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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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11 janvier 2025 6 11 /01 /janvier /2025 16:16

S'il est un thème omniprésent dans l'oeuvre d'Hitchcock, c'est bien celui du faux coupable. Ca commence avec The lodger en 1926, et ça n'attendra pas qu'Hitchcock revienne au thriller pour continuer: dès 1927 et Downhill, cette vision obsessionnelle de la fausse culpabilité d'un protagoniste revient dans un grand nombre de films. Murder, The 39 steps, Young and innocent en particulier proposent dans le cadre du film policier et d'aventures une vision de cette thématique.

Les films Américains du metteur en scène vont ajouter de façon sophistiquée des intrigues basées sur la non-culpabilité d'un suspect, à travers l'élégance trompeuse du film noir flamboyant Suspicion, du petit film d'aventures et d'espionnage Saboteur, ou de l'étude grinçante de moeurs I confess, tout en continuant à fournir des policiers plus classiques sur le même thème (Dial M for murder), en continuant à faire des variations sur le cas de figure (Stage Fright), et en raffinant son art jusqu'à d'impressionnants chefs d'oeuvre (Strangers on a train). Les années 50 sont la période la plus heureuse de la carrière du metteur en scène, qui a créé son propre univers, et est désormais à l'aise pour utiliser son nom et sa réputation, et confectionne amoureusement des films d'une rare classe (To catch a thief, et son faux coupable une fois de plus) dans le cadre rassurant de la Paramount. Mais Hitchcock ne s'arrête jamais, et ce thème qui le turlupine, il y revient (Et y reviendra, dans North by northwest en 1959 et dans Frenzy en 1972) avec un film en apparence totalement à part, qui s'intitule justement The wrong man.

Le titre (Traduit pour une fois fort judicieusement Le faux coupable) nous indique ce qu'on n'a pas besoin de nous dire trop longtemps à la vue du film, à savoir que le personnage de Manny Balestrero, l'infortuné contrebassiste accusé à tort de plusieurs attaques à main armée, et autres cambriolages, est parfaitement innocent. Mais il est surtout malchanceux: venu chez un agent d'assurances pour emprunter sur la police de son épouse, il est reconnu par plusieurs employées comme étant l'homme qui a commis une attaque sur le bureau, et les boutiquiers amenés à témoigner vont aussi le reconnaître, pour la plupart. N'étant pas un professionnel de l'alibi, Manny ne parviendra pas à se disculper, et sa famille va devoir subir l'humiliation de la justice dans toute sa splendeur.

Hitchcock nous a prévenus au début, il fait une sorte d'apparition bien différente de ses "cameos" habituels: vu depuis le plafond d'un studio, une simple silhouette qui se dégage au milieu d'un plateau. Dans son univers en quelque sorte... Il insiste sur le réalisme de l'histoire qu'il va nous conter. Apparemment similaire à ses présentations télévisée, mais très éloignée en fait, cette introduction est un peu trompeuse: les faits rien que les faits, nous promet-il... Mais le metteur en scène est aussi un vieux renard qui sait communiquer. Le film aura l'apparence du "docudrama", mais c'est un film superbement mis en scène dans lequel la touche Hitchcockienne se fait certes discrète... Mais elle est là. Tout comme sont là les fidèles, le producteur Herbert Coleman, le chef-opérateur Robert Burks, et bien sur Bernard Herrmann, compositeur attitré, dont le rôle dans ce film austère est pourtant réduit à la portion congrue. Mais à part Vera Miles, qui reviendra dans Psycho, on n'est pas confronté ici à un casting "hitchcockien". En lieu et place de, disons, Cary Grant ou James Stewart, on a Henry Fonda.

Manny Balestrero est un personnage formidable, par sa gaucherie, son inadaptation à sa situation délirante dans laquelle il est fourré totalement malgré lui. Italien d'origine, il est catholique, et c'est un des fils rouges de ce film, dans lequel en proie au doute on le voit se tourner vers la religion au moins de deux façons: en contemplant un petit tableau de Jésus dans sa chambre, et en priant silencieusement durant son procès, égrenant son chapelet. J'y reviendrai. Mais le personnage est aussi un brave homme, timide et effacé, et totalement conforme à la vision de l'homme de la rue par Hitchcock, qui dès les années 20 et 30 aimait à peupler ses films de petites gens, comme dans Sabotage, dans Blackmail, dans l'ouverture de The 39 steps, et on peut bien sûr continuer avec des films comme Shadow of a doubt. Notre contrebassiste un peu austère fait partie de cette catégorie, et sans nul doute c'est un homme sans histoire: il a trouvé un travail qui lui plaît, il a une épouse aimante, deux enfants, ils ont quelques difficultés, mais ce n'est pas bien grave. Fidèle à sa manière, Hitchcock caractérise Fonda en quelques plans: il joue de la contrebasse dans un orchestre de danse au Stork Club, finit son set, et silencieusement sort, prend les transports en commun: les pages du journal qu'il feuillette nous renseignent sur son cas: il consulte les résultats des courses, et tombe sur une publicité qui détaille des prix exorbitants. Une conversation avec son épouse nous éclaire un peu plus: elle souhaite se faire extraire les dents de sagesse, mais recule devant le prix de l'opération. Voilà qui motive en effet l'emprunt sur l'assurance. Le problème de Manny, c'est que ça motive aussi les crimes qui lui sont imputés.

