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25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 23:19

La descente aux enfers d'un caissier (Ernst Deutsch), qui a été subjugué par une cliente de sa banque (Erna Morena) et qui est poursuivi par une figure de la mort (Roma Bahn), qui l'a poussé a suivre son destin... Pour commencer, il a pillé sa banque, et est désormais en fuite.

C'est une adaptation d'un roman qui suivait la vogue de l'expressionnisme... mais le film, lui-même, était dans la lignée du Cabinet du Dr Caligari, de Robert Wiene, un film avant-gardiste qui ferait presque pâle figure devant celui-ci! Martin, complètement investi dans son sujet (qu'il signe en se faisant appeler Kunstler, et non Regisseur, comme si son art était au dessus de la mise en scène de cinéma), a en effet demandé à ses acteurs et décorateurs un jeu et un film expressionnistes, mais contrairement à Caligari qui repose finalement sur assez peu d'effets spéciaux, celui-ci regorge de tentatives: surimpressions, fondus, arrêts de caméra, on verra dans cette évocation d'une nuit de cauchemar un grand panel de techniques qui seront bien sûr toutes des constantes du cinéma Allemand des années 20, y compris (j'aime à le rappeler) quand il n'aura plus rien à voir avec l'expressionnisme.

A tout ceux qui confondent cinéma Allemand de Weimar et expressionnisme, ceci c'est le vrai! Un style fou, basé sur des décors distordus et une présence visible de la scène théâtrale: derrière le décor en carton-pâte, impossible de ne pas voir qu'on est en studio! Le fiml est outrageusement exagéré, et ne manque pas d'humour... ni de petites scories énervantes, typiques du cinéma de l'époque. Difficile de le prendre tellement au sérieux, pourtant, et à mon avis, aussi bien le réalisateur, que les acteurs (Erna Morena, à la plastique impeccable, qui assume des poses très "caligariennes", ou encore les maquillages outranciers...), se sont bien amusés, tout en délivrant, genre oblige, de sombres messages, sur la condition humaine, condamnée au lucre, au stupre et à la fuite en avant vers les tréfonds des enfers! Bien sûr, l'amusement a ses limites, et le film aussi, qui part parfois dans un peu toutes les directions. ...Mais tête baissée.

 

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Published by François Massarelli - dans 1920 Muet * ...Jusqu'à l'aube
11 août 2023 5 11 /08 /août /2023 14:32

Paris (?)... Un homme (Eugen Klöpfer), abattu par la routine, est effondré dans un canapé, pendant que sa femme (Lucie Höfflich) s'active aux tâches ménagères dans leur intérieur exigu. Au plafond, tout à coup, des ombres fantastiques, projections de la vie de la rue, se font insistantes et l'homme ne résiste pas à l'appel du dehors... 

Un aveugle (Max Schreck) vit avec son petit-fils dans la misère. Quand l'aveugle sort, son petit-fils lui donne tout ce dont il a besoin (son chapeau, sa veste, sa canne) puis l'accompagne dehors. Il le guide...

Le premier rencontrera une prostituée, et des ennuis à n'en plus finir. L'autre, avec son petit-fils, verra sa vie basculer quand un incident le fera lâcher la main du petit... 

C'est un de ces films expérimentaux de l'avant-garde la plus remuante des années 20, celle du cinéma Allemand. L'idée de Grune était d'utiliser le cinéma pour représenter une nuit, à travers les déambulations nocturne d'un certain nombre de personnages. En une bobine, le film nous a présenté des types plus que des personnages, et rpose sur un certain nombre de clichés établis du cinéma, la grande ville/la rue comme tentatrice, fournissant plus de désir et d'ennui que de plaisir; les types dont il est question (bourgeois, prostituée, vieillard, etc) se comportent comme il est attendu d'eux dans le cadre d'une seule nuit, et l'histoire est contée avec un minimum d'intertitres (et non sans un seul intertitre comme il est souvent mentionné à propos du film, ainsi que de Der letzte Mann.

