Stanley Donen est assurément l'un des metteurs en scène les plus inclassables qui soient, même si on l'assimile le plus souvent à la comédie musicale; il est vrai que Singing in the rain trône aisément sur le reste de sa filmographie, et qu'on y voit aussi des perles, telles que Royal wedding, Funny face ou On the town (Ce dernier, comme Singing in the rain, co-dirigé avec Gene Kelly). Mais les années 60 lui ont permis de faire la preuve de son impressionnante versatilité et de son sens esthétique hors du commun, avec des films aussi divers et dissemblables que Charade, Arabesque, Bedazzled... Et Two for the road. Son film préféré, et un bilan personnel en forme d'expérimentation fabuleuse.
Un couple marié passe ses vacances en France... Tous les ans. Et la narration s'offre le luxe de ne pas s'arrêter à la linéarité chronologique, passant au gré d'un stream of consciousness rare et rarement aussi réussi, d'une époque à l'autre, en pratiquant avec bonheur l'association d'idées. Les deux héros, Audrey Hepburn et Albert Finney, nous racontent ainsi l'histoire mouvementée de leur mariage, sachant qu'un mariage n'est narrativement intéressant que s'il y bien des choses à dire...
Dire que Donen croyait s'en tirer à bon compte avec ce film, et le tourner en un rien de temps! Mais il fallait tourner toutes les époques dans des lieux précis, le même à chaque fois, et amener avec la troupe les voitures, toilettes, coiffures etc... qui permettent au spectateur de s'y retrouver. Et le film impliquait nécessairement aussi bien des lieux authentiques (Aucun plan tourné en studio, ici!) que des acteurs qui ne pouvaient se faire remplacer, l'adhésion du spectateur était à ce prix. Au final, ce film inclassable et irracontable est la fidèle démonstration des complications d'un mariage ni plus réussi, ni plus raté que n'importe lequel, avec ses hauts et ses bas. Et il est aussi troublant qu'attachant.