Fonda, c'est le petit homme par excellence, celui qui ne sortira de sa réserve que si c'est nécessaire, trop grand pour le monde, un peu comme James Stewart, mais plus enclin à rentrer dans le rang pour ne pas se faire voir... C'est aussi un acteur plus doué que Stewart pour l'ambiguïté: il y a toujours, derrière le Stewart "sombre", des motifs nobles, mais le Fonda de The Ox-Bow incident est un alcoolique bagarreur sans raison apparente, et dans The Grapes of Wrath, Tom Joad a tué un homme. Les personnages de Advise and consent (Un politicien soupçonné de trahison), de There was a crooked man (Un homme de loi qui se laisse corrompre de façon très inattendue), et bien sûr de Once upon a time in the west iront plus loin encore dans cette part d'ombre. Donc Hitchcock joue un peu, au début, avec cette possibilité, ou du moins si nous n'avons que peu de doute quant à son innocence, il apparaît plausible que ce grand gaillard qui ne sait pas où se mettre, soit après tout coupable. Vera Miles de son côté joue le rôle de l'épouse qui craque, plongeant dans l'hystérie puis le mutisme, d'une façon très convaincante. Elle n'en fait justement jamais trop, au contraire. Et Hitchcock la fait aussi jouer sur son apparence, en la faisant se maquiller de moins en moins, alors que le personnage plonge lentement mais sûrement dans la folie. Elle est l'ingrédient dramatique, un autre fil rouge, le plus important sans doute: lorsqu'elle perd le nord, Manny perd son soutien principal. Elle offre une image navrante, confirmant l'enfer dans lequel Balestrero est conduit... Et lorsque Manny est confronté au vrai coupable, la seule chose qu'il puisse lui dire est "Vous savez ce que vous avez fait à mon épouse?". L'autre ne dira rien. Que voulez-vous qu'il dise?

Je parlais de la mise en scène de ce film, comme bien autre chose que ce prétexte de réalisme avancé par Hitchcock lui-même. Bien sûr, Hitchcock ne peut pas faire autrement, il a la maîtrise absolue du cadre, sait parfaitement ce qu'il veut, et s'il n'hésite pas à forcer en effet sur le contexte hyper-réaliste, à mille lieues du glamour, sa mise en scène s'affiche comme d'habitude formidable: son jeu sur le point de vue par exemple, la façon dont dans une scène Manny entre, et nous avons désormais le point de vue d'une employée qui le voit à travers les barreaux de son guichet (Ce qui nous annonce ce qui va lui arriver), et la main dans sa poche, comme une inquiétante menace. Le point de vue sur l'affaire sera toujours celui des autres, les policiers (Qui font leur travail sans aucune flamme, ni aucune énergie phénoménale. De bons fonctionnaires sans histoire en réalité!), les témoins... Lorsque, au cours du procès, on a le point de vue de Manny Balestrero, c'est essentiellement pour nous indiquer, en caméra subjective, qu'il ne comprend rien à ce qui se passe, et qu'il est presque absent de ce procès qui semble même ne pas le concerner. Ce principe de caméra subjective est aussi présent lors de l'arrestation proprement dite, qui est privée de tout drame, et de tout dialogue, et qui est un tour de force. Le propos d'Hitchcock est bien sur de nous donner le pire rôle, celui d'être dans la peau du pauvre type sur lequel l'injustice s'abat et qui n'a après tout aucun argument à opposer...

Car Hitchcock avait semble-t-il une raison d'être obsédé par cette vision de la culpabilité comme un phénomène du hasard, prêt à s'abattre sur n'importe lequel d'entre nous. Il l'a souvent expliqué comme venant d'une anecdote célèbre: son père avait arrangé avec des copains policiers d'enfermer son fils pendant cinq minutes pour le punir, provoquant chez lui une trouille farouche et persistante à la fois de la police, et de l'erreur judiciaire. Que cette anecdote soit vraie ou fausse, il est sûr qu'Hitchcock avait vis-à-vis de la police une peur claire et nette, et que sa vision de l'erreur judiciaire était qu'elle était à la portée de n'importe qui! Mais Hitchcock, Catholique, savait que l'homme est par essence assimilé au crime, coupable par association parce qu'il fait partie de l'humanité. Une scène formidable, la plus notable sans doute du film, voit Fonda se tourner vers le fameux tableau de Jésus dans sa chambre, là même où un soir il a retrouvé son épouse prostrée, passée de l'autre côté de la folie: il est en gros plan, et il prie. En surimpression, une rue de la ville, la nuit. Un homme s'approche. D'abord en silhouette, puis on le voit de mieux en mieux, il porte les mêmes vêtements que ceux généralement portés par Fonda, et son visage vient se placer dans les contours de ceux de la star. C'est le bandit, le vrai. Il ne lui ressemble pas tant que ça, mais la confusion est possible. Réponse à sa prière, ou simple rappel du cinéaste pour dire qu'un homme et un autre homme, finalement, c'est la même chose? Tous coupables?