Le cadre est assez réaliste, dans l'ensemble, on est loin de l'expressionnisme de Caligari... Parmi les protagonistes, on reconnaîtra des habitués des films des grands noms de l'écran Allemand: Aud Egede-Nissen, qui passait de Reinert à Lang et de Lubitsch à Murnau; Max Schreck, le Nosferatu et un des conspirateurs des Finances du grand duc de Murnau; et enfin, Eugen Klöpfer est apparu dans l'un des rôles principaux de Terre qui flambe de Murnau.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1923 ** ...Jusqu'à l'aube
2 juin 2020 2 02 /06 /juin /2020 16:37

Dans une exploitation minière qui vient de changer de propriétaire, un étrange homme venu d'ailleurs s'insère dans la vie de Robert Herne (Emil Jannings), mineur. Il lui confie un secret extraordinaire, une machine qui va pouvoir remplacer les travailleurs et leur donner une vie d'oisiveté tranquille... Herne va séuidre la propriétaire et s'atteler à changer le monde...

J'ai essayé de faire court, parce quoiqu'il arrive le synopsis de ce film ne peut pas faire autrement que de sonner bizarre... C'est qu'en cette aube des années 20, le cinéma Allemand n'en finissait pas de se chercher entre films d'aventures (Joe May), symbolisme (les films de Robert Reinert), et fantastique mâtiné d'expressionnisme (Caligari, Der Golem)... Algol, longtemps perdu, a été rangé dans cette dernière catégorie au hasard, et sans doute à cause de quelques photos. Mais c'est une oeuvre déroutante et surtout pesante...

Idéologiquement, c'est surtout une marque de confusion totale qui reflète asse bien l'état du pays, coincé dans une timide social-démocratie engoncée entre deux tentations extrême de la révolte. Jannings y interprète un homme tenté par le diable, qui lui a donné son pouvoir, mais dont il ne sait pas vraiment quoi faire. Et rien n'est clair dans cette étrange intrigue. Picturalement, on n'est guère mieux lotis...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 ...Jusqu'à l'aube
20 novembre 2019 3 20 /11 /novembre /2019 17:19

C'est la troisième fois que Wegener tourne un film avec Le Golem! le roman, paru en 1915, a enthousiasmé l'acteur-réalisateur qui en a tourné une version, en compagnie de Henrik Galeen. Il en reste un fragment très court, mais qui montre bien une différence de style importante avec celui-ci. L'autre film, également perdu, est une comédie intitulée Le Golem et la danseuse, réalisée par Wegener encore, assisté de Rochus Gliese... Ce film définitif est un retour au mythe original qui agit en qualité de prequel...

Dans un passé lointain, dans un ghetto Juif... Le Rabbin Loew (Albert Steinrück), qui connaît les astres et toutes les sciences occultes et magiques, sait qu'un grand désastre imminent va mettre sa communauté en danger. Il décide d'achever une oeuvre entamée il y a longtemps: la construction et l'éveil d'un Golem, dont il sait qu'il protégera le peuple Juif. Et justement, un édit de l'Empire punit les Juifs... Cherchant la réconciliation, Loew invite la cour de l'empereur à visiter la communauté: ça se passe très mal, à plus forte raison quand un tremblement de terre menace tout le monde. C'est à ce moment que Loew "active" le Golem, qui sauve l'empereur...

A partir de ce moment, les Juifs retrouvent leur liberté, mais le Golem qui a goûté à la vie ne souhaite pas se laisser rendormir. Et il n'en fait qu'à sa tête... Tout en suivant son coeur: ce qui déclenchera de manière radicale sa colère est la découverte d'un homme (qui n'est pas du ghetto) dans le lit de Mirjam, la fille du Rabbin.

