Le
genre, chez les Coen, ça a toujours été un terrain de jeux, que ce soit pour le détourner (Blood simple et le film noir, Miller's crossing et le film de
gangsters, Intolerable cruelty et la screwball comedy), ou pour le parodier (The hudsucker proxy, à la manière de Capra, The big Lebowsky,
démarquage minutieux de The big sleep, ou O brother where art thou? qui met ses pas dans ceux de Preston Sturges, tout en reprenant un paquet de références à
tout le cinéma des années 30), voire pour en reprendre la sève dans des films tout neufs (The man who wasn't there, authentique film noir)...
Avec ce nouveau film, ils font donc un western, un genre auquel ils se sont un peu frottés à travers le très beau No country for old men. En confiant à Jeff Bridges le rôle autrefois entrepris par John Wayne du pittoresque Rooster Cogburn, ils donnent au western une nouvelle page héroïque, surprenente de franchise: inutile d'attendre une parodie franche et massive, on serait déçu: cette histoire de vengeance assumée par un petit bout de bonne femme de 14 ans est en réalité à prendre comme ce qu'elle est: une histoire américaine dans laquelle les us et coutumes de la fin du XIXe siècle dans l'ouest revivent sous nos yeux ébahis, comme revivaient à leurs époques respectives le LA de l'époque de la guerre du Golfe (Lebowsky), le Sud mythologique des années 30 et de la Dépression (Brother), la Californie des années 50 (Man who wasn't there) ou a banlieue Américaine de la fin des 60s (A serious man). On reproduit ici le parler, les accents, les costumes, les détails de l'armement et de l'équipement, mais aussi l'esprit, la gaucherie humaine (Matt Damon reprend avec génie le rôle dans lequel Bruce campbell était déja excellent dans le film de hathaway en 1969), les convenances et le bon déroulement de la justice: c'est amusant de voir dans tous ces "nouveaux westerns" des scènes qui nous montrent que la justice expéditive souvent représentée dans les westerns traditionnels pouvait tout aussi bien être soumise ultérieurement à la question; ici, la première scène qui nous montre Rooster Cogburn (En laissant de coté un dialogue entre lui, hors champ, aux toilettes, et la jeune Mattie Ross), le voit aux prises avec la loi pour avoir été par trop expéditif dans ses méthodes.
Rechercher la vérité des actions, des dialogues, les montrer sous un jour parfois austère, toujours enlumminés avec bonheur (Roger Deakins, le grand directeur de la photo, est toujours là, fidèle au poste), et créer une comédie, pas forcément drôle, mais profondément humaine, voilà la mission que s'assignent, de film en film, les frères Coen. Si en plus on ajoute à la filmographie abondante en la matière, un nouveau western, qui s'en plaindra?