On est loin de Kafka, grâce justement à Hitchcock qui sait ne pas s'aventurer trop loin dans l'onirisme (Il le prouvera bientôt dans les deux films fantastiques qui sont parmi les plus réalistes de son oeuvre!), mais Hitchcock, avec ce film singulier, et dégagé de l'influence trop lisse des studios (C'est une production indépendante, distribuée par la Warner), me semble avoir une fois pour toutes établi son thème majeur, et le fait avec une classe incroyable, dans une démonstration qui réussit à ne jamais être austère. Il le fait aussi en redéfinissant son art et sa manière, et ce film tranchant et noir comme l'encre aura, qu'on le veuille ou non, des conséquences. qu'il l'ait fait en réagissant à une nouvelle donne du cinéma mondial (Le film ressemble souvent à une oeuvre européenne dans son réalisme froid) est une évidence, mais une fois de plus il sera à son tour le plus influent: Scorsese s'inspirera de cette vision sans concessions de New York (Taxi Driver), Friedkin y puisera la source de son style développé dans ses films French Connection et The exorcist (!!!).

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir
5 janvier 2025 7 05 /01 /janvier /2025 17:31

Les Princey: une famille comme les autres... du moins dans l'univers d'Alfred Hitchcock: le père (Cedric Hardwicke) a réuni la maisonnée dans le salon pour établir une bonne fois pour toutes ce qu'il s'est passé: sa fille Millicent (Tita Purdom) a tué un homme qui la courtisait avec un maillet de croquet... Ce que le frère (Jerry Barclay), étudiant raté en médecine, confirme d'un ton morne. Il leur faut donc un bouc-émissaire...

Sir Cedric Hardwicke est le parfait interprète du père de famille: tâchant de récapituler avec ses enfants un meurtre comme si c'était une simple histoire de pneu crevé...  Méthodiquement, avec juste un soupçon d'impatience à l'égard de ses enfants dysfonctionnels...

L'arrivée de l'ami de la famille, le capitaine Smollet (John Williams), ne va même pas déstabiliser le père: il délègue à sa fille et son épouse la tâche d'accueillir leur ami, et élabore un plan d'une simplicité qui fait froid dans le dos: proposer à son ami un marché: soit il endosse directement la responsabilité du meurtre, soit il est tué sur le champ d'un coup de fusil... Une conversation presque civile, en dépit de la nervosité de l'un des protagonistes!

C'est la deuxième fois que John Williams (et son impeccable flegme Britannique) incarne un héros lié au crime dans la série Hitchcock Presents...) et on ne peut imaginer deux personnages plus dissemblables pour autant... N'empêche, Princey est effrayant quand il assène son choix à son ami, un fusil dans les mains... L'humour noir de la situation est évident, mais pour Smollet, l'important est sans doute de gagner du temps. 

Dans ses longs métrages, Hitchcock n'a jamais joué avec une telle situation, évidemment... Il lui fallait sans doute le confinement des 25 minutes de la série pour tenter une telle approche. Il tourne ce petit film avec autant de méthode, finalement, que son personnage principal, sauf qu'on espère qu'il n'a pas été obligé de le faire avec un fusil dans les mains! Et le capitaine Smollet, qui "aurait pu tuer", mais ne l'a pas fait, et pourtant va être accusé du meurtre, s'ajoute à la longue liste des meurtriers par procuration, qui encombrent de façon spectaculaire l'oeuvre du cinéaste...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Alfred Hitchcock presents TV
5 janvier 2025 7 05 /01 /janvier /2025 13:42

Voici donc l'unique remake d'un de ses films, réalisé par Hitchcock lui-même...

Le premier film, celui de 1934, a été réalisé par un amateur, celui de 1956 par un professionnel. C'est ainsi que Hitchcock présentait la différence entre ses deux versions de la même histoire... Si on admettra que ce film Paramount est en effet d'une redoutable efficacité, on peut toutefois se demander si la mise à jour s'imposait. Exit la nationalité Anglaise (Et la gentille excentricité qui va avec) des protagonistes, bonjour Doris day et James Stewart, ce dernier qui revient pour une troisième collaboration avec le metteur en scène après Rope et Rear window.