Le "mécanisme" du Golem est célèbre: c'est un pentacle (Et non une croix de David, comme on le lit parfois) qui est attaché à sa poitrine: il faut l'y placer pour l'éveiller, et l'enlever pour l'arrêter... Wegener prête son imposante stature à la chose, qui en dépit d'une coiffe supposée être de glaise, et de sa raideur, reste impressionnant. La filiation de Frankenstein avec ce film me paraît pertinente, d'autant que Whale a toujours professé une admiration sans borne pour le cinéma Allemand muet: j'imagine qu'il avait vu ce film... Karl Freund est le principal opérateur, et Rochus Gliese est responsable des costumes. Mais pour moi la star absolue du film reste Hans Pölzig: c'est lui qui a construit les décors, qui font à mon sens le lien inattendu entre le monde de carton-pâte de Caligari, et le cauchemar en décors naturels, organiques et poussiéreux, de Nosferatu... Un escalier, chez Loew, est à lui seul un décor enthousiasmant, à la fois minuscule, tortueux et parfaitement fonctionnel. Les rues du ghetto, construites au studio, ont l'air réelles, avec leur torchis qui semble animé de vie... C'est un décor immense, construit comme un village entier, et dont la caméra a tout loisir de montrer l'étendue. Mais aux angles aigus de Caligari et à ces mondes inhabitables contenus dans le film de Wiene, Pölzig oppose quant à lui des maisons certes tordues, mais parfaitement vivables, dans lesquelles les deux metteurs en scènes peuvent aisément placer leurs acteurs.

Les morceaux de bravoure excellent, et dans une copie enfin restaurée de la version Allemande, passée à sa vitesse appropriée de défilement, c'est formidable de pouvoir re-découvrir la création du Golem, qui contient un maximum d'effets produits directement sur le plateau et qui est aussi fantastique que les expériences de Rotwang dans Metropolis; ou encore la "séance de cinéma" à laquelle se livre le Rabbin, qui sera ensuite imitée dans la prestation de Rudolf Klein-Rogge sur une scène de théâtre dans Dr Mabuse der Spieler. Les scènes de folie du Golem, sa fin inattendue, sont des morceaux de bravoure, tout comme la mort spectaculaire de l'amant de Mirjam. Mais une scène particulièrement montre l'étendue du savoir-faire de Boese et Wegener: lorsque le "monstre" est créé, il n'est qu'une forme de glaise qu'il va falloir activer en plaçant sur son coeur le pentacle. Loew et son assistant posent donc sur ses pieds la créature, c'est encore une statue de glaise, et Loew se place donc au plus près de la caméra; pendant ce temps, des techniciens peuvent sans être vus enlever la statue et Loew s'en retourne au fond du champ, où il place sur le torse de Wegener l'étoile. La manipulation n'a duré que quelques secondes, mais nous n'avons comme on dit 'rien vu'! Ainsi les deux réalisateurs ont-ils pu, pour donner au personnage plus de véracité, raconter la scène en un plan, et ainsi créer l'illusion qu'il était vraiment fait de glaise...

Le film n'est pas, bien sur, un film d'horreur, et Wegener limite le jeu "expressionniste" au maximum. Il impose une certaine lenteur, mais le film ne se départit jamais d'une douce ironie... La morale reste la même que dans Frankenstein: l'homme ne peut jouer à Dieu... Mais cette histoire ajoute un final inattendu, lorsque la créature va révéler sa douceur devant les enfants, après avoir semé la terreur chez les adultes. Doux comme un agneau, il va se laisser cueillir comme une fleur... Beaucoup de métaphores, pour une fin qui reste en demi-teintes, d'un film qui est un jalon essentiel du cinéma Européen... et mondial. Un film qui présente aussi un regard assez tendre vers le folklore Juif, tout en maintenant de façon ambigue dans sa fin l'idée d'une séparation entre les deux mondes...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 ** ...Jusqu'à l'aube
4 janvier 2017 3 04 /01 /janvier /2017 15:52

Pour faire court, on pourrait argumenter que si Le cabinet du Dr Caligari montre les débuts du cinéma expressionniste, Genuine, réalisé par le même Robert Wiene, en représente la fin. Ou du moins les limites... L'un des rares films à pouvoir être authentiquement taxé d'expressionnisme (à une époque ou le terme a fini par désigner tout ce qui est muet et Allemand, et c'est donc plus qu'un peu court), cet étrange film fantastique a surtout tous les aspects d'un retour conscient et très maladroit à ce qui avait fait non seulement l'intérêt du film précédent, mais aussi son unicité. Genuine est non seulement une redite, mais c'est surtout un monument de mauvais goût. Et de plus, le film, situé comme le précédent, dans e cadre d'un rêve, est irracontable. Si j'essayais, ça donnerait ceci:

Un peintre a créé un tableau, celui d'une mystérieuse femme. Lors de son sommeil, la jeune femme (Fern Andra) s'anime, et on nous conte alors son histoire: enlevée à sa tribu, réduite à l'esclavage, la douce Genuine est devenue sauvage et cruelle: une authentique vamp. Elle va s'attacher à nous le démontrer durant tout le film, tout en portant les tenues les plus importables de toute l'histoire...

