Film assez emblématique de la position paradoxale de John Ford à la Fox dans les
années 30, The prisoner of Shark Island est pourtant atypique sur un certain nombre de points. De par sa quête du grand sujet, il sent l'oeuvre de commande, tant Ford était plus
à l'aise déja dans la miniature et l'intime, plutôt que dans les fresques. De plus, on y lit une critique à peine voilée du comportement limite fasciste de l'armée Nordiste à la sortie du conflit
de la guerre civile, à la suite de l'assassinat de Lincoln. Mais le traitement de l'histoire permet à Ford de dresser quelques portraits, mais aussi de montrer une communauté humaine en
proie à une dérive figurée, à travers une épidémie de fièvre jaune qui décime une prison... Un film ambitieux, pour lequel le studio a dépêché le plus grand de ses metteurs en scène, même si
celui-ci est en pleine indépendance et ne travaille plus exclusivement pour la Twentieth Century Fox (Au passage, en 1936, cette nouvelle appellation est toute récente...).
1865: Lincoln, qui ambitionne de réintégrer en douceur le Sud dans l'Union, après que le Nord ait vaincu la rebellion confédérée, se fait assassiner par John Wilkes Booth, qui a quelques complices. un homme, le dr Samuel Mudd, se fait arrêter pour avoir prodigué des soins sur Booth, qui s'était blessé durant l'attentat. Le médecin ne savait pas à qui il avait à faire, mais dans le doute, Mudd est condamné à la prison à vie. Son épouse va essayer de le sortir de cette prison, gardée par des requins qui infestenet les douves, d'autant que Mudd est la victime du mépris de tout le personnel de la prison à cause du crime qu'on lui attribue à tort...
L'histoire est authentique, même si on soupçonne bien sur la production d'en vaoir rajouté un peu en matière de romantisme, ce film est intéressant par le lien qu'il crée de filiation évidente entre l'oeuvre de Ford et celle de Griffith. Le procès, raconté de façon dramatique, avec des détails violents, est plein de l'indignation qu'aurait sans doute faite sienne le metteur en scène de Abraham Lincoln... La façon dont il met en préface du film l'anecdote de Lincoln faisant jouer Dixie (Chanson folklorique Sudiste) afin de montrer à la nation qu'il ne sera pas le président des uns contre les autres est bien dans la manière de Griffith également, mais on retrouve beaucoup dans ce film une sorte de mélange entre les deux inspirations de Ford, son gout pour des histoires solidement charpentées dans une tradition Américaine, et une préciosité contrôlée de l'image, sous l'influence des Allemands, Murnau en tête. Les images fantastiques de tempête, durant l'épisode de la ièvre jaune, sont à ce titre des moments flamboyants. mais le film, baigné dans un paternalisme d'un autre siècle, dans sa peinture des rapports entre Mudd et ses anciens esclaves, par exemple, est aussi irrémédiablement daté. Ce qui ne l'empêche en aucun cas d'être aussi toujours prenant dans sa dénonciation d'une erreur judiciare un peu trop facilement assumée...