Hitchcock n'arrivait-il pas à faire son deuil de Grace Kelly? Il n'avait semble-t-il aucune affection pour la caractérisation de Doris Day, et pourtant elle fait de l'excellent travail... James Stewart, lui, n'a pas à se forcer, il se glisse naturellement dans le rôle que lui a concocté le scénariste John Michael Hayes, adaptant l'histoire originale de Charles Bennett et D.B. Wyndham-Lewis:

Les McKenna, un couple d'Américains (Monsieur, James Stewart, est médecin, et Madame, Doris Day, est une chanteuse en plein congé sabbatique prolongé) font du tourisme au Maroc en compagnie de leur fils, et rencontrent un mystérieux Français, Louis Bernard (Daniel Gélin), sans savoir qu'ils viennent de mettre les pieds dans une intrigue d'espionnage. Et lorsque Bernard est assassiné par le camp adverse, il choisit de donner une information vitale à Ben McKenna avant de mourir. En réponse à cette révélation, les espions qui ont causé sa mort enlèvent Harry, le fils des Américains. Détenteur d'un lourd secret, McKenna va devoir choisir: la sécurité de son fils, ou sauver le premier ministre d'un pays étranger, dont la vie est menacée par un complot ourdi en Grande-Bretagne...

Outre la redite, on a parfois l'impression d'un film de vacances, ou d'une récréation entre deux oeuvres majeures. Il est vrai que ces débuts à a Paramount sont par certains côtés une période de transition pour Hitch, qui vient de perdre comme je le disais une actrice qui l'inspirait particulièrement, et est encore à la recherche des bons acteurs et du bon sujet. Il trouvera le tout, bien sur... Mais le film est intéressant pour sa gestion du suspense, et quelques séquences sont de vrais moments d'anthologie: la scène, célèbre entre toutes, du concert, entièrement liées à ce fameux moment durant lequel un percussionniste doit donner un coup de cymbales, ne sachant pas qu'un coup de feu sera ainsi étouffé, est un modèle de construction et de montée en sauce du suspense. C'est aussi une expérimentation, avec le choix délibéré de supprimer toute réplique, rendu logique par le fait que la musique y retentit, empêchant d'entendre la voix. Hitchcock y est pédagogue, multipliant avec subtilité les moyens de renseigner et d'impliquer le public... Et les plans inoubliables.

Il en profite également pour continuer à sonder les consciences, en posant à ses héros le dilemme le plus dur: rendre service à l'humanité, ou se taire pour ne pas mettre en danger la vie d'un fils? Le bien commun, ou le bien privé? Quelle est la responsabilité d'un homme face à ce qu'il sait? En donnant à James Stewart le rôle principal, il rend le personnage plus humain que jamais, avec ses forces et ses défauts, comme lorsque McKenna administre un somnifère à son épouse avant de lui révéler la nouvelle de l'enlèvement de son fils: bien sûr, on comprend sa motivation, mais comment ne pas lui en vouloir un peu? Stewart fait merveille pour mettre en valeur les petits défauts (Son caractère notamment) de son héros. Et Hitchcock choisit sciemment de brouiller les pistes en confiant à Bernard Miles, le père tranquille des films de David Lean, le rôle d'un espion, ou en tout cas d'un malfrat peu scrupuleux, qui se vend au plus offrant.

Mais bon, ce film soigné mais sans génie n'a absolument pas fait la preuve qu'il était nécessaire de refaire cette histoire de 1934! Un exercice de style, tout au plus, ou même un petit caprice du metteur en scène qui souhaitait revisiter son propre univers sous un nouvel angle...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
1 janvier 2025 3 01 /01 /janvier /2025 15:40

Herbert (John Williams) et Hermione (Isobel Elsom) Carpenter sont un couple d'anglais d'âge moyen, qui vivent une petite existence tranquille... Pendant que Madame prend soin, admirablement semble-t-il, de tout ce qui a trait à la vie de la maison, Monsieur s'affaire au sous-sol: il y creuse le sol afin dit-il d'y installer une cave à vin. Mais on comprend assez rapidement que le trou qu'il a creusé et qui selble lui convenir, devrait être en réalité pour contenir le corps de son épouse... Ils expliquent à leurs amis, lors d'une soirée, qu'ils vont passer un court séjour aux Etats-Unis, mais Hermione insiste sur ce point, elle a préparé une surprise pour son mari, et il est hors de question qu'ils ne soient pas de retour pour Noël...

En attendant, quand il se rend aux Etats-Unis, Herbert est seul, tranquille et particulièrement satisfait de sa solitude, au point de songer à s'installer de manière permanente...

C'est l'une des petites incursions Hictchcockiennes en terrain Britanniques, qui ont été assez peu fréquentes après 1940, mais toujours intéressantes. Le metteur en scène y fait appel à un acteur qui a participé à deux de ses longs métrages, Dial M for murder, et To catch a thief: John Williams a en lui une telle fobre Britannique, impossible de s'y tromper et de le prendre pour quoi que ce soit d'autre! Il incarne avec un flegme presque humoristique le brave type qui n'a qu'un seul défaut, celui d'être obsédé par la pensée de tuer son épouse...