D'une part, si le film a quasiment été restauré à sa durée initiale (A sept bobines, soit deux de plus que Caligari, ça en fait un film de taille respectable), il est sans doute prudent de rappeler qu'il est tombé aussi dans le domaine public. Et, est-ce à cause de sa désastreuse réputation, la version reconstituée n'est que rarement sortie de ses boîtes. Les versions courtes totalisent 45 minutes, son largement disponibles sur le net, et... n'ont pas plus de logique! Wiene a encore récidivé une ou deux fois, avant de se raviser en 1923 (Après Raskolnikoff): l'expressionnisme était quasi définitivement passé de mode.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Le coin du bizarre ...Jusqu'à l'aube
12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 16:39

Cause célèbre de l'expressionnisme Allemand, ce film a eu longuement la réputation d'être un film d'horreur... avant qu'on puisse enfin le voir. Une fois confronté à une copie, on constate avec une certaine surprise que ce film est essentiellement une anthologie, assez humoristique en soi, et je ne suis même pas sur qu'il ait été terminé... Mais il y plus troublant encore, voir plus bas...

Ce Cabinet des figures de cire, comme dit le titre une fois traduit en Français, raconte l'histoire d'un jeune poète (Wilhelm, futur William, Dieterle) qui arrive à un petit musée de cire dans un carnaval. On cherche un homme capable de donner vie à des créatures figées en inventant et écrivant des histoires pour les personnages exposés. Il se met aussitôt à l'oeuvre, et inspiré par la présence de la jeune fille du propriétaire de l'attraction, il imagine autour du personnage d'Haroun El-Rachid, Calife de Bagdad, une intrigue dans laquelle un pâtissier (Dieterle) se rend chez le calife pour lui voler une bague magique, pendant que le calife (Emil Jannings) vient faire mumuse avec son épouse dans sa boutique... Le personnage d'Ivan le terrible (Conrad Veidt) lui inspire au contraire une histoire de torture: Ivan se rend à un mariage et ramène les mariés chez lui au Kremlin après avoir terrorisé la noce. Il va donc tenter de passer la nuit de noces auprès de la jeune épouse tout en torturant le mari...

Une troisième intrigue autour d'un troisième personnage est en fait réduite à sa plus simple expression: le poète épuisé s'endort et rêve que Jack l'éventreur (Werner Krauss) en veut à la jeune femme à ses côtés. Il vient pour les tuer tous deux... un troisième épisode réduit à quelques minutes de surimpression qui doivent beaucoup à la présence menaçante de Krauss. Mais un quatrième personnage de cire est visible dans le petit musée, à l'écran. il s'agit d'un certain Rinaldo Rinaldini, héros d'un obscur roman, et Leni aurait décidé de supprimer l'histoire avant le tournage. De fait, le film largement concentré sur deux anecdotes parait bien vide...

Le metteur en scène, comme le faisait Wiene avec son "Cabinet" à lui, celui du Dr Caligari, se repose surtout sur les décors extravagants, et largement inspirés des canons de l'expressionnisme. Ceux de l'histoire à Bagdad sont rondouillards comme Jannings, ceux de l'épisode Russe sont chargés et font grand usage de la lumière inquiétante qui semble accompagner l'affreux Ivan partout où il va. Mais si on attribue la mise en scène du film à Leni, qui a aussi décoré le film, il semblerait que ce ne soit pas aussi simple. C'était semble-t-il le cas aussi pour Hintertreppe, L'escalier de service en 1921: La mise en scène était divisée entre Leopold Jessner, qui s'occupait des acteurs, et Leni en charge du reste. Ce film est du à une nouvelle association du même type: un certain Leo Birinski est supposé avoir assisté Leni à la direction d'acteurs... C'est donc sur ce film bancal et lourdingue que Leni allait construire sa réputation, qui allait le conduire aux Etats-Unis pour y réaliser quatre films, dont deux merveilles... Ouf.

