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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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18 décembre 2024 3 18 /12 /décembre /2024 21:55

Adapté d'une pièce à succès, Dial M for murder est sans doute l'un des films les plus connus d'Hitchcock. A première vue, c'est un film des plus ludiques, prétexte à essayer un système de 3D qui s'avèrera réussi, mais ce n'est pas beaucoup plus. Ce serait pourtant mal connaitre le réalisateur que de s'imaginer qu'il n'y avait pas dans ce film des ingrédients qui permettaient au moraliste Hitchcock de s'essayer à une nouvelle manipulation sur le public. Au-delà du glamour de tourner une adaptation d'une pièce de théâtre avec Ray Milland qui tente de tuer son épouse Grace Kelly, sous les yeux du limier John Williams, on voit le metteur en scène jouer avec le point de vue et évaluer la situation en observateur inconditionnel du péché, de la faute et de la culpabilité...

De la pièce, Hitchcock reprend tel quel l'argument, dans lequel Tony Wendice (Ray Milland), un joueur de tennis retraité qui a épousé une héritière riche (Grace Kelly), commandite son meurtre afin de toucher un héritage qui l'arrange d'autant plus que son épouse fricote avec un auteur Américain de romans policiers à succès (Robert Cummings). L'homme qui est supposé se charger de la besogne (Anthony Dawson) s'appelle Swann, et c'est un ancien condisciple de Wendice, que ses frasques passées fragilisent, le mettant en danger de chantage: c'est la condition qui permet à Wendice de faire pression sur lui pour qu'il accepte. Ce que ni Swann ni Wendice n'avaient prévu, c'est que Margot puisse tuer son attaquant, et non le contraire. Ce qui était encore moins prévu, c'est que malgré toute la préparation dont Tony fait preuve, un simple objet, une clé, ne vienne troubler son échafaudage alors que son épouse va être exécutée pour meurtre...

Le film ne respose pas, comme dans un whodunit, sur une simple recherche du coupable, mais au contraire sur la possibilité ou non que le personnage du meurtrier potentiel, joué par Ray Milland, se fasse pincer ou non. Le public est donc dès le départ dans la confidence, avec deux scènes de dialogues à la suite l'une de l'autre: entre les deux amants d'une part, qui discutent des mérites de mettre Tony au courant de leur liaison passée (et plus ou moins susceptible d'être ravivée), et entre Tony et Swann d'autre part, qui mettent au point le crime tel qu'il doit se dérouler.

Il est intéressant de constater que celui qui aurait pu être le héros d'un film plus classique, Robert Cummings, est laissé à l'écart par Hitchcock, alors que Ray Milland, bien que de toute évidence le criminel du film, reste absolument charmant, mettant au point tous les détails d'un crime dont il lui est facile de se distancier puisqu'il ne l'accomplira pas lui-même. Et Anthony Dawson, qui joue un homme qui a joué de malchance, reçoit ses instructions avec réticence. Tuer, il connait, il a déjà fait, et cela ne semble pas être de gaieté de coeur qu'il s'apprête à le refaire, d'autant qu'on le sait grâce à Hitchcock: Tuer est difficile, ce n'est pas à la portée de tout le monde...

Le metteur en scène, qui prétendait s'être contenté de filmer la pièce, s'est amusé à placer la caméra en seulement en fonction de la 3D (La scène du crime commence par un lent panoramique à 180°, afin de faire sentir l'espace à tout le public). La scène du crime lui-même est un modèle de ce qu'il faut faire avec la 3D, soit toujours moins, jamais plus... Mais Hitchcock place aussi son public en hauteur dans une scène qu'on pourrait imaginer prise directement telle quelle dans la pièce. C'est un plan-séquence, et Milland explique le déroulement de la soirée à Swann, le public est donc en hauteur, comme si les acteurs jouaient dans une fosse. Mais lorsque Margot montre des velléités de sortir, au lieu de rester sur place, permettant au crime de se tenir, nous en viendrions presque à trembler pour Tony! Comme d'habitude, Hitchcock s'amuse avec les frontières du bien et du mal dans ce film dont le héros après tout est un homme qui semble se chercher des excuses pour tuer sa femme! 

Le film est une oeuvre charnière, se situant entre la période Warner, parfois erratique, et la plénitude des années Paramount, pour laquelle il accumulera les chefs d'oeuvre. comme en plus, il tourne ici pour la première fois avec Grace Kelly, il est à l'aise, et le film passe comme une lettre à la poste. Un plaisir... Vénéneux, bien sûr!

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir
18 décembre 2024 3 18 /12 /décembre /2024 21:53

Le catholicisme d'Hitchcock n'a probablement jamais été aussi amer que dans ce film austère et dépouillé, bien différent des oeuvres flamboyantes que le metteur en scène allai tourner à la Paramount dans les années suivantes; mal-aimé en raison de son manque d'humour, mal connu aujourd'hui (Après tout, il n'y a ni Grace Kelly, ni Cary Grant, ni la musique de Bernard Herrmann. Les repères manquent sans doute, le noir et blanc - magnifique - est un autre argument qui hélas joue contre le film!) I confess est pourtant bien plus qu'un intrigant interlude dans lequel le metteur en scène se tirerait une balle dans le pied en montrant sa star en prêtre ayant fait le voeu de chasteté...

