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1936, Salamanque, le film commence au moment où la junte militaire des « insurgés » contre la république installe tranquillement la loi martiale. Sous les yeux de Miguel d'Unamuno (Karra Elejalde), un universitaire qui a été un fervent républicain mais qui est déçu de la tournure des événements, parce qu'il pense que l'allégeance des socialistes et des communistes à la Russie de Staline fait du tort à l'espagne, les militaires commencent à gérer la région et se mettent en œuvre pour gagner le pays entier.
Nous allons assister à l'installation d'un état fasciste, avec de plus en plus de privations de liberté, les exécutions sommaires (au nom d'un sempiternel « oui mais les autres le font aussi », ce qu'on ne verra d'ailleurs jamais), la reprise en mains de l'Espagne et des Espagnols par des grenouilles de bénitier revancharde, et l'ascension de Franco (Santi Prego), général mais surtout politicien. Pendant ce temps, les dernières traces de liberté sont incarnées par des débats entre les amis d'avant, et par la mauvaise humeur militante du vieux Unanumo, qui ne tarde pas à se rendre compte qu'il a soutenu le début d'un régime qui installe lentement mais sûrement une dictature à l'instar des nazis et des fascistes, dont l'obsession de l'épuration cache mal un racisme maladif et aveugle...
On a connu à plusieurs reprises Amenabar en pourfendeur d'un catholicisme à l'Espagnole, dont il a subi les foudres dans les pensions où il a grandi... The others, mais aussi Agora, ne se gênaient absolument pas pour explorer à leur façon les aspects les plus noirs du Christianisme. La religion, ce ne sera pas une surprise, joue donc encore une fois un rôle central dans ce film, mais Amenabar s'il rappelle que l'église Espagnole s'est trempée et pas que du bout des doigts, dans un système fasciste qu'elle appelait de toute façon de ses vœux, ce n'est pas la seule option. En témoigne le personnage formidable de ce vieil universitaire qui choisit d'abord de soutenir la junte parce qu'il pense qu'elle va rétablir la république après ce qu'il considère comme les crimes des républicains.
Tout est affaire d'un dosage subtil, Amenabar n'assène pas l'histoire, il la distille... Et le discours pro-militaire de Miguel Unamuno s'accompagne aussi d'un vraie tolérance à l'égard de ses amis : un pasteur protestant, qu'il apprécie bien que lui-même soit catholique, et qui sera arrêté parce qu'il est franc-maçon; un professeur de l'université, auquel il s'oppose politiquement, parce qu'il est socialiste, mais qu'il compte fermement parmi ses amis. Seulement lui aussi sera arrêté, et toutes ces arrestations mèneront à la mort...
Le film est donc didactique, voire académique, mais il fait mouche parce que le mécanisme de l'installation du fascisme est là, sous nos yeux, à nous qui le voyons partout aujourd'hui, sauf là où il est vraiment: tapi dans l'ombre, prêt à bondir au moindre signe de fatigue des instances légitimes, à l'affût de la moindre contrevérité à monter en épingle. Devant ce film qui fait un portait du danger tapi derrière le plus affable des généralissimes, sous la forme d'un général rassis, borgne (c'est une manie, chez les fascistes?), qui nous est montré voulant faire un discours et qui n'en a, justement, pas, de discours. Juste des imprécations de haine... C'est parce qu'ils ont vu le terrorisme à l'oeuvre, la montée des partis fascistes (pourquoi les appeler autrement?) de Salvini, Orban, Le Pen, Dupont-Aignan, Asselineau, des mouvements populistes de tout poil qui envahissent les rues pour tout condamner, et le retour au plus haut de l'état de l'ignorance et de la dangereuse duplicité, que ce soit aux Etats-Unis, en Hongrie, en Russie ou au Brésil, qu'Amenabar et ses collaborateurs ont fait ce film...
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