Et la mise en scène, justement, se focalise sur cette obsession en nous en faisant complice: la soirée entre amis, avec toutes ces conversations (qui évidemment tournent toutes autour de la perfection de Hermione) semble entièrement tournée avec le cadre sur Herbert et son visage presque impassible ne trahit en rien sa désapprobation... sauf pour le spectateur qui désormais en sait assez pour imaginer qu'il pense exactement le contraire de tous ses amis sur son épouse!

Leçon de subtilité et de non-dits, célébration de la capacité qu'a la mise en scène de cinéma de construire sur presque rien, ce petit film de la série Alfred Hitchcock presents est un modèle du genre!

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Alfred Hitchcock presents TV
30 décembre 2024 1 30 /12 /décembre /2024 21:58

Ce film court, réalisé pour la télévision par Hitchcock lui-même (qui conformément à la règle établie, interprète un prologue et un épilogue apposé pour la présentation à la télévision), est l'un des "épisodes" de la série Alfred Hitchcock presents. C'est le troisième de ces films qu'il a lui-même réalisés et il fait partie de la veine "absurde" de la série, un style totalement absent de son cinéma par ailleurs... Il est adapté d'un roman de l'auteur canadien Anthony Armstrong.

M. Pelham (Tom Ewell) est un cadre bien sous tous rapports, qui vit dans l'élégance et le luxe, et qui vit un cauchemar. Il s'en ouvre auprès de l'un de ses amis, nous permettant de voir, en flash-back, l'évolution de ses problèmes. Il a commencé par ne pas comprendre ce qu'il se passait quand certains de ses amis lui ont reproché de les avoir croisés sans les reconnaître. Puis il a constaté que ses amis, domestiques, et collaborateurs avaient eu affaire à lui EN SON ABSENCE... Il y a un double dans sa vie, et celle-ci est devenue un cauchemar, car M. Pelham ne sait comment reprendre le contrôle de son existence, qui manifestement lui échappe au profit d'un sosie.

Bien sûr, Tom Ewell n'est pas un inconnu, loin de là; cette même année, il est un mémorable quadragénaire atteint du démon de midi dans The seven year itch de Billy Wilder... Et ici, il joue à merveille le pauvre type auquel l'impossible arrive. Bon, évidemment, Hitchcock traite au premier degré cette histoire, dans une narration rigoureuse et parfois un peu trop redondante... On comprend longtemps avant le personnage ce qui lui arrive et le metteur en scène aime utiliser le cadre et le montage pour faire de la pédagogie. Mais cette histoire cruelle d'aliénation, après tout, se place dans une trajectoire qui contient d'autres films, The wrong man en tête, et les feux d'artifice que sont North by Northwest et Psycho.

Sinon, contrairement aux deux précédents films de la série qu'il a réalisés, celui-ci tend à montrer Hitchcock expérimentant hors des sentiers battus, comme on se dégourdit les jambes...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Alfred Hitchcock presents TV
30 décembre 2024 1 30 /12 /décembre /2024 21:38

Callew, un important homme d'affaires de Floride (Joseph Cotten) a récemment renvoyé un employé, Hubka (Forrest Stanley). Celui-ci le joint au téléphone pour contester son licenciement. La discussion tourne vite à vide entre l'employé qui demande du respect, et l'employeur qui oppose une volonté de fer, sans aucune considération pour la détresse de son interlocuteur.

Le même jour, il a un accident en roulant négligemment en voiture. Il est paralysé, totalement bloqué, mais parfaitement conscient... Pendant qu'il est coincé, des prisonniers évadés autour de lui pillent sa voiture pendant qu'il réalise qu'il n'a aucun moyen de se plaindre, de se faire entendre, et de se sortir de là où il est.

C'est le septième épisode de la série Alfred Hitchcock Présente, et le deuxième réalisé par le maître lui-même. Dès le départ, on sent la patte d'Hitchcock qui oppose à travers les plans disjoints montrant le patron et l'employé renvoyé au téléphone, deux hommes qui ont non seulement un contentieux personnel, mais qui ont aussi une façon radicalement différente de voir les choses... ce que va subir Callew est une façon comme une autre d'ouvrir les yeux, et subissant l'horreur, l'indignité et l'humiliation à son tour.

La voix off sera le principal lien de Callew avec le spectateur, Joseph Cotten passant une bonne moitié du film sans bouger, la tête coincée sur le volant!

Une certaine façon de présenter le monde vu par le conducteur qui ne sait pas qu'il va subir un accident, renvoie à l'univers décalé expérimenté par Marion Crane dans Psycho, où le moindre plan d'un policier devient une trace d'un cauchemar qui prendra tout son sens quelques heures plus tard. On a souvent, Hitchcock le premier, relié ces films de 20 minutes réalisés pour la télévision à ses oeuvres ambitieuses des années 60. C'est une évidence... Il a trouvé dans cette série et ses contributions une façon de redéfinir son style.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Alfred Hitchcock presents TV
30 décembre 2024 1 30 /12 /décembre /2024 21:11

En Californie, un parc pour caravanes comme il en existe des milliers aux Etats-Unis... dans l'une de ces caravanes, un homme (Ralph Meeker) se lève, et alors que son épouse continue à dormir, s'apprête à partir travailler. Ils sont adorables, de vrais tourtereaux, et Madame aimerait beaucoup partager sa grasse matinée, mais le devoir appelle Monsieur...

