Un couple se déchire... Monsieur a eu la preuve des infidélités de madame, et sans aucun temps de réflexion il la chasse, devant leur fille. Celle-ci n'est pas au bout de ses peines: elle va assister, lors des séances du procès en divorce, à de pénibles moments, son père de décolérant pas. Et surtout, on ne la laisse pas s'approcher de sa maman... Quelques temps après la petite tombe malade, et rien ne pourra faire qu'elle aille mieux, si ce n'est... la présence de sa maman.
Entre prises de vues en studio, avec toiles peintes et décors en carton, et tournage dans la rue, sur le vif, ce film assez court (une demie-bobine) ressemble à une compilation des us et coutumes du mélodrame façon Pathé. Un sujet populaire et tire-larmes, vu du point de vue de la petite fille, mais aussi un metteur en scène qui joue sur l'économie: le procès est traité en un plan, parfaitement divisé en deux parties distinctes: le père triomphant à gauche, ma mère effondrée à droite. La seule qui fasse, ou tente de faire la jonction entre les deux parties est bien sur la petite... On notera sinon, encore une pierre dans le jardin de Gaumont: une religieuse qui veille la petite fille a pour instruction d'empêcher la mère de venir voir sa fille, elle va s'exécuter à la lettre...
Dans ce film parfois intitulé Deux chemins, Capellani nous montre un domicile pauvre, où vient trois femmes: la mère, malade, soutenue par ses deux grandes filles. Elles se serrent toutes les coudes... Mais l'une d'entre elle fait une rencontre, celle d'un homme, et elle se marie, abandonnant du coup son logis insalubre pour la richesse d'un hôtel particulier...
Ce qui ne va pas aider la pauvre vieille mère: celle-ci décline, et meurt. Le couple décide de prendre avec eux la soeur, qui se trouve très bien, jusqu'au jour où elle doit subir les avances de son beau-frère.
Les deux femmes décident de préserver la dignité avant tout, et retournent ensemble dans leur masure sous les toits où elles vont de nouveau se serrer les coudes...
C'est du mélodrame bien sur, pas forcément du très inventif, mais ce qui importe c'est que dans ce film simplissime, Capellani montre des sympathies qui sont bien éloignées, au hasard, de ce qu'il aurait pu éprouver en travaillant chez Gaumont! La dignité de ce s deux femmes, leur choix de la misère plutôt que de l'infidélité, et le fait de trouver le bonheur dans la pauvreté, est bien loin des récits parfois un peu trop "patronage" de Feuillade par exemple.
Une petite fille a une préceptrice qui ne l'aime pas, et elle le lui rend bien... Le problème, c'est que la dame en question doit devenir sa belle-mère, et pour mener à bien cette entreprise, elle s'est résolue à demander à son futur mari de mettre la petite en pension: elle prétend que de vivre en permanence avec une petite dont elle a été la préceptrice ne l'aiderait pas à se sentir chez elle. Pour la jeune fille, il lui fait agir, et vite, d'autant qu'elle a bien vu que dès que le père s'absente, la dame réussit à passer du temps avec un autre homme. Elle décide de prendre une photographie en douce des amants...
Ce nouveau film est une comédie, mais elle incorpore des éléments de drame, du suspense, et même quelques éléments de mélodrame qui auraient pu avoir leur place chez Dickens. Et surtout, le metteur en scène y expérimente brillamment avec le montage, le morcellement et les champs et contrechamps. La morale bourgeoise y trouve bien sur son compte, mais pas autant que le cinéma, qui avance brillamment... Sans prendre de temps: ce film ne dure que huit minutes.
Le vieux pianiste Darblay (Edmond Duquesne) ramène du restaurant du pain pour donner aux oiseaux. Pendan qu'il nourrit les volatiles, une fillette misérablement vêtue (Stacia Napiekowska) se jette sur les miettes. Le vieil homme, ému, prend pitié d'elle, la recueille et l'adopte. Lors de ses répétitions avec une danseuse, Darblay a la surprise de voir la jeune femme danser, elle aussi, avec un certain talent. De fil en aiguille, encouragée par le vieil homme, elle va devenir une vedette. Mais en son absence, son père adoptif est rongé de chagrin. Sa présence seule pourrait le sauver. L’artiste , l'apprenant, rentre à Paris, et... retrouve le vieux Darblay en compagnie de ses moineaux sur le banc où ils se sont rencontrés.
On est surpris évidemment après avoir passé du temps en compagnie des drames (La fille du sonneur) et des films inspirés de faits divers sordides (L'homme aux gants blancs, Drame passionnel, L'épouvante): Capellani avait aussi, parfois, la tâche de donner à voir des petites histoires sentimentales de patronage qui se terminent bien. C'est plaisant, bien interprété, même si de toute évidence ce film ne me semble pas avoir la même portée que les sombres drames cités plus haut. Pour l'anecdote, on retrouvera Napierkowska chez Feuillade (Les Vampires) et chez Feyder (L'Atlantide).
Une oeuvre partagée entre deux créateurs, qui nous permet de rappeler comment Pathé fonctionnait à l'époque, avec des "techniciens" et metteurs en scènes qui avaient leurs propres domaines de compétence... Très décoratif, ce film assez peu intéressant est typique de la production féerique, avec ses tableaux et son final en forme de ballet ou de revue. Le chef-opérateur de génie Segundo de Chomon était au studio un disciple affirmé de Méliès, dont il contournait assez aisément les limitations techniques parce que lui, contrairement à l'illusionniste de Montreuil, avait compris que le cinéma pouvait évoluer et affiner sa technique. Mais Pathé ne lui faisait malgré tout pas confiance pour tourner seul un film, dont il fallait faire appel à un spécialiste dramatique!