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Published by François Massarelli - dans Paul Leni Muet Allemagne 1924 ** ...Jusqu'à l'aube
14 juillet 2015 2 14 /07 /juillet /2015 11:15

La cupidité est au coeur de l'oeuvre de Pabst, en particulier ses films muets: l'argent est le moteur de nombreux personnages de La Rue sans joie, le pharmacien du Journal d'une fille perdue est prêt à vendre sa fille pour garder son commerce, et certains amis de Loulou semblent aisément et dangereusement corruptibles... Ce premier film du metteur en scène sous forte influence de l'expressionnisme cinématographique Allemand, qui vivait ses derniers feux en cette année 1923 (Le cabinet des figures de cire, de Paul Leni), s'appelle justement Le trésor, et va tourner autour de réactions différentes à l'appât d'un magot, qui pour rejoindre une autre préoccupation majeure du cinéaste, est assimilé à la sexualité, et l'amour...

En actuelle Slovénie, chez un artisan, on parle d'un trésor légendaire: quand les Turcs ont envahi la région de Vienne, un magot phénoménal aurait été caché dans les environs. C'est un conte plus ou moins accepté comme une légende, mais un homme y croit dur comme fer, un assistant (Werner Krauss) de l'artisan (Albert Steinruck). Arrive un travailleur itinérant (Hans Brausewetter) qui demande et obtient de s'installer avec eux, et entend parler du trésor. Il n'y croit pas, préférant s'intéresser à a fille du patron, mais celle-ci (Lucie Mannheim) lui fait comprendre qu'il y a peut-être du vrai dans cette histoire... La compétition devient rude entre les deux assistants, que ce soit pour trouver ce fameux trésor, ou pour les faveurs de la jeune femme...

La préférence de Pabst, elle, ne fait aucun doute. Werner Krauss, qui sera bientôt (Dans la magnifique La rue sans joie de 1925, le troisième film de Pabst) un boucher qui fournit de la viande aux jeunes femmes contre des faveurs sexuelles, joue ici un homme inquiétant, presque animal, dont l'obsession sexuelle est soulignée dès les premières séquences, au moyen du regard terrifiant et fixe avec lequel il dévisage l'objet de son désir. On le verra, le trésor est pour lui plus qu'une obsession, ce sera la clé de ses fantasmes puisqu'il échangera l'usufruit du magot une fois celui-ci trouvé contre la fille... Mais le héros, pourtant un cavaleur de première classe trouvera lui en la fille de la maison l'amour, et saura s'arrêter à temps.

L'intrigue, comme celle de beaucoup de films muets Allemands, tient en vraiment peu de péripéties, mais Pabst a surtout soigné son image, en combinant avec adresse des décors inspirés de l"expressionnisme, mais bien plus réalistes, un clair-obscur adroit (Du au chef-opérateur Otto Tober) et un jeu divisé en deux tendances: excessif pour les obsédés du trésor, plus raisonnable pour les autres. Pabst, on le sait, ira vers le naturalisme avant la fin de la décennie, pour l'instant il est amené à étudier et exploiter l'héritage expressionniste avec une certaine finesse, dans un petit film miraculé comme tant d'autres...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1923 Georg Wilhelm Pabst * ...Jusqu'à l'aube
19 janvier 2013 6 19 /01 /janvier /2013 09:32