Elle reste donc seule pendant qu'il se rend à l'usine, et s'apprête à cuisiner un peu... Mais d'abord elle bronze.

Quand Monsieur revient, il a la surprise de découvrir son épouse évanouie, un gâteau en train de brûler dans le four. En état de chocc, la jeune femme a été attaquée par un homme. Le mari prend une décision radicale: il va trouver l'homme et venger son épouse.

C'est le premier épisode de la série Alfred Hitchcock présente. Il ne me semble pas pertinent ici de se poser la question de la motivation de la chaîne qui a commandité cette série, si ce n'est en constatant que le nom du metteur en scène et producteur le plus célèbre de son temps y est particulièrement mis en valeur... Le pari est pour cette série, dont Hitchcock ne fut évidemment pas le seul réalisateur, loin s'en faut, était de traduire pour la télévision l'esprit si particulier de la filmographie du maître, tout en permettant de chercher à capitaliser sur l'impression du oublic le concernant: on a à cette époque une impression du réalisateur comme étant le maître du frisson, du bizarre et du tordu.

C'est aussi et surtout, il l'a suffisamment montré, un maître du sordide quotidien, de la criminalité tellement ordinaire qu'elle concerne votre voisin de palier, et des situations extrêmes qui se développent au foyer... Avec ce premier épisode d'une série appelée à rencontrer un immense succès, il frappe très fort, là où ça fait vraiment mal, et réussit l'impossible, en développant en 25 minutes pour la télévision une histoire adulte de vengeance crapuleuse qui part d'un viol. Un petit film qui s'inscrit en plein dans son oeuvre, et lui permet de travailler avec une actrice qu'il n'allait pas tarder à admirer, Vera Miles, celle dont il aurait bien fait sa deuxième Grace Kelly.

Son premier effort dans la série lui permet de passer d'un extrême à l'autre en situant dans un endroit idyllique, à travers le bonheur doucereux d'un gentil couple, l'irruption de l'horreur et de la criminalité la plus inattendue. Il y montre le mécanisme du soupçon et de l'erreur, du jugement hâtif, et de l'effet de la carpulerie sur les gens faibles, en opposant les gens ordinaires aux policiers. En tant que tel, c'est presque une synthèse de toute son oeuvre.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock TV Alfred Hitchcock presents
29 décembre 2024 7 29 /12 /décembre /2024 09:58

The trouble with Harry, ou... Le problème avec Harry, c'est qu'il encombre yout le monde, mais Hitchcock n'en a cure.

Pour révéler l'étrange humanité des habitants d'un petit coin tranquille du Vermont (Discrètement appelé Highwater, ce qui me fait irrésistiblement penser à une phrase parfois utilisée pour parler d'un cas de force majeure: "come hell or high water". Ce qui associe automatiquement de façon langagière le nom de la ville à une possible alternative à l'enfer...), Hitchcock, inspiré par un roman du même nom de Jack Trevor Story, leur balance dans les jambes un cadavre. Découvert par les uns et les autres, il est bien vite revendiqué par son épouse, la jeune Jennifer Rogers qu'il a abandonnée, et qui lui a donné un coup lorsqu'il lui a rendu visite le jour même; le Capitaine Wiles, un retraité un peu braconnier sur les bords, a quant à lui tiré trois coups de feu, et pense avoir tué Harry; enfin, sa voisine mademoiselle Gravely a vaillamment combattu pour son honneur lorsque Harry déboussolé (Ivre? Sonné par le coup porté par Jennifer?) a tenté de l'emmener dans un buisson... Comme le tire Français, on peut donc s'amuser à poser la question: Mais qui a tué Harry?

Et pourtant, ce film n'a rien d'un whodunit. On assiste surtout à un jeu de chat et de souris entre les braves gens nommés ci-dessus (Aidés par Sam Marlow, un peintre raté qui vit lui aussi sur ces lieux idylliques) d'un côté, et le représentant de la loi, un deputy Sheriff pas très futé, du nom de Calvin Wiggs. Si Hitchcock s'amuse à nous rappeler le crime en nous montrant souvent le corps de Harry, c'est que les gens qui le revendiquent collectivement sont obligés pour une raison ou l'autre de l'enterrer et de le déterrer constamment. Et le corps de Harry, vu le plus souvent par la base, c'est à dire les pieds, devient de plus en plus encombrant au fur et à mesure que la journée passe...

