Dans les années 30, le nom de Michael Powell est systématiquement associé à ces films qu'il tourne en rapide succession, vite faits et pour autant qu'on puisse en juger dans la mesure où beaucoup d'entre eux sont perdus, bien faits. Rassemblés sous un terme volontiers péjoratif, les "quota quickies", soit des films produits à l'économie afin de remplir les quotas de distribution Britanniques, sont autant de films de genre, qui vont permettre au moins au metteur en scène de roder son métier, et dans certains cas, son style... C'est justement ce qui fait le prix de The phantom light. Un film qui n'est lui pas du tout à mettre dans la même catégorie: une fois sa réputation établie, il a pu se sortir du studio, et commencer à vraiment s'amuser.
Sam Higgins (Gordon Harker), un gardien de phare bourru d'origine cockney, arrive dans une petite ville côtière du Pays de Galles, où il doit prendre la relève dans un phare; on est en plein mystère: les gardiens ne font pas long feu: deux sont morts, et un autre y est devenu à moitié fou. Il ne tarde pas à remarquer que d'autres Anglais arrivent sur place: un homme qui prétend être un reporter (Ian Hunter), mais aussi une jeune femme qui ment comme une arracheuse de dents (Binnie Hale) tentent de venir au phare également, et vont finalement y parvenir, alors que le mystère s'épaissit: les croyances locales font état d'une "lumière fantôme" qui guide les bateaux vers les récifs, et cet étrange phénomène va justement se manifester.
Opposant d'une part les deux "jeunes" (Hunter et Hale) au "vieux" Londonien auquel on ne la fait pas, et d'autre part le gardien de phare stoïque au verbe haut, et les habitants paralysés par une criyance superstitieuse, Powell ne fait pas vraiment dans la dentelle... mais on est ici en pleine aventure, au sens codé du terme: tout peut arriver, et tout arive, et on ne dispose que de 75 minutes pour le tout. Le metteur en scène respecte le cahier des charges du genre, avec une intrigue menée tambour battant et un montage serré, plus des gags et des bons mots qui sont souvent l'apanage de Gordon Harker (Un acteur râleur déjà aperçu dans des Hitchcock muets, et une vedette populaire à l'époque), et un suspense comique autour du personnage qui sera longtemps mystérieux de la jeune femme interprétée par Binnie Hale; Powell utilise aussi les ressources à sa disposition, dans ce film tourné pour partie sur la côte Galloise, et
profite de l'occasion pour montrer comment on peut utiliser la beauté naturelle et les éléments (De nombreux plans sont tournés en mer, de nuit) pour installer une atmosphère: ce qu'il fera dans le splendide I know where I'm going, par exemple... Maintenant, que l'intrigue soit fumeuse, et vaguement absurde, importe peu... Ce film est le meilleur de ses rares oeuvres de jeunesse disponibles, peu d'années avant que Powell largue les amarres et sous l'impulsion de Joe Rock, ne tourne le magnifique Edge of the world.