Pourquoi faire un remake d'un film récent? On peut se poser la question, mais chacun sait que c'est une tendance effectivement, afin de rendre disponibles au public Américain des intrigues qu'ils auront manqué s'ils détestent les films étrangers. Avant de s'en plaindre, rappelons que le doublage est encore pire, et de toute façon il ne s'agit ici nullement de faire le procès de Fincher à ce sujet. En effet, le film Américain a sur son prédécesseur, le film de Niels Arden Oplev, une série d'avantages non négligeables. Et de plus, je ne suis pas sûr que Fincher l'ait vu, ayant d'abord et avant tout réalisé l'adaptation d'un livre. ...Dont il ne sera ici plus question. Il ne sera plus question ici non plus du très médiocre film Suédois, qui ne m'a laissé aucun autre souvenir que celui d'une profonde irritation, et l'impression d'assister à un téléfilm Allemand pour Arte, mais en Suédois, bourré de révolte en carton.
Lisbeth Salander est une "hackeuse" Suédoise, en rébellion depuis sa plus tendre enfance, période durant laquelle, pupille de la nation elle a eu à subir des violences de la part de nombreux tuteurs. Elle est employée de façon plus ou moins officielle par une agence de détective, et elle est douée, très douée... Elle a en particulier enquêté sur une particulier, le journaliste Mikael Blomkvist, dont une famille souhaite louer les services afin qu'il résolve un vieux mystère. Blomkvist, journaliste rigoureux, est en effet dans une tourmente judiciaire suite à une série d'articles qui lui ont valu un procès, qu'il a perdu, contre un conglomérat mafieux. Le mystère en question concerne la disparition, et probablement la mort, d'une jeune femme en 1966, et va amener les deux héros à travailler ensemble...
D'une part, Fincher a comme d'habitude fait un travail époustouflant de localisation, s'aménageant l'espace comme il l'avait fait en particulier pour Zodiac. Les deux films possèdent d'ailleurs un trait commun, à travers les obsessions d'un certain nombre de personnages, à commencer par Blomkvist (Daniel Craig). Quoi q'il en soit, la Suède devient ici un véritable paysage de film noir, sans rien perdre en couleur locale, ce qui était, on le verra, important. D'autre part, il a bien évidemment fait comme d'habitude, et on peut lui faire confiance pour cela: là ou bien des remakes Américains de films Européens sont aseptisés, celui-ci est plus dur, plus violent, par le recours à un point de vue aussi peu nihiliste que possible. contrairement à ce qu'on pourrait croire, la colère permanente de Salander est motivée par des sentiments, et le metteur en scène touche au plus près de la violence: criminelle (L'insupportable anecdote du chat), sexuelle (le viol répugnant, filmé par sa victime), et politique (Nostalgie bien implantée du Nazisme). Cela repose sur une caractérisation fantastique de Rooney Mara, qui a énormément donné pour ce film, et sur une réappropriation impressionnante du personnage par le metteur en scène.
Et puis, il y a le thème numéro un de David Fincher, présent sinon dans tous, en tout cas dans un nombre significatif de ses films: le mal, sa présence, comment lutter contre lui, et ses ramifications. il s'agit moins ici d'une enquête que d'étudier l'enracinement d'une idéologie sous diverses formes, dont les Nazis et Collabos de la famille Vanger ne sont finalement qu'une incarnation, qui trouve une résonance autrement plus vivace dans les agissements infects d'un certain nombre de vieux cochons qui ont profité de la jeunesse d'une femme, du flou qui entoure son statut, et de leur impression d'impunité, pour lui faire subir les pires turpitudes... et Fincher, dans sa mise en scène, met finalement tout sur un pied d'égalité: viol de Salander, agression de Blomkvist, disparition d'Harriet, Meurtres de jeunes femmes selon un rituel où transparaît l'antisémitisme, détournements mafieux, tout est finalement lié, et le film tout en se situant dans le paysage authentique de la Suède d'aujourd'hui conte les étapes de cette lutte baroque et morale, avec rigueur et maestria. Du sang sur la neige, l'image est forte, mais dit bien que ce paradis pour acheteurs de meubles cache en vérité une histoire compliquée et ô combien compromise... Après, qu'on soit ou non sensible au fait qu'il s'agit d'une relecture importe peu: c'est un film de David Fincher de A jusqu'à Z.