Le film commence par une séquence d'une grande rigueur qui montre le metteur en scène en pleine possession de ses moyens: à Québec, au crépuscule, on suit un parcours fléché sous l'intrigante musique chargée en appréhension de Dmitri Tiomkin: des panneaux marqués "Direction" nous indiquent littéralement la marche à suivre... et pointent vers une fenêtre ouverte. La caméra y entre, et nous dévoile un corps à terre. La caméra ressort, et nous voyons une silhouette, celle d'un homme habillé d'une soutane, qui quitte la maison. Le plan suivant montre deux témoins, deux jeunes filles, qui ont aperçu l'homme. Celui-ci se rend ensuite à l'église la plus proche, et demande au prêtre, le Père Logan, de le confesser. Il lui avoue avoir commis un meurtre, celui d'un homme qu'il venait de dévaliser. Puis l'homme s'en va, et le père Logan, empêché par le secret de la confession, ne pourra rien révéler de l'entretien... Le meurtrier, Keller (Otto Hasse), est un Allemand réfugié avec son épouse Alma (Dolly Haas) après la guerre, et il travaille justement au presbytère, où il côtoie justement le père Logan (Montgomery Clift) tous les jours. Celui-ci, on l'apprendra bien vite, connaissait la victime. L'influent Villette avait en effet, quelques années auparavant, été témoin d'une relation entre le jeune homme qui n'était qu'un séminariste, et une femme mariée, la belle Ruth Grandfort (Anne Baxter). Il faisait chanter la jeune femme, et cela donne bien entendu au jeune prêtre un motif de le tuer... car bien sûr Logan ne pouvant absolument pas trahir le secret de la confession est vite le suspect numéro 1.

On le voit, Hitchcock confronte dans ce film sa propre vision de la culpabilité partagée des hommes, avec son propre catholicisme, qui pourtant n'est jamais aussi explicitement représenté dans son cinéma. Une critique assez répandue sur I confess est d'ailleurs qu'il est assez difficile à croire que Clift puisse être un prêtre, et Hitchcock a pour sa part dit que les Américains avaient rejeté le film à cause d'une incompréhension des protestants vis-à-vis du secret de la confession. C'est un peu court, à mon avis, d'autant que le film fait comme d'habitude preuve d'une vraie pédagogie à ce sujet!

Je crois plutôt que le rejet serait plus clairement du aux difficultés du public à accepter l'apparente inaction du personnage principal. Car Logan subit une vraie crise, à tous points de vue: il est trahi par Keller, qui sans jamais directement le dénoncer va tout faire pour que les soupçons se portent sur son confesseur. Il est trahi aussi par ses sentiments qu'il doit combattre, d'autant que Ruth n'est pas décidée à complètement abandonner la compétition pour le coeur du jeune homme! Il est enfin trahi par son implication, même indirecte, dans l'affaire: il ressent une part de culpabilité de savoir sans pouvoir s'en ouvrir, et par ailleurs de ressentir la délivrance grâce la mort de Villette, n'arrange rien: on peut dire que le principal motif pour l'inspecteur Larrue (Karl Malden) de soupçonner Logan est bien sûr le fait qu'on ressent inévitablement son trouble et son sentiment de culpabilité marqués sur son front dès qu'il est en face du policier!

A côté de Logan, le personnage de Keller est véritablement scindé en deux: d'un côté Monsieur, qui se confesse à son ami Logan dans la douleur, puis rentre chez lui et se sent si léger ("Dieu m'a pardonné"!) qu'il avoue le crime à son épouse sans aucun scrupule. De l'autre, Alma, qui va elle aussi, autant que le prêtre, ressentir la culpabilité de son mari, qu'elle ne peut dénoncer, de l'intérieur. Jamais la notion de culpabilité collective, du pêché de l'un dont la faute est partagée par tous, n'aura été aussi évidente chez Hitchcock.

Bien sûr, il y a des défauts, mais le manque d'humour parfois dénoncé ne me semble pas être à proprement parler si embarrassant. Après tout, le sujet ne prête pas forcément à la rigolade non plus. Et contrairement à Topaz, un autre film d'Hitchcock souffrant de cette absence d'humour, l'histoire au moins est passionnante! Et il y a une finesse d'observation chez Hitchcock qui le pousse à user d'un ton léger, notamment dans la description de la vie quotidienne du presbytère. C'est d'ailleurs amusant de constater à quel point les prêtres, dans la fiction, sont les protagonistes les plus à l'aise pour parler du trivial: ici, on débat d'un vélo mal placé, de la couleur des murs, comme si on devait résoudre une affaire de théologie compliquée!

Non, en revanche, Hitchcock a chargé avec une certaine méchanceté le personnage de Ruth, qui n'est pas qu'une oie blanche... Elle est assez ambiguë (Anne Baxter sera-telle toujours un peu Eve Kendall sur les bords?) voire manipulatrice: elle donne parfois l'impression de vouloir utiliser l'affaire et le scandale pour tester son mariage, et éventuellement reconquérir le père Logan. Lors d'un flash-back, elle apparaît comme une femme qui pourrait bien avoir utilisé un moyen de promotion assez classique... Bref, la misogynie légendaire d'Alfred Hitchcock, parfois, est plus qu'une légende. Mais la confusion sentimentale qui entoure les rapports de Logan et de Ruth reste un des aspects forts du film, car elle nous donne à voir la tempête sous le crâne du père Logan, et si jamais le jeune homme n'évoque explicitement le moindre doute quant à sa foi,on sait que ce lien avec une femme est sans doute son principal risque. Le chemin de croix (Rendu évident par une célèbre séquence) n'en sera que plus douloureux... Et qui mieux que Montgomery Clift pour incarner la douleur?

Et il ya un final d'une forme inattendue, fait de ruptures, de passage d'un procès à une scène de foule, d'un crime inattendu à un suspense lié à la présence du héros face à un homme qui risque de le tuer, de sacrifice et de vérité qui éclate en éclaboussant un peu plus les braves gens qui étaient prêts à montrer le héros du doigt. ...Et Logan trouvera le moyen de laisser la vérité se faire connaître sans trahir la loi de la confession, ce qui confirmera une bonne fois pour toute la pertinence de sa vocation.

