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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 17:31

Oubliez les ragots: Titanic n'est pas, n'a jamais été film consacré à une histoire d'amour impossible. Non, Jack et Rose, ce n'est que le glaçage du gros, beau et bon gâteau: alors, oui, un nommé Jack Dawson (Leonardo DiCaprio) est vu dans le film secourant une jeune femme de la bonne société, Rose (Kate Winslet), qui s'apprête à se jeter par dessus-bord, par exaspération devant la bêtise de sa classe, et le destin de femme mariée qu'elle se prépare. Ils s'aiment, ne se quittent plus, et ça fait des vagues. A la fin, elle choisit de rester avec lui jusqu'au bout, et il meurt. Pas elle, et heureusement, elle est donc là pour raconter l'histoire aux chasseurs de trésors menés par Bill Paxton, plongeurs spécialistes et passionnés du Titanic, comme James Cameron.

Par ailleurs, le film est un peu l'histoire inéluctable d'un passage de flambeau: pensez, les gens qui pour la plupart sont morts lors du naufrage (1500 sur 2200) partaient aux Etats-Unis, lors d'un pic d'immigration, qui rendait la situation inéluctable: l'Amérique était le nouveau monde, un phare regardé par toute l'humanité sans même qu'elle le sache encore. Huit ans et une guerre sanglante plus tard, elle serait la première puissance mondiale. Lorsque le flash-back de ce film commence, on est presqu'encore au XIXe siècle. Pas à la fin, sous la pluie battante, lorsque Rose voit la Statue de Liberté, éternel symbole de vie qui recommence... alors le film, avec son paquebot compartimenté par un système de classes très étanches, ressemble bien à un plaidoyer pour un monde meilleur. Sauf que le plaidoyer est inutile, puisque le monde meilleur en question, nous sommes supposés y vivre. Donc...

Non, oubliez tout ça: Titanic, c'est tout simplement l'histoire d'un bateau qui rencontre un iceberg, et qui coule contre toute attente: pensez: il devait être insubmersible. Alors devant l'accumulation d'erreurs, d'historiques invraisemblances et autres vices de forme (pas assez de bateaux de sauvetage, tous les canots lâchés en mer alors qu'on n'avait pas fini de les remplir, et les conditions de sauvetage qui n'étaient pas les mêmes suivant les conditions sociales des personnes...), devant la façon dont cette fois-ci la catastrophe a été vue, et racontée ensuite par tant de témoins, dans l'esprit d'un James Cameron, il était inévitable qu'un film voie le jour, si possible avec des précautions pour donner l'envie à tout un chacun de le voir: une histoire d'amour simple et prenante, amabilité oratoire qui va permettre à chacun de rentrer en douceur dans l'histoire. Un flash-back avec un petit mystère à la clé: qu'est-il advenu de ce McGuffin*, le fameux diamant que recherchent les gens du bateau au début du film?

Cameron, en réalisant un film qui détaille de l'intérieur le naufrage, saisi dans toute sa véracité physique, avec un sens phénoménal du détail, et un timing impeccable, n'a rien laissé de côté: les "grands de ce monde" qui ont participé au naufrage, qu'ils y aient survécu (Molly Brown, Bruce Ismay), ou qu'ils y aient péri (John Jacob Astor, Benjamin Guggenheim), du capitaine très ressemblant, ou encore de certaines anecdotes rapportées par plusieurs témoins. Mais on sent que ce qui a fasciné le metteur en scène, c'est le défi de faire voir la façon dont le bateau s'est rempli d'eau, puis enfoncé, puis démantelé avant de sombrer, dans les moindres détails, d'ailleurs expliqués dans le prologue avant que Cameron laisse la parole à Gloria Stuart, qui joue Rose à l'âge de 101 ans, Gloria Stuart désormais condamnée à ce que chaque mention d'elle (que ce soit pour ce film, ou pour ses adorables rôles dans les films de la Universal des années 30) soit pour dire "la vieille dame du Titanic"...

Malgré tout, c'est ce qui fait le prix du film, et ce qui le marque comme une oeuvre d'obédience classique, cet équilibre entre romance certes simpliste, mais aimable, détails historiques, et physiques d'un naufrage toujours aussi hallucinant un siècle plus tard... Qu'une fois de plus Cameron nous emmène dans l'eau, après y avoir déchainé des piranhas (Pirahnas 2, the spawn), après y avoir installé quelques Aliens, voire après y avoir opéré une rencontre du troisième type (The abyss), on en redemande, surtout qu'il y a dans ce film une scène qui renvoie directement à Terminator. Cherchez bien.

*McGuffin: en langage Hitchcockien, l'objet qui va permettre aux héros d'un film d'avoir une motivation: le Graal dans Indiana Jones, ou des microfilms pour un film d'espionnage.

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Published by François Massarelli - dans James Cameron Glou!