La sortie en 1920 de ce film sur les écrans Allemands est un de ces actes fondateurs particulièrement notables, qui font de toute la période du muet une aventure passionnante et plus riche que tout ce qui a pu suivre. A plusieurs niveaux, du reste: le film a montré au monde entier à la fois la vivacité et la spécificité d'une cinématographie nationale d'un pays qu'on vouait alors à l'oubli pur et simple; on se souvient à ce titre de campagnes de presse lors de la sortie Française qui enjoignaient les gens de ne pas aller voir ce film, qui était à n'en pas douter une oeuvre "boche", donc dégénérée. Le Cabinet du Docteur Caligari a aussi donné naissance, mais de façon moins directe qu'il n'y parait, à une fusion de styles et de thèmes, hérités partiellement du cinéma des années 10 (Der Golem, Der Student von Prag, Homunculus) et partiellement d'autres arts, notamment la peinture et la photographie mais aussi le théâtre qui va largement influencer le jeu des acteurs qu'à défaut d'autre appellation on va rapidement qualifier d'expressionnistes. Et Caligari, comme on l'appelle le plus souvent, est donc l'acte de naissance du nouveau cinéma allemand, qui va aussi enfanter le cinéma fantastique Américain, le film noir, et certains metteurs en scène Anglais... voilà qui mérite qu'on s'y intéresse, donc.

Pour commencer, mettons les choses au point: on a pu lire beaucoup de bêtises sur ce film, comme d'ailleurs sur tant d'autres: on a eu coutume d'attribuer tout ou partie de Caligari à la présence dans les coulisses du jeune Fritz Lang, qui a d'ailleurs revendiqué la paternité d'un certain nombre d'aspects du film, notamment l'idée de rendre l'oeuvre moins avant-gardiste en l'inscrivant dans la subjectivité d'un aliéné. On a aussi dit que le film était l'oeuvre de ses trois décorateurs beaucoup plus que celle de Wiene, ou du scénariste Carl Mayer, faisant de fait d'eux de simples exécutants d'un projet essentiellement esthétique: dans les deux cas, il ne faut pas en tenir compte; Lang n'était en aucun cas ce maître du cinéma Allemand qu'il allait devenir par la suite, et il allait de petit boulot de scénariste en petit boulot de réalisateur, jusqu'à 1921 et la consécration de Der Müde Tod - un film sous l'influence particulièrement marquée de ce Cabinet du Docteur Caligari... et si l'importance du travail de Hermann Warm, Walter Röhrig et Walter Reimann n'est plus à démontrer tant elle saute aux yeux à la vision du film, il fallait un scénariste qui puisse donner corps à cette histoire parfaitement cohérente, et un metteur en scène pour donner un peu d'unité à ce qui aurait pu n'être qu'une expérience particulièrement douloureuse pour le spectateur...

Qu'on en juge: le film conte l'histoire d'un homme aliéné qui raconte à un autre pensionnaire de la même institution son expérience (L'a-t-il vécue ou rêvée? On ne le saura pas) d'une série de crimes épouvantables, perpétrés par un somnambule sous la coupe d'un certain Dr Caligari, montreur de foire à ses heures perdues mais d'abord et avant tout directeur d'un asile d'aliénés. Crime, perversion, folie et subconscient se mêlent dans une histoire apparemment compliquée mais qui se déroule de façon claire et linéaire sous nos yeux. Mais les décors du film sont volontairement distordus, faux: inspirés de façon évidente par l'expressionnisme alors en vogue dans la peinture et le théâtre Allemand, les décorateurs ont imaginés un dédale de maisons en carton-pâte, invivables et cauchemardesques, construites dans les studios de la Decla-Bioscop. Les décorateurs ont conçu leur ville de manière à utiliser la profondeur de champ. Pour parer à la théâtralité inévitable de l'ensemble, le recours à un montage serré, avec inserts de gros plans, et un rythme qui s'emballe parfois, accentue la prise sur le spectateur. Enfin, l'histoire cauchemardesque est prétexte à développer un jeu d'acteurs sur trois niveaux: les deux vedettes du film, Werner Krauss ("Caligari") et Conrad Veidt (Cesare, le somnambule filiforme en collants noirs, aux yeux rehaussés de kohl, figure d'épouvante) ont un jeu authentiquement expressionniste, exagéré, et emphatique. Les personnages qui seront leurs victimes, Friedrich Feher et Lil Dagover, passent d'un jeu plus naturel, plus en phase avec le cinéma Allemand de l'époque, à des pics expressionnistes et de brusques éclairs émotionnels. Le reste de la distribution est d'une manière générale moins voyant. Le résultat de ces choix permet là encore d'adhérer à l'histoire sans souffrir des transgressions stylistiques...