Film sans doute mineur au regard de l'oeuvre exceptionnelle, I confess, avec la présence dans son titre de la première personne du singulier, est bien plus qu'une simple halte: il possède de nombreux aspects intrigants, en plus d'une élégance visuelle, due largement à l'utilisation impeccable du noir et blanc de Robert Burks. Ce sera, avant The wrong man et Psycho, l'antépénultième film du metteur en scène à ne pas bénéficier de couleurs, mais c'est tellement approprié pour cette sombre quête intérieure, entre une hypothétique mais significative libération par l'amour, et un doute qui gangrène la vocation, le tout sous la tension apportée par la culpabilité fondamentale de l'homme. Encore, toujours le péché originel...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir
18 décembre 2024 3 18 /12 /décembre /2024 21:53

Criss-cross...

Guy rencontre Bruno, Bruno rencontre Guy. Dommage pour Guy, qui s'en serait bien passé, d'autant que Bruno est TRES renseigné sur lui: le jeune tennisman en vue est de notoriété publique marié à une abominable garce, et amoureux d'une adorable jeune femme. L'idée soumise par Bruno à Guy, dans la quiétude d'un compartiment de train, c'est que chacun d'entre eux tue pour l'autre, rendant toute enquête difficile, puisque chaque meurtre aurait été accompli avec un alibi et sans mobile. A Bruno de tuer l'encombrante Miriam, à Guy de supprimer le père jugé abusif par l'excessif Bruno.

Sauf que... Guy, lui, n'a jamais pris ça au sérieux. Tant pis; confronté à un Bruno qui lui tend fièrement la paire cassée des lunettes de feu son épouse, Guy réalise dans quelle panade cette petite rencontre entre étrangers dans un train l'a mis.

Apès quelques années d'égarements (The Paradine case, 1947, pour Selznick, puis Rope, 1948, et Under capricorn, 1949 pour son propre compte) et l'arrivée à la Warner pour un contrat en bonne et due forme qui avait commencé par un petit exercice de style (Stage fright, 1950), cette adaptation de Patricia Highsmith totalement appropriée par un Hitchcock en grande forme est le retour de l'observateur moral, et des questions essentielles liées à la thématique du crime en particulier et du péché en général: le film tente de répondre entre autres à la question suivante: la culpabilité est-elle contagieuse?

Il se pose aussi un certain nombre de questions sur la responsabilité, sur le degré de tolérance du crime chez les gens qu'on aime: par exemple, la jolie Anne Morton, en voyant son petit ami pour lui annoncer la mort de sa femme, est particulièrement empressée. Est-elle caline parce qu'elle ne sait pas encore comment il va réagir à la nouvelle de l'assassinat, ou parce qu'elle se dit qu'il y a des chances qu'il l'ait lui-même commis afin de se rendre disponible pour elle? Un soupçon qui ne sera pas étayé plus avant... ni démenti fermement.

Le film est d'une rigueur et d'une noirceur rare même chez Hitchcock; la présence d'un exceptionnel méchant (Robert Walker) et d'une mère exceptionnellement foldingue permet à Hitchcock des traits d'humour rares, tout en mettant en scène un intéressant "couple", Guy et Bruno, deux hommes que tout devrait éloigner, mais qu'un voyage en train aura fortuitement fait se rencontrer. Il les rapproche, puis les fond aussi souvent l'un en l'autre. Il joue sur la dualité, les doubles, les figure associées, mais insiste aussi sur les sentiments peu orthodoxes de Bruno (L'un de ses phrases les plus prononcées reste "I like you, Guy".); du reste, si on ne peut que s'en plaindre, on sait la tendance homophobe du catholique Hitchcock, rapide à associer homosexualité et péché... Son Bruno appartient en effet à cette tendance du réalisateur. Il s'amuse aussi beaucoup à opposer une famille "normale", par ailleurs couvée par un homme mesuré, politicien, et évidemment incarné par Leo G. Carroll, et une famille dysfonctionnelle dans laquelle le père est étouffé, le fils dangereux, et la mère, disons, "différente", jusqu'à la caricature. Le portrait de cette dernière reste comique, mais de penser que Bruno est son fils, ça ouvre des perspectives. Il y en aura d'autres, plus ou moins monstrueuses, plus ou moins caricaturales, dans d'autres films.

Noyé dans les ombres des grilles qui lui dessinent les barreaux d'une cellule ou l'ombre d'une inquiétante barbe sur le visage, Guy découvre sans rien avoir fait le goût de la culpabilité à cause d'un autre, et doit se débattre pour exister face à un homme qui contrairement à lui, aura tout fait ou presque avant de mourir. et soyez-en assurés, Bruno mourra jeune, au terme d'un jeu de massacre qui reste l'un des très grands films d'Alfred Hitchcock, excusez du peu...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
18 décembre 2024 3 18 /12 /décembre /2024 21:52

L'image doit-elle dire la vérité? Problème apparemment pas grave, mais qui est posé au coeur de ce film, dont nous dirons tout de suite qu'il est décevant. D'autant plus qu'Hitchcock revenait, après dix années aux Etats-Unis, en Angleterre pour y tourner un film en compagnie d'acteurs Anglais, un film dans lequel il ne s'est absolument pas empêché d'injecter des petites touches personnelles, comme ces scènes dans des pubs par exemple. Mais le film n'a pas été fait qu'avec des anglais, et c'est l'un des problèmes...