Le film a été boudé par le public, qui attendait un autre genre de frisson, et c'est bien dommage, tant cette histoire de cadavre récalcitrant est séduisante par son humour noir, et la mise en scène en mode mineur de Hitchcock qui s'amuse à nous donner à voir le meurtre sous un autre angle: comme parie intégrante, en fait, de la vie: à la vérité, tous semblent avoir une bonne raison d'avoir tué l'encombrant Harry, qui est parfois plaint, mais du bout des lèvres, par ceux qui doivent s'en débarrasser. Et le fait que les quatre protagonistes s'apprêtent au terme de cette journée à former deux couples leur fait trouver de nouvelles raisons...

Mais on peut se pencher sur ce film qui s'amuse à triturer la morale, et constater que dès le départ, Hitchcock cadre (Pour les deux premiers plans du film) une église, flambant neuve et toute de blanc, qui est probablement le centre du village. On ne la verra plus, car tout ce qu'on verra, même si c'est en mode mineur, est du péché. Et ça va assez loin, car une bonne partie des dix commandements s'en prennent dans la figure: le Capitaine a des vues sur Miss Gravely, et braconne, ce qui fait automatiquement de lui un pécheur, qui convoite les biens d'autrui. Miss Gravely sélectionnant "une tasse pour une main masculine" fait dans la métaphore, et semble s'intéresser au péché de chair. Sam et Jennifer sont au bord de l'adultère, puisqu'elle est veuve (Deux fois!). Le fiston de Jennifer semble vivre sa vie à l'écart des adultes, une section qui est aussi couverte par les dix commandements: Tu honoreras ton père et ta mère! Enfin, le meurtre, ou sa revendication, est bien entendue couvert, sans compter que de tous ces gens, pas un ne semble avoir une pensée émue pour le défunt. Bref, pour le Catholique Hitchcock, qui ne semble d'ailleurs pas s'en plaindre, ce film offre un échantillon particulièrement représentatif de pêcheurs patentés.

Hitchcock nous livre avec ce film aux couleurs automnales magnifiques, situé dans un des plus bucoliques endroits des Etats-Unis, un film profondément noir, mais en bon Britannique, il assène sa soupe au vitriol avec une histoire au charme certain, aux dialogues décalés marqués d'un humour à froid, qui a détourné les spectateurs des salles, ce qui est dommage. En tout cas, ce film noir déguisé en bonbon a fini par atteindre un statut de classique paradoxal, bien mérité à mon humble avis. Et Hitchcock a quand même permis au pauvre Harry d'avoir son mot à dire: en jouant à trois reprises avec une porte qui s'ouvre intempestivement, en nous montrant jusqu'à l'ombre des grands pieds tous raides, il lui autorise à hanter le film... C'est bien le moins.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
28 décembre 2024 6 28 /12 /décembre /2024 17:02

Au milieu des années 50, ce film au style volontiers flamboyant est quand même une sorte de parenthèse... D'une part, Hitchcock sort à peine d'avoir avec génie illustré les turpitudes de l'être humain, dans un cadre qui renvoie constamment au cinéma et au voyeurisme (Rear Window), et s'apprête à revenir à un de ses films favoris de sa période Anglaise (The man who knew too much), en le réactualisant, afin de se replonger dans les affres d'une famille comme vous et moi tout à coup plongée dans le drame. Et puis, avec Grace Kelly, superbe créature doublée d'une remarquable actrice, il a une fois de plus trouvé une muse à la hauteur, après Ingrid Bergman... Elle a déja accompagné le maitre dans un film noir, très noir, Dial M for Murder, et dans Rear Window déja évoqué.

Alors le nouveau film surprend un peu: une histoire d'abord romantique de héros, ancien voleur qui doit faire reconnaitre son innocence dans le cadre d'une enquête sur des vols qui sont parfaitement imités de son style, tout en subissant les avances particulièrement marquées de deux femmes qui se consument manifestement de désir pour lui: une jeune écervelée qui le connait depuis son enfance, et la fille d'une sympathique parvenue Américaine vaguement alcoolique, qui est autant attirée par l'homme que par le danger de fricoter avec l'ancien voleur. Le tout étant situé sur la côte d'Azur, pour laquelle on peut faire confiance à Hitchcock, qui sait tirer toutes les cartes postables possibles et imaginables d'un pays pittoresques...

Film de vacances? Oui, ça tient un peu de ça, le metteur en scène s'étant d'ailleurs amusé à apparaitre dans un autobus à l'intérieur duquel cary Grant s'installe. A la droite du maître impassible, bien sur... Mais si le film profite à fond du coté couleur locale de l'arrière-pays Niçois (Bien plus que l'improbable Cote d'azur de Foolish Wives!), et montre des Américains en villégiature et attablés à des casinos, il montre aussi une fois de plus un innocent en quête de preuves de son innocence, mais aussi un homme en proie à son double, qui fait tout ce qu'il ne fait plus justement. un fantôme de ses désirs de vol. Sans parler de la dangerosité des désirs féminins, dont John Robie, le "Chat" qui reconnait avoir surtout le désir de rester tranquillement à la maison, est la victime, dans un film qui accumule les sous-entendus sexuels, le plus souvent dans la bouche de Grace Kelly ou de Brigitte Auber... 

