Ce film est à la fois une des oeuvres les plus personnelles de Ford, un film réalisé en liberté, à sa guise, et avec sa troupe grâce au succès énorme de The quiet man, sorti l'année d'avant et distribué par la même compagnie, en l'occurence Republic pictures, et un film inutile à part si on admet qu'il livre une synthèse de l'humanisme de John Ford... et ses petites manies, bonnes ou mauvaises. L'aspect le plus inutile du film est d'être après tout un remake d'un excellent film de 1933 qui n'avait absolument pas besoin d'être imité, Judge Priest... A Will Rogers, qui interprétait (Sans effort aparent...) le Juge Sudiste dans le premier film, succède Charles Winninger, qui remplit fort convenablement sa tâche, à part qu'il n'est pas Will Rogers. Deux acteurs reviennet dans les mêmes rôles, ou presque: Jeff, l'employé noir du Juge, est interprété par l'insupportable Stepin Fetchit qui se comporte en cliché raciste vivant comme d'habitude, et Francis Ford, dont c'est hélas la dernière apparition, est l'habituel trappeur saoul, affublé d'un nom révélateur: Feeney.
Une petite ville du Kentucky, au début du XXe siècle; Le Démocrate William Priest brigue sa réélection au poste de Juge du comté, mais aura fort à faire pour contrer l'offensive du Républicain Horace K. Maydew, un Nordiste parachuté qui séduit toutes les épouses des électeurs avec ses belles manières, et avec un programme tout entier incarné par le rejet de Priest. Des intrigues situées dans le village nous présentent la façon particulièrement humaine, mais aussi assez peu orthodoxe dont le Juge conduit ses affaires, et le vieux filou fait tout ce qu'il peut pour sauver son siège...
C'est sympathique, bien sur, on retrouve l'univers de Ford, ses acteurs, ses sales manies aussi: sa propension à se vautrer dans le folklore et le chant, une façon de traiter les personnages Afro-Américains en "Oncle Tom", qui renvoie à Griffith, son idée que tous les hommes sont des alcooliques, et que ce soit un trait de caractère enviable... Bien sur, on a de vrais moments d'émotion parfaitement dosés, dont l'enterrement d'une prostituée durant lequel le Juge est le seul participant aux funérailles à l'exception des pensionnaires du bordel lcal, avant qu'un à un les citoyens ne se joignent, sans un mot, à la procession. Mais le final de l'enterrement, avec la chorégraphie bien réglée des ex-esclaves réunis en adoration de leurs maîtres, est selon moi d'un mauvais goût affligeant. De même un embryon de réflexion sur la condition des noirs (Paradoxal, quand on voit à quel point Ford neles comprenait pas à cette époque...) est amorcé par une série de plans d'habitants des quartiers pauvres (Donc noirs) de la ville qui réagissent à un danger qu'on ne voit pas pour commencer: le spectre du K.K.K. passe dans le film, juste pour quelques moments diffus. Mais ça n'ira pas très loin... Si on peut admettre le paternalisme un peu simpliste, inhérent à l'univers de Will Rogers, dont pouvait souffrir Judge Priest, ici, c'est plus qu'embarrassant. Le film est indolent, comme le Sud... mais aussi parfaitement mensonger et inutile, je persiste.