Jane Wyman est Londonienne dans ce film, paraît-il... On ne va pas s'étendre là-dessus, mais son personnage, Eve, est aspirante actrice, et se retrouve dans une situation inattendue: elle aime un homme, qui est l'amant d'une actrice célèbre, Charlotte Inwood. Et cet homme, Jonathan (Richard Todd), lui affirme qu'il a tenté de couvrir le meurtre par Charlotte de son mari, mais que le piège s'est refermé sur lui, parce qu'il est en fait soupçonné lui-même du meurtre. Avec l'aide de son père, un grand excentrique (Alastair Sim), Eve mène l'enquête... Et ne tarde pas à rencontrer l'inspecteur chargé de l'affaire, le séduisant Wilfred Smith (Michael Wilding)...

La réalisation d'Hitchcock est très efficace, et le film possède quelques jolis moments, dont une garden-party qui dégénère, mélange d'humour et de suspense, avec quelques jolis numéros d'acteurs. Et le metteur en scène se fait plaisir en situant une intrigue criminelle dans le cadre du théâtre, ce qui évidemment va donner lieu à une utilisation d'une salle de théâtre lors d'un final qui fonctionne bien. Mais... Le principal problème c'est que le film commence par un flash-back dont les images mentent: ces scènes qui sont racontées par Jonathan à Eve ne sont en réalité jamais arrivées. Et on touche à un autre problème: Hitchcock était à l'aise, on le sait, avec les "Faux coupables"; ici, Jonathan ne tient pas la route. Et pour cause...

On s'ennuie souvent, pour tout dire, même si il y a des jolis moments: une splendide scène de Dietrich (Presque excellente du début à la fin) qui assume tranquillement d'avoir inspiré un crime... dans un monologue froid mais définitif. Une scène de révélation de la folie criminelle, vue uniquement à travers les yeux de Jane Wyman, dont le reste du visage est dans la pénombre. Et bien sûr la fameuse scène de "la poupée", qui nous rappelle de quelle façon Hitchcock maîtrise le signe cinématographique! Mais à côté de ça, il faut supporter les scènes de cabotinage de Sim, qui s'écoute déclamer en permanence, et bien sûr, il faut subir la voix insupportable d'une actrice de génie qui chante mal, mais alors très mal.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
25 octobre 2024 5 25 /10 /octobre /2024 21:01

C'est tout de suite après Rope, qui n'avait pas eu un grand succès, que Hitchcock a mis ce film en chantier. Ca peut paraître insensé, mais en 1949, le metteur en scène n'était pas encore statufié comme il l'est aujourd'hui comme le maître du thriller, et il avait déjà à son actif deux films "en costumes", comme on dit, l'un tourné en 1933 (Waltzes from Vienna), l'autre en 1939 (Jamaica Inn). Du coup Under Capricorn est partagé, entre ses détracteurs qui veulent en faire un gros caprice du metteur en scène probablement mal avisé, et des zélateurs qui louent le romantisme échevelé du film, sa splendide utilisation des couleurs grâce à l'intervention décisive du grand Jack Cardiff, et les retrouvailles d'Hitch avec Joseph Cotten et Ingrid Bergman. La vérité est bien sur quelque part entre les deux, et on notera que le film reprend, partiellement, le style de découpage de Rope, ou plutôt de non-découpage, et qu'il sera tout autant un flop que ce même film...

L'Irlandais Charles Adare (Michael Wilding) débarque à Sidney, en compagnie de son cousin qui vient d'y être nommé gouverneur des Nouvelles Galles du Sud. Il entend bien faire fortune, et repère assez vite un homme qu'on lui présente comme un modèle de réussite, Sam Flusky (Joseph Cotten) les deux hommes deviennent amis et Charles séjourne chez lui afin de se familiariser avec l'Australie. Il apprendra que Flusky a, comme beaucoup d'Australiens, été un bagnard, puisqu'il a purgé sept ans pour meurtre, et fera la connaissance de Henrietta Flusky: contrairement à Sam, lady Henrietta est noble, et Charles va très vite s'attacher à elle; il va surtout tenter de la guérir de son alcoolisme, et lui donner envie de reprendre la vie sociale qu'elle a abandonné...

Hitchcock réutilise donc beaucoup ces plans-séquences très dynamiques avec lesquels il avait expérimentés dans Rope, sans les rendre systématiques cette fois. Son idée est probablement de donner une vie, et une tension à cette intrusion de Charles Adare dans un monde qu'il ne connait pas. Beaucoup de scènes du film, en effet, sont tournées selon son point de vue, et le jeune intrigant aborde finalement tout, et en particulier la vie sociale, du point de vue d'un noble habitué des coutumes et des manières Anglaises. Il était fatal qu'à un moment ou un autre il n'entre en conflit avec les manières de son hôte, qui au moment de son mariage avec celle qui était Lady Henrietta, était quant à lui un modeste palefrenier... Et c'est précisément le sens de ce film finalement très démocratique, qui tend à démontrer que la véritable noblesse de Sam et Hattie, tient dans leur amour et les sacrifices que l'un et l'autre ont enduré. En bon Londonien, natif des quartiers populaires, Hitchcock avait une leçon à donner, le fait qu'elle l'ait été dans un film romantique en costumes me semble assez cocasse...

Sinon, ce que reprochent les amateurs de l'ouvre d'Hitchcock à ce film tient en un malentendu: ce n'est pas un film d'Hitchcock, pour eux. D'ailleurs Hitchcock lui-même a eu tendance parfois à leur emboîter le pas... Mais ils font, à mon sens, fausse route. Si le film reste un poids léger en raison de ces plans-séquences dont je maintiens qu'ils alourdissent le film sans lui apporter grand-chose, et parce que Michael Wilding n'est pas le meilleur choix, Under Capricorn parle comme on l'a vu de classes sociales et d'évolution vers l'égalité, mais aussi d'amour fou, celui qui amène parfois à tuer (Il y en a plusieurs dans le film, mais je vous laisse découvrir l'intrigue). Under Capricorn est aussi un film, un de plus, qui évalue le poids des conventions et des préjugés face à la notion de culpabilité, mais aussi de partage de la responsabilité du crime.