Le film joue sur plusieurs tableaux: d'une part, cette histoire de hiérarchie (Le directeur d'un asile) devenue folle et qui sème le crime par la seule volonté de contrôler le subconscient d'un homme, est riche en transgressions, en allusions aussi à la crise contemporaine que traverse l'Allemagne, vaincue pour avoir trop voulue étendre son hégémonie. Le chef est fou, nous dit le film, et le prologue et l'épilogue rajoutés pour intégrer l'histoire dans une réalité plus acceptable et moins polémique, ne nous rassurent qu'à moitié... situés dans un asile qui ressemble étrangement à celui du film, et qui participe de ce même effort d'utilisation de l'expressionnisme, il est aussi peuplé des acteurs du drame: Cesare y est un autre patient interné, la belle Jane (Lil Dagover) y est aussi, et le "Docteur Caligari" est, là aussi, quoique moins effrayant dans son aspect, le professeur en charge de la clinique. Mais le film est aussi une exploration de l'inconscient, à travers cet homme piloté à distance, dont les pulsions érotiques se manifestent envers et contre tout: contre son propre état de sommeil, contre la victime de ce qui à l'origine devait être un meurtre, et contre son "maître", le Dr Caligari, qui croyait pouvoir enjoindre à un homme en sommeil permanent de tuer mais n'avait pas prévu que le désir lui donnerait d'autres plans... La scène fabuleuse de l'arrivée de Cesare chez Jane (le seul endroit dans le film dans lequel les décorateurs se soient amusés à styliser leur déor avec plus de formes circulaires que d'angles douloureux...) qui le voit raser un mur de sa silhouette trop maigre pour inspirer confiance, puis s'introduire lentement dans la maison, apparaître lentement à la fenêtre, et enfin s'introduire du fond de l'image pour frapper sa victime endormie au premier plan, va faire des petits: Nosferatu, bien sur, mais aussi Frankenstein, dont on sait que le metteur en scène James Whale était précisément un admirateur de ce cinéma Allemand qui naît à nouveau avec Caligari.

C'est d'ailleurs remarquable, que ce film qui est brut, si on le compare à sa descendance et au raffinement des décors et éclairages de Der müde Tod (1921) ou Le cabinet des figures de cire (1924), aille si loin dans la représentation de conflits entre les pulsions et la raison. Il est de fait beaucoup plus Freudien dans son anarchisme d'épouvante que ne seront des oeuvres présentées comme d'inspiration ouvertement psychanalytique, en particulier Les secrets d'une âme (1926) de Pabst... quoiqu'il en soit, tout en étant un magnifique précurseur et en faisant la synthèse du cinéma fantastique des années 10, Le Cabinet du Dr Caligari n'aura de descendance que limitée: l'expressionnisme se diluera dans le cinéma Allemand. Des films comme Die Nibelugen, ou Faust, lui devront beaucoup dans leur volonté de créer un monde en studio, en utilisant une nature volontiers déformée, mais ce sont surtout les éclairages, la science des ombres et un jeu décomplexé qui lorgne vers l'épouvante, qui vont finalement s'installer dans la tradition du cinéma Allemand. L'expérience visuelle si singulière de ce film restera unique, quoiqu'on en dise. Des metteurs en scène vont tenter de rééditer l'expérience (Wiene lui même dès l'année suivante, avec un Genuine peu inspiré), mais là encore le cinéma va faire évoluer les décors vers plus de réalisme: tout en étant d'inspiration Caligaresque dans leur déformation, les maisons du ghetto de Der Golem sont plus tangibles. Le mur de la mort dans Der müde Tod, ou encore la ville orientale dans le Cabinet des figures de cire sont des décors en dur, qui vont vite éclipser les toiles peintes et les cartons glorieusement faux, les portes impossibles du film de Wiene... Celui-ci ne pouvait qu'être unique, mais son succès allait, je le répète, bouleverser non seulement le cinéma Allemand, menant à Metropolis ou Le dernier des hommes, mais aussi et surtout le cinéma mondial.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 ** ...Jusqu'à l'aube