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15 juillet 2024 1 15 /07 /juillet /2024 22:35

Voilà un exemple de ce qui se passe quand un metteur en scène, qui vient de faire l'expérience d'une liberté absolue avec Rich and strange, et qui a du mal à s'en remettre, se voit confier un film à faire, qu'il ne veut pas faire. D'une part, il le fait quand même, et se l'approprie... Je vois dans ce film de nombreuses envies de continuer son bricolage délirant de Rich and strange, et pour commencer, le film est adapté d'une pièce, et conserve pour ses premières quarante minutes (Soit les deux premiers tiers, le film est très court) la notion d'unité de lieu.

C'est un film policier: des gens se retrouvent le soir dans une maison abandonnée, tous avec des raisons plus ou moins claires... il y a un cadavre qui n'en est pas vraiment un, une jeune femme effrayée, un clochard pittoresque, et des malfrats plus ou moins distingués... Maintenant, comme dans toute maison vermoulue qui se respecte, les coups de théâtre s'accumulent plus ou moins gratuitement, mais ça fait bien longtemps que j'ai décidé d'accepter ne rien comprendre au film, qui est très confus et tout à fait illogique. Et Hitchcock n'en disait pas autre chose...

D'ailleurs, ça commence par un acte de quasi-rébellion, avec la vision de la maison, la nuit, depuis la rue. Un homme qui est venu là par hasard, s'avise qu'il s'y passe quelque chose, car il a vu de la lumière et une ombre... il entre, nous le suivons. Et pourtant nous apprendrons à la fin, qu'il est venu pour une mission, et qu'il a une bonne raison d'être dans une maison: c'est tout sauf un hasard. La logique du rêve est appliquée du début à la fin...

Et certains plans au tout début trahissent à mon sens une source inattendue pour ce film, dont j'imagine qu'elle n'est sans doute pas innocente: Hitchcock avait-il vu Vampyr? Sinon, la coïncidence est troublante, car ce pérégrinations d'un héros mal défini, dans une maison où les ombres sont douées de vie, et qui passe par tous les effets visuels de maison hantée qui puissent s'imaginer, nous rappelle étrangement le rêve éveillé de David Gray tel que Dreyer l'a réalisé en 1931...

Mais sinon, on peut faire comme Hitchcock, et considérer que ce film de rien du tout est un désastre. Il vaut donc mieux en rire...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
15 juillet 2024 1 15 /07 /juillet /2024 22:35

Nothing of him that doth fade,
But doth suffer a sea-change
Into something rich and strange.

Ce film tourné en 1931, en indépendance totale par Hitchcock (et avec un sens du bricolage qui serait presque étonnant de sa part), est donc le premier des deux oeuvres du maître dont les titres empruntent à un autre grand de l'Angleterre de toujours... Ces trois vers qui ouvrent le film et en justifient le titre sont tirés de La tempête...

Et justement, une tempête, il y en a une: coincés dans leur petite vie mesquine, les deux héros Fred (Harry Kendall) et Emily (Joan Barry), mariés depuis quelques années, aspirent à l'aventure. Surtout Fred... Et un beau soir, une lettre arrive, celle d'un vieil oncle qui a décidé de devancer l'appel de l'héritage afin de permettre à son neveu de réaliser son rêve de voyage et d'aventure. Le couple part aussitôt en voyage: la Manche, puis Paris. Marseille, puis la Méditerannée, puis l'orient, ses mystères et ses dangers...

Il est de bon ton de crier au génie devant ce film, comme l'ont fait Chabrol et Rohmer, Noël Simsolo, François Trufo, et Jean-Christophe Averty... Je comprends, du reste: ce film est la première tentative totalement personnelle du metteur en scène en liberté, qui s'est amusé à co-écrire avec son épouse Alma un sujet, en utilisant un pseudonyme idiot (Val Valentine, je vous demande un peu!). Le parcours des deux tourtereaux, de Londres à Singapour, permettait au metteur en scène de puiser sans vergogne dans les stock-shots, séquences de films oubliés (on reconnaît une séquence Parisienne de Moulin Rouge de E. A. Dupont, un film muet de 1928) afin d'agrémenter à moindres frais son histoire de voyage exotique. Et le couple utilise ainsi les 80 minutes de métrage pour montrer un couple qui se prend au piège de l'aventure, risque de se perdre dans LES aventures (Avec Percy Marmont d'un côté, et Betty Amann de l'autre) et finit malgré tout ensemble à cause d'une vieille et vague tendresse, mais aussi de la force de l'habitude!

Donc oui, le film est forcément sympathique, et permet à Hitchcock de sortir de son univers d'alors, fait d'allers et retours entre le genre policier d'un côté, et les autres genres de l'autre. La plus grande partie de ce film a été tourné en muet, et d'ailleurs les premières 4 minutes et 30 secondes sont du pur film muet, avec un hommage appuyé au burlesque (une scène d'ailleurs renvoie assez clairement à Harold Lloyd...). Une scène amusanye, située au dénut, prolonge ce comique muet d'observation: les deux tourtereaux se couchent, un peu éméchés, dans leurs lits jumeaux. Lui tombe la tête la première sur le lit, et quand elle le voit son épouse s'agenouille et prie... Quand lui l'aperçoit, il l'imite à son tour...

Mais si c'est bien un film personnel, un film Hitchcockien dans le sens où il a été tourné en toute liberté par le maître et contient une vision très personnelle des relations amoureuses, est baigné par son humour, c'est quand même un amusement quelque peu mineur au regard des admirables oeuvres qui allaient venir... 

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Comédie
15 juillet 2024 1 15 /07 /juillet /2024 22:34

"I say, there's somebody at the door"

car ce qui caractérise principalement ce film, c'est l'omniprésence poids lourd d'un dialogue standardisé à l'extrême, une marque à n'en pas douter de son origine théâtrale, origine qui se retrouve aussi dans l'abondance de passages qui sont autant de plans-séquences de scènes. Hitchcock qui aimait tant le montage et le cinéma qui respire, a ici clairement laissé faire, comme il l'avait déjà fait avec Juno and the Paycock, qui est sans doute le pire de tous ses films...

Pourtant le début ne laisse aucune équivoque: British International Pictures présente un film de John Gallsworthy, suivi de Mis en scène par Alfred Hitchcock! Toujours cette conception traditionnelle au cinéma Britannique que l'auteur d'un film serait en fait l'auteur de l'oeuvre adaptée, ce qui fait d'Homère l'auteur de O Brother where art thou des frères Coen. 

Mais le fait est qu'Hitchcock n'a rien mis de lui-même, ou si peu, dans cet effroyable désastre; l'histoire ne l'a pas intéressé, et pourquoi d'ailleurs aurait-elle du? Deux familles, des aristocrates