Bref, des thèmes hautement Hitchcockiens, rassemblés dans un film qui tente une expérience inédite, celle du gothique Australien...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
23 octobre 2024 3 23 /10 /octobre /2024 21:16

Le film est adapté d'une pièce de 1929, écrite par Patrick Hamilton. L'adaptation a été co-signée par Hume Cronyn, ce qui ne nous étonnera pas trop: Cronyn est un ami très proche de Hitchcock, qui souhaite effectuer son premier film indépendant en famille, en quelque sorte. Il signe aussi son premier film en couleurs, ce qui ne va pas l'empêcher d'être très à l'aise avec sa nouvelle palette. Non, décidément, avec Rope le problème est ailleurs...

Rappelons que l'intrigue concerne une soirée, sensée se dérouler en temps réel ou presque. Deux jeunes hommes, Brandon (John Dall) et Philip (Farley Granger) ont mis un plan fou à exécution: ils ont étranglé leur ami David, parce que Brandon le prend pour un faible, et ils invitent des gens à une soirée, dont les parents de la victime, et Rupert Cadell (James Stewart), un ancien professeur, qui a souvent professé des théories Nietszchéennes un peu à tort et à travers. Durant la soirée, Cadell observe Philip devenir de plus en plus nerveux, et va aussi trouver des indices sur la présence de David, l'absent dot tout le monde parle... Il en vient à soupçonner très clairement les deux amis d'avoir commis le meurtre.

Le propos est tout de suite aussi clair que possible, puisque dès le deuxième plan, on assiste à un meurtre un peu gratuit: en gros, pour Brandon qui est le principal instigateur, tuer David revient à prouver qu'on peut le faire, et inviter des amis dans la foulée, c'est se rendre maître de la situation en assumant une bravade propre à situer le meurtrier au-dessus de la mêlée. Mais l'invitation de Cadell permet d'une part à Brandon et Philip de faire face à quelqu'un qui va convenablement les juger, elle permet aussi à Cadell de mesurer à quel point ses provocations répétées (Il adore choquer en prônant le meurtre comme sélection sociale) ne tiennent pas face à l'épreuve des faits. Le film conte, d'une certaine façon, le réveil d'un humain face à l'ignoble réalité du mal... A ce titre, Hitchcock choisit de passer expertement d'un point de vue à l'autre: Brandon, Philip et Cadell... Le film est un triangle entre les trois, même si une intrigue secondaire, qui fait un peu plus passer Brandon pour un monstre, nous conte comment ce dernier invite la petite amie de sa victime en compagnie d'un autre garçon, dans le but de les rapprocher maintenant que la voie est libre... Cela a au moins le mérite de faire partir tout le monde plus tôt, car décidément, seul les trois personnages qui vont rester dans la confrontation sont vraiment importants.

Et bien sur, il faut aborder les sujets qui fâchent: Brandon et Philip vivent ensemble, et il semble que toutes et tous soient au courant. La première scène, celle qui les voit étrangler David (avec difficulté, bien sur, comme souvent chez Hitchcock qui ne nous a jamais caché que même s'il est tentant de faire le mal, le meurtre n'est en rien une chose physiquement facile), se termine par une conversation qu'il n'est pas difficile de prendre pour ce que les Anglophones appellent le pillow talk, les conversations sur l'oreiller: Philip essoufflé reprenant ses esprits (Ce que d'ailleurs il ne parviendra pas à faire), Brandon rassasié, assumant parfaitement ce qu'ils viennent de faire, et se payant le luxe d'allumer une cigarette dont il tire une longue bouffée... Plus tard, il apparaît que Brandon a invité Cadell précisément pour impressionner ce dernier... Hitchcock, toute sa vie durant, a confondu le crime et l'homosexualité, et les a liés, notamment dans certains personnages (Leonard dans North by Northwest, Bruno dans Strangers on a train, la liste serait longue), toujours intimement liés au crime. Cete profonde assimilation de l'homosexualité et du mal est hélas indissociable de son oeuvre...

Mais ce n'est pas le seul motif de fâcherie de ce film. S'il réussit à créer un suspense avec des moyens proprement cinématographiques, s'il tire de son nouveau jouet, la couleur, des effets convaincants (Il l'utilise en particulier pour faire passer le temps de manière convaincante, une nécessité pour un film en temps réel tourné en studio), en revanche, Hitchcock sacrifie beaucoup à une lubie: il a désiré tourner le film en plans-séquences... Oubliez la légende qui nous rabâche que le film est en fait un seul plan, c'est doublement faux: d'une part, le magasin de pellicule utilisé à l'époque ne peut contenir que minutes de négatif; donc des raccords bien pensés mais parfois embarrassants (La caméra plonge soudain sur un vêtement sombre pour obtenir une fraction de seconde de noir permettant un imperceptible changement de bobine, mais le mouvement de caméra ne peut en aucun cas se justifier pour quelque autre raison que ce soit) permettent de prolonger certains plans, mais à quatre reprises, Hitchcock coupe, pour de frai, et ces passages sont souvent parmi les plus convaincants. De la part de quelqu'un qui a souhaité prouver la supériorité du cinéma sur le théâtre filmé, cette idée était de toute façon purement et simplement idiote. Propice à faire parfois monter la tension, mais aussi à apporter tellement de problèmes à résoudre que le dispositif, ne s'imposait absolument pas. Plus grave, le dispositif vient parfois se substituer à toute possibilité de mise en scène, et pour un génie comme Hitchcock, c'est impardonnable...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
22 octobre 2024 2 22 /10 /octobre /2024 14:20

Un producteur installé, au carnet d'adresses impressionnant, un réalisateur aguerri, au talent phénoménal, une intrigue noire et passionnelle qui passe par amours contrariées, jalousie, rivalité, obsession sexuelle, un décor qui profite de l'atmosphère (recréée bien sur) du Londres d'après-guerre, et des stars à la pelle. Bref, impossible que ça aille mal, n'est-ce pas? Eh bien si: ce film est catastrophiquement ennuyeux, vide, et se traîne durant deux heures. 

