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Commencé dans l'ombre envahissante de Robert Flaherty, engagé par la Metro-Goldwyn-Mayer pour répéter ses succès de Nanook et Moana, et devenu trop encombrant par ses méthodes qui n'acceptaient ni collaborateur, ni ingérence de quelque studio que ce soit, ce film a heureusement été tourné par Woody Van Dyke: heureusement, parce que "One-take" Woody était l'un des plus économiques ET efficaces des metteurs en scène, mais aussi parce que le résultat final est l'un des films les plus intelligents de son genre... Contrairement à la légende (La même qui l'attribue encore aujourd'hui à Flaherty, d'ailleurs) le film n'a rien d'un documentaire, ce que tendrait à démentir certains mots du générique: alors, oui, il a bien été tourné sur des îles des Mers du sud, mais l'expression "recorded for camera" qui nous fait imaginer que le metteur en scène s'est contenté de poser son matériel par terre et d'attendre que l'action vienne est on ne peut plus trompeuse. Van Dyke a bien mis en scène une histoire, qui implique un homme, joué par Monte Blue (L'acteur de The marriage circle et So this is paris de Lubitsch), qui est éloigné d'une île par des hommes blancs qu'il gêne, passant son temps à dénoncer leur manie d'exploiter les îles et leurs habitants. Laissé à l'abandon sur un bateau, il survit à un typhon, et s'installe sur une île paradisiaque, à l'abri de l'homme blanc; après avoir été un temps saisi de la folie des perles, il finit par se laisser aller à l'amour (Avec la jeune Raquel Torres) et l'indolence du lieu, lorsque d'autres hommes blancs arrivent...
La redoutable rapidité de Van Dyke ne l'a pas empêché de trouver des images définitives, et si le propos du "paradis perdu" (Qu'on retrouve dans Tabu de Murnau, et dans tant d'autres films du même genre) est daté, pour ne pas dire embarrassant, la dénonciation de l'exploitation de la Polynésie par les blancs possède de fait un fond de vérité. Mais peu importe: on se laisse aller à une histoire superbe, à cette poésie des lagons et d'images sous-marines (évidemment dues à Clyde De vinna, déjà le spécialiste du genre) et à cette construction rigoureuse du film, joué d'une façon impériale par Monte Blue, sale, mal rasé, mal habillé, mais totalement convaincant dans un rôle d'homme qui est dégouté de ses semblables. Son énergie emporte l'adhésion, et de fait notre indignation est réelle... D'autres films de ce genre suivront, dont certains seront beaucoup plus mélodramatiques et conventionnels (Van Dyke lui-même y a sacrifié, avec The Pagan) mais celui-ci est sans doute le meilleur de tous, aux côtés de l'indétrônable Tabu...