Mais dans ce film à l'interprétation cosmopolite Franco-Américaine parfois gauche (Il m'est insupportable d'entendre Brigitte Auber parler l'Anglais, par exemple), c'est l'impression de vacances qui domine, mais on était prévenus par un générique sur fond de vitrine d'agence de voyages. Cary Grant a l'air un peu essoufflé, pas convaincu de sa place, et peut-être nous sera-t-il plus convaincant en Roger Thornhill dans North by Northwest, qui se définira d'abord et avant tout par l'action, et la prise de pouvoir physique. Ici, Robie a surtout à coeur de prouver qu'il ne fait plus rien, justement... Quant à Grace Kelly, on sait que sa carrière se termine. Mais si elle est la conductrice dangereuse d'une scène de suspense routier qui relève un peu le film, il est d'une ironie noire de constater que c'est d'un accident de voiture sur ces mêmes routes qu'elle décèdera, 27 ans plus tard.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Cary Grant
22 décembre 2024 7 22 /12 /décembre /2024 22:36

Enfonçons si vous le voulez bien une porte ouverte: Rear window est l'un des joyaux de son réalisateur, un très grand film de l'époque classique d'Hollywood, et ses cinq acteurs principaux sont tous fabuleux, y compris le méconnu Wendell Corey en détective irritable qui va s'investir dans cette enquête bizarre uniquement pour prouver à son copain qu'il a tort, y compris la grande Thelma Ritter en infirmière pittoresque. L'intrigue concerne comme chacun sait un photographe immobilisé par un accident qui est si désoeuvré qu'il n'a pas d'autre ressource d'espionner ses voisins, mais finit par tomber sur ce qui ressemble bien à un meurtre.

Le thême du faux coupable, si cher à Hitchcock, échappe à ce film, qui se concentre à la place sur un grand nombre d'autres aspects, tous aussi fascinants les uns que les autres, et qui ont toujours une résonnance à notre époque de voyeurisme. On pourrait dire sans trop exagérer que L.B Jefferies (James Stewart) est un ancêtre du zappeur, mais la perversité de la situation est troublante.

Un autre aspect qui découle de la multiplicité des appartements à voir par cette "fenêtre de derrière", c'est le fait que tout ce qui s'y passe parle d'amour, et non seulement renvoie à ce curieux couple formé par Jeff et Lisa (Grace Kelly), il commente en plus leur valse hésitation, la souligne, l'illustre ou la parodie...

Jeff utilise d'ailleurs consciemment cette analogie, ce qui pousse Lisa à participer à sa fascination pour ces fenêtres étrangères avant même d'être persuadée comme lui de la tenue d'un meurtre sordide en face de chez eux. Hitchock utilise d'ailleurs toutes ces fenêtres pour pousser le bouchon un peu loin, et le soupçon du sexe hors mariage entre Lisa et Jeff est plus que souligné du début à la fin. Sinon, le crime qui a eu lieu (Tout le monde le sait, s'en doute, on peut le dire sans révéler grand chose) est perpétré par un être humain, qui n'a rien d'un grand criminel, interprété par Raymond Burr, qui en fait un homme peu sûr de lui, manifestement réservé et brutal, timide et dangereux. Le tour de force pour Burr comme pour Hitchcock, c'est de faire cette caractérisation à distance, non seulement de Jeff, mais aussi du spectateur, et du micro: on l'entend très peu. Certaines scènes doivent beaucoup à son regard (Lorsqu'il aperçoit l'alliance de sa femme sur le doigt de Lisa, et qu'il surprend son geste, il jette un regard direct sur la caméra), et paradoxalement la confrontation finale, qui nous permet enfin d'entendre sa voix à la fois inquiète et menaçante, nous laisse voir un homme qui se sait brisé, condamné. Il fait pitié...

C'est que tout ce qui se passe autour de L.B. Jefferies, et de Lisa, semble renvoyer à eux d'une manière ou d'une autre: Hitchcock s'est efforcé de faire de presque chaque voisin soit un commentaire sur ce que sont les deux héros, soit un double de l'un d'entre eux. Burr, dans une de ses premières scènes, est d'ailleurs commenté par James Stewart, qui s'imagine dans la même situation que l'homme marié, et semble assez clairement le plaindre..

Le scénario est très cohérent, qui fait usage de tous les aspects du regard, personnifié par les objets du photographe, les objectifs et les jumelles, dans un jeu de regards et de points de vue remarquables, surtout que Hitchcock, fidèle aux défis les plus fous, ne sort pas ou presque pas de l'appartement...

Enfin, décidément, ce film est un hommage au cinéma, représenté par toutes ces fenêtres, qui renvoient une image muette, de façon perverse, puisque nous n'avons pas le droit de regarder ce qui se passe chez nos voisins, mais HItchcock semble nous dire: Au cinéma, on peut...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock