Une fois qu'il a quitté Sennett, Langdon a pu faire ce qu'il voulait, soit des longs métrages. Comme on sait, l'expérience sera un échec commercial, doublé d'une malédiction: celle d'être incompris, jugé comme un sous-Chaplin, ce qu'il n'était pas, un jouet de Capra, ce qui est une invention du réalisateur, et un réalisateur peu doué, ce qui est absurde: des six films de Langdon à la First National, on en conserve 5: un de Harry Edwards, un de Capra sur lequel le réalisateur a eu le final cut, un de Capra sans le final cut, et deux de Langdon (Egalement réalisateur du sixième, Heart trouble). Il existe des différences liées au sujet de chaque film, mais le style global est celui... de Langdon; son jeu, sa lenteur, sa façon de suspendre le temps dans une scène, et de prolonger un gag jusqu'à l'insupportable: bref, aimez-le ou laissez le tranquille, mais un style.
Le premier film repose sur l'équipe testée et approuvée par le public dans les derniers films Sennett: Edwards, pour une dernière fois à la réalisation, Ripley et Capra au scénario. L'intrigue renvoie un peu à Harold Lloyd, avec cette petite histoire du fils d'un chausseur indépendant (Langdon) qui participe à une course organisée à des fins publicitaires par un gros chausseur, Burton; le but d'Harry est d'empocher la récompense pour sauver l'entreprise familiale pour faire face à ses créanciers. En chemin, il va au bagne, affronte un cyclone, et rencontre la femme de sa vie, la fille de Burton (Joan Crawford!!!!!!!), qui était la belle fille sur toutes les publicités des chaussures de son papa.
C'est bon de voir un clown qui a eu le sentiment d'être brimé pendant des années passées à l'usine à rigolade, et qui peut enfin s'égayer dans un film construit à sa mesure. L'histoire est on ne peut plus simple, et bien pratique, avec son inévitable suspense "sportif", mais la façon dont Harry s'accommode d'être engagé dans ce qui est une épreuve de vitesse est intéressante. On retrouve un peu de l'esprit Capra dans le fait que cette course à travers les Etats-unis se fasse dans l'Amérique profonde, et cela culmine justement dans une scène de cyclone très "frontale" qui a peut-être inspiré le final de Steamboat bill Jr. Pas aussi aboutie, bien sûr, mais très impressionnante, en réalité... Le rapport de Harry à Joan Crawford est comme souvent le rapport d'un homme-enfant à une femme idéale, rêvée.
Donc si on résume, pour un acteur supposé être un "sous-Chaplin", on constate que j'ai référé à deux autres comédiens, tous les deux admirables. mais la vérité, c'est que ce premier film indépendant consacre surtout à mes yeux la spécificité de cet acteur certes pas facile à appréhender, mais dont l'histoire devrait de temps en temps se souvenir avec un peu plus de respect.