Un avocat Londonien (Gregory Peck) reçoit une mission prestigieuse: celle de sauver la tête d'une femme d'origine étrangère (Alida Valli) qui est accusée du meurtre de son mari, riche et aveugle... Aveugle oui, mais pas autant que l'avocat: il va tomber rapidement amoureux de sa cliente, mais aussi va être la victime d'un juge (Charles Laughton) irascible, et qui se serait bien gardé l'épouse de l'avocat (Ann Todd) pour son dessert...

The Paradine Case devient du même coup, non seulement la chronique d'une affaire de justice qui va empoisonner la vie d'un avocat, au point de le mettre en porte-à-faux non seulement avec ses principes mais aussi avec son épouse, c'est aussi un sujet pourtant assez Hitchcockien en soi: le récit d'un couple en déconfiture progressive...

Pour bien comprendre le désastre et sa raison d'être, rappelons donc la différence entre producteur et réalisateur. L'un est souvent l'employeur de l'autre, mais pas que: cessez de confondre, pour commencer, et comme on le fait toujours en France où le grand public ne comprendra jamais cette question, producteur et financier: le producteur a bien une main sur la partie artistique d'un film, mais ce travail consiste à rendre un tournage possible, l'aider, conseiller un réalisateur, et prendre des décisions et mesures logistiques. Ce qui explique qu'un Ford, ou un Wellman, pouvait tout bonnement les envoyer se faire voir (Et l'un et l'autre avait des termes très clairs dans ces circonstances)... Mais ce qui explique aussi que dans un système comme celui des studios, un producteur comme Irving Thalberg (à la MGM) ou Joseph Kennedy (producteur indépendant occasionnel, et père de) avait plus de pouvoir qu'un réalisateur aussi dictatorial qu'il puisse être, et l'exemple auquel je pense, en citant les deux producteurs plus haut, est bien sur Erich Von Stroheim retiré du tournage de The merry-go-round en 1923, ou de celui de Queen Kelly en 1929!

Revenons donc à notre producteur et notre metteur en scène: c'est à ce dernier qu'incombent les plus importantes décisions artistiques. En d'autres termes, et le mot Anglais est clair à ce sujet: il dirige. Il instruit ses acteurs et techniciens, il oriente la production et il a la main sur tout, y compris la musique et le montage. Sauf que dans un bunker, pour reprendre l'analogie du musicien Andy Partridge, il ne peut y avoir qu'un seul Hitler! et c'est exactement le problème de ce film.

D'une part, le script rédigé par le producteur Selznick lui-même a été comme toujours révisé par son auteur, de jour en jour durant le tournage, sans trop de possibilités de se retourner. Ensuite, Hitchcock cherchait avec ce film à clore son contrat avec Selznick, justement, ce qui ne le poussait sans doute pas trop au conflit chronophage. Il l'a probablement beaucoup laissé faire. Mais le script de Selznick avait un problème: toutes ces stars (Peck, laughton, Valli, Ethel Barrymore, Charles Coburn, Louis Jourdan), il fallait les placer, les ménager, les choyer. Bref, le film est déséquilibré, et certains de ces acteurs souffrent d'ailleurs: Ann Todd est certainement la première des victimes du film! Et Selznick a pris le contrôle du film, et l'a recoupé: Hitchcock cherchait déjà à travailler en plans-séquences, ce que détestait Selznick, et il a saboté le montage pour couper les plans en permanence... et ça se voit. Bref, avec ce film Hitchcock achetait sa liberté.

Mais à quel prix...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
29 septembre 2024 7 29 /09 /septembre /2024 15:50

Notorious est le 9e film Américain d'Hitchcock, et l'avant-dernier produit  durant la période de son contrat avec Selznick. Non que ce soit un film Selznick, puisque comme chacun sait le metteur en scène n'aura tourné que trois films sous la houlette de son "patron," mais celui-ci a passé son temps à "louer" les services de son poulain à d'autres, résultant le plus souvent en des productions de prestige pour d'autres studios: la Fox (Lifeboat), Universal (Saboteur, Shadow of a doubt) ou RKO (Suspicion, Mr & Mrs Smith). C'est avec certains de ces films, en particulier Suspicion ou surtout Shadow of a doubt, qu'Hitchcock a sans doute le plus pris ses marques, et préparé le terrain pour ses productions futures, et bien entendu produit certaines de ses oeuvres les plus personnelles des années 40. Notorious en fait donc partie, et c'est en effet un film très important...

Prévu pour être une production Selznick, le bébé a été refourgué à la RKO par le producteur, avec son metteur en scène. Si ensuite David Selznick, qui ne savait pas ce qu'il voulait, tâchera d'influer en faisant remplacer l'acteur principal par Joseph Cotten, on ne peut que se réjouir que Hitchcock et Grant aient tenu bon... C'est donc la deuxième collaboration des deux hommes, et après le playboy soupçonné d'intentions criminelles de Suspicion, c'est à nouveau un Grant différent des habitudes qui se présente à nous. Face à lui, une Ingrid Bergman en grande forme, et le duo est de fait explosif, inspirant Hitchcock de façon décisive. Pour terminer ce tour d'horizon rapide, on se réjouira de trouver sous la marque éminemment Hitchcockienne du criminel sympathique, Claude Rains qui est à la hauteur, contrebalancé par un chef des services secrets Américains joué par Louis Calhern, trop poli pour être honnête.