Chomon a donc contribué avec ses effets, qui sont très bien amenés (Et le film présente un génie en diable cornu et bossu qui renvoie lui aussi à l'esthétique des films Méliès), mais les deux minutes de danseuses exotiques avec couleurs au pochoir nous donnent envie de retourner à notre Paris des passions en 1906 tel que le dépeint Capellani...
Encore un film dur de Capellani: cette fois, il nous présente une mère dont la fille s'est tuée et qui sombre dans l'alcoolisme, devient folle, et s'empare dans un jardin public d'une fillette qu'elle prend pour la sienne. Elle meurt dans un couvent, "visitée" une dernière fois par le fantôme de sa fille.
On notera que la pauvre créature vit au départ seule avec sa petite fille, sans qu'on puisse déterminer si elle est veuve, divorcée, ou... pire. Au mur, dans la première scène, un portrait anonyme d'un monsieur en moustache permet éventuellement de rassurer le bourgeois! Sinon, la scène inaugurale de la mort de la petite est filmée depuis un intérieur, donc en studio, la caméra vissée sur le centre de la scène, ne quittera pas la mère, et quand la petite fille s'approche de la fenêtre et tombe, c'est quasiment hors-champ: une manière d'affirmer que le drame est ailleurs, dans la solitude qui s'ensuit et ses funestes conséquences... Capellani ira bien sur plus loin dans la peinture de l'alcoolisme avec L'assommoir en fin 1908.
Un vieil homme, sonneur de cloches à Notre-Dame, désavoue sa fille qui fricote avec un monsieur pas comme il faut. La fripouille abandonne la jeune femme avec un bébé, et celle-ci n'a d'autre solution que de laisser la petite à son père, qui la prend en charge, avec suffisamment d'amour. Mais la mère cherche ensuite à revoir la petite, contre l'avis du grand-père.
Ce film, toujours tourné en 1906, est nettement plus long que ses prédécesseurs: la copie dure dix minutes, et est un condensé du film, qui nous est annoncé incomplet... un mélodrame, donc, mais marqué par la composition, la scénographie et l'utilisation parcimonieuse de figuration: on est devant un film qui ménage ses effets, et si certaines scènes avec le vieux sonneur, au jeu excessif, vont trop loin dans le pathos, on le suit avec tension. Une scène avec le vieux sonneur à coté d'une gargouille, qui contemple l'horizon, et donc les toits de Paris, atteint à la grandeur: c'est un moment de pure poésie. N'oublions pas que Capellani réalisera une version de Notre-Dame de Paris, en 1911...
Tourné en 1906, La femme du lutteur fait partie de la première vague des courts métrages de Capellani. Vu à plus grande distance que les autres, ce film incorpore un grand nombre de figurants, ce qui est d'autant plus justifié qu'une partie de l'action se place dans le cadre forain: un lutteur à succès se laisse draguer par une riche bourgeoise, et abandonne roulotte, femme et enfants pour s'installer dans la belle vie.
Le sujet parle d'abandon du domicile conjugal, d'adultère, et donc de sexe. Le fait que l'homme fasse un usage professionnel de son corps est à prendre en compte. En tout cas, cette fois, contrairement aux crimes et autres actions violentes commis dans Drame Passionnel, Mortelle idylle ou dans L'âge du coeur, on utilise ici plutôt une arme blanche qu'une arme à feu. Une fois de plus, le crime est la fin: la police n'intervient pas, en tout cas pas dans l'espace filmique, tout comme, on le verra, dans L'assommoir... Pas de résolution bourgeoise, donc. Mais je me garderai d'y voir une intention, puisqu'on nous annonce que cette copie est incomplète.
Encore un horrible fait divers: ce dur film conte les mésaventures d'un couple "mal assorti", nous dit un intertitre: il est vieux, elle est jeune, le premier gandin qui passe devient un amant. une bonne âme prévient le mari, qui jure de se venger... Mais il en est incapable, alors... il retourne dans sa chambre et se suicide, de façon très graphique.
On est ici à deux doigts du grand guignol, avec un alliage astucieux de trucage cinématographique (On arrête tout simplement la caméra et le mouvement) et de maquillage sanglant. Le cinéma de Capellani va déjà vers le réalisme sans concessions... Le film est construit sèchement, sans jamais s'encombrer de longueurs, et en utilisant au maximum l'efficacité très impressionnante du signe riche établi riche en possibilités (les amants se retrouvent dans une cabane de chasseur... où ils s'embrassent), et les cadrages les plus clairs. C'est une épure de quatre minutes...
Tout comme le rudement bien nommé Drame passionnel, tourné la même année, ce film très court (moins de six minutes) montre l'essentiel d'un drame, dont l'aboutissement est la finalité de la représentation. On termine donc une sombre histoire de sentiments qui dégénèrent, par une image scandaleuse, composée comme pour donner à voir LA photo choc.
Là encore, on ne peut pas dire que le titre soit vraiment crypté. Une femme trahit l'amour de son ami d'enfance, celui-ci se venge d'une façon expéditive. Le film montre un exemple très intéressant de construction de suspense, puisque il y a une tentative de meurtre avant que le tueur n'atteigne son but. Ainsi, le spectateur est placé dans l'attente de ce qui va venir... Encore une fois, un film choc, qui atteint son but en peu de temps. Le plan final renvoie à toutes ces gravures qui se trouvaient aux premières pages des feuilles à scandale de la belle époque.