douteuse de celui qui s'avérerait au final innocent, et ça, Buster ne l'a sans doute pas oublié...