Tout en surfant sur la vogue des films d'effort de guerre (Qui rappelons-le venait juste de se terminer), Notorious est à la fois un film d'espionnage élégant, et un drame sentimental d'un genre nouveau, profondément adulte, et dont le principal combat se situe au niveau de la morale et du devoir...

Notorious, un adjectif qui a un double sens: d'une part, notion de célébrité, mais d'autre part cette célébrité n'est pas liée à une notion d'oeuvre, d'accomplissement; il en ressort que le terme a des connotations péjoratives très marquées. De fait, à Miami, Alicia Hubermann (Bergman) est la fille, constamment surveillée par la presse, d'un homme d'origine Allemande, qui vient d'être jugé coupable de trahison et envoyé en prison: il complotait avec des Nazis... Elle noie son mal-être dans l'alcool et les plaisirs, et fait la rencontre d'un mystérieux inconnu, dont elle tombe instantanément amoureuse, Devlin (Cary Grant). celui-ci est un espion Américain, dont le travail est de recruter Alicia... et de l'envoyer séduire Alex Sebastian (Claude Rains), un riche ami de son père qui pourrait bien être au centre du complot, et qui a toujours eu un faible pour la jeune femme. Avec réticence, voire dégout, Devlin exécute les ordres, malgré le fait que les deux héros vivent désormais ensemble, et la descente aux enfers dAlicia commence, supervisée par un Devlin de plus en plus amer au fur et à mesure que le film se déroule...

A cette intrigue mi-sentimentale, mi-policière, le metteur en scène ajoute des discussions entre les espions, dirigés par Louis Calhern, au cours desquelles les Américains révèlent de façon parfaitement odieuse tous leurs préjugés vis-à-vis d'Alicia qu'ils prennent pour une trainée. Devlin ne cache pas son dégout à la fois pour ses supérieurs, mais aussi pour Alicia, qu'il n'a pas suffisamment protégée contre la tâche dégradante qui lui est confiée. Mais derrière cette notion de devoir, le devoir de Devlin de demander à la femme qu'il aime de coucher avec un Nazi (!), ou le devoir de cette même femme de fermer les yeux et de penser à l'Amérique,se cache également l'insurmontable peur de s'engager directement pour Devlin, qui avant les dix dernières minutes n'a jamais avoué ses sentiments à Alicia... Est-ce par morale, parce qu'il désapprouve sa conduite passée, ou la croit incapable de changer, est-ce parce qu'il la croit aussi peu digne qu'une prostituée, etc.. La question est souvent posée, sans réponse, par Alicia, et les échanges entre les deux amants deviennent de plus en plus noirs au fur et à mesure que le film avance... L'amour, ce n'est pas toujours un bouquet de violettes. Ici, en particulier, mélangé avec le devoir, ça devient quelque chose de bien différent d'une partie de plaisir.

A ces deux personnages, et aux cyniques Américains, on notera qu'Hitchcock ajoute des Nazis, qui pour certains d'entre eux (Anderson, joué par Reinhold Schünzel, ou Sebastian-Claude Rains) sont aimables, gentils et prévenants: comment ne pas contraster les manières d'homme du monde de Sebastian, avec le geste de Devlin qui donne un coup de pied brutal sur le cheval d'Alicia pour provoquer la rencontre entre celle-ci et sa cible? Il compte, tout  simplement sur un geste chevaleresque de l'Allemand... Le visage acceptable voire séduisant du mal, c'est l'un des thèmes d'Hitchcock, qui nous avait déja montré, dans sa galerie de portraits, Paul Lukas dans The lady vanishes, par exemple, ou l'oncle Charlie de Joseph Cotten dans Shadow of a doubt... Ici, il accompagne son "méchant" d'une mère plus difficile, qui est par certains cotés sa mauvaise conscience, jouée par Madame Konstantin, elle est l'une des premières mères monstrueuses de l'oeuvre. Il y en aura d'autres...

Enfin, Hitchcock ne se contente pas de filmer les ébats (Bergman et Grant réussissent à donner l'impression d'une intimité très forte, qui a du faire exploser les petites lunettes de plus d'un censeur aux Etats-Unis), il montrent aussi les espions à l'oeuvre, grâce à l'intrusion d'un "McGuffin" intéressant (Du minerai d'uranium, caché dans des bouteilles millésimées), d'un objet essentiel (La clé de la cave, gardée jamousement par Claude Rains, mais subtilisée au péril de sa vie par Ingrid Bergman, Alicia devenue entretemps Mrs Sebastian), d'une occasion en or (Une réception à la maison Sebastian, au cours de laquelle Devlin a été invité, et durant laquelle Sebastian ne lâche pas son épouse d'une semelle), et de deux erreurs qui conduiront fatalement Sebastian à soupçonner son épouse (une bouteille cassée dans la cave, et la clé manquante après la soirée). Ajoutez à cela un baiser comme seul prétexte rationnel de la présence de Grant et Bergman dans la cave, et un travelling avant qui rappelle celui, fameux, de Young and innocent, et on aura une séquence d'anthologie... Mais la fin, qui voit Grant intervenir directement dans la maison Sebastian pour sauver Alicia affaiblie par des doses quotidiennes de poison, est aussi un haut moment de suspense.

Voilà, nous tenons avec Notorious un film d'une grande classe, dans lequel Hitchcock a réussi à résoudre à sa façon le problème de la quadratire du cercle: il propose un élégant drame sentimental, matiné d'une intrigue d'espionnage superbement mise en scène, le tout baigné de réflexions fondamentales sur l'engagement, aussi bien idéologique que sentimental, le devoir, et les préjugés amoueux face aux apparences. Après ce film, un de ses grands classiques, il ne lui restera plus qu'à tourner vite fait (mal fait) un dernier film-pensum pour son mentor Selznick, et il sera prêt à voler de ses propres ailes...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Cary Grant
18 septembre 2024 3 18 /09 /septembre /2024 17:16

Hitchcock ne souhaitait pas forcément adapter le roman que Selznick lui avait confié: ce film est donc une commande, la deuxième de son contrat en bonne et due forme pour le producteur indépendant, après Rebecca (1940) et avant The Paradine case (1946). Le film traite d'abord et avant tout de psychanalyse, mais sous le versant criminel, ce qui était clairement au goût du jour dans les années 40: Lang (Secret beyond the door) y a sacrifié, et Van Dyke aussi (Rage in heaven)...

L'histoire est bien connue, qui nous emmène dans une institution psychiatrique dont le directeur va être remplacé; le personnel attend le nouveau directeur, en affichant son soutien au partant, le Dr Murchison (Le fidèle Leo G. Carroll). Lorsqu'il arrive, le jeune et séduisant Dr Anthony Edwardes (Gregory Peck) intrigue: sympathique mais il n'a pas l'étoffe d'un directeur d'institution hospitalière... et il a des phobies étranges... Il a aussi tapé dans l'oeil de Constance Petersen (Ingrid Bergman), la pourtant trop raisonnable psychanalyste, dont le flirt n'est pas l'occupation la plus courante. Alors lorsque Edwardes lui révèle qu'il n'est pas ce qu'il a prétendu être, mais un amnésique, et qu'il se croit le meurtrier du vrai Dr Edwardes, elle mobilise toute son énergie et son savoir-faire pour lui faire retrouver la mémoire, et l'innocenter.

La psychanalyse, ici, c'est le terrain de jeux du script de Ben Hecht, au même titre que ces pays visités par les héros de To catch a thief (Cartes postales de la Cote d'azur), Foreign Correspondent (Moulins et parapluies Hollandais) ou North By Northwest (Son train mythique, sa gare monumentale, son Mont Rushmore). on aura donc droit à un certain nombre de passages obligés, ainsi que de jolies images, commandées à Salvador Dali pour l'énoncé d'un rêve (Même si il y aurait eu fâcherie, soit entre le peintre et Hitchcock, soit avec Selznick), ou encore de bien belles métaphores (Lors de la scène du baiser entre le frêle médecin et la jolie psychanaliste, on voit en surimpression un couloir barré de cinq portes, qui toutes s'ouvrent gracieusement les unes après les autres). C'est parfois irritant, du reste, de devoir avaler un tel concentré de psychanalyse. Mais Hitchcock réussit malgré tout à maintenir l'intérêt, en offrant une cavale sympathique entre les deux héros, qui va les pousser à partager une intimité qui va au-delà de la simple camaraderie (Certaines conversations font d'ailleurs assez clairement allusion à cette intimité, de façon pas si détournée: ainsi, lorsqu'il est question de partager une chambre); il sait bien sûr baliser son histoire de moments intéressants, de la découverte d'un secret enfoui (Traité presque par-dessus la jambe par le dialogue, mais accompagné d'images impressionnantes lors d'une brève séquence) et réussit à faire jouer son humour, en particulier grâce à un personnage assez truculent de vieux psychanalyste auquel on ne la fait pas. La beauté des images de George Barnes se combine avec la science du cadre du metteur en scène pour des images définitives.

Si on a l'impression d'un Hitchcock mineur, c'est sans doute que cette histoire ne lui convenait que partiellement, ce qu'il a toujours dit. Il n'était pas à l'aise avec Peck, et trouvait probablement la dose de psychanalyse trop lourde. mais de toute évidence, il a apprécié de travailer avec Ingrid Bergman, qu'il s'est empressé d'engager pour son projet suivant, un film nettement plus personnel celui-ci... Mais déjà, en héroïne corsetée, immobilisée par le poids de son savoir et sa rigueur scientifique, et qui se découvre tout à coup l'envie de se laisser aller aux sentiments, l'actrice est plus que convaincante.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
11 septembre 2024 3 11 /09 /septembre /2024 18:17

Des comédiens français installés à Londres s'apprêtent à monter sur scène, pour donner une pièce de propagande anti-nazie. L'un d'entre eux hésite encore sur la façon dont il doit jouer son personnage. Un de ses camarades, ancien avocat à Madagascar dans sa vie d'avant, lui conte une anecdote impliquant un vrai beau salaud de collaborateur, pour lui donner l'inspiration...

Après Bon Voyage, qui s'intéressait au périple d'un soldat Ecossais naïf qui tombait sans sans rendre compte dans les griffes d'un membre des forces pétainistes, ce deuxième moyen métrage réalisé en Français par Hitchcock est une histoire plus embrouillée, qui raconte les faits et gestes d'un avocat qui sous couvert de collaboration, participe activement à des missions de sabotage pour contrer la politique vichyste du gouverneur de Madagascar.

C'est plus long, et assez embrouillé, pour être honnête. Le metteur en scène n'y trouve pas, contrairement à son autre film court, des scènes qui vont vraiment l'intéresser, et... ça se voit. Il est vrai qu'on génère du suspense en poussant le spectateur à s'identifier à des personnages en danger, alors qu'ici la narration est entre les mains d'un je-sais-tout particulièrement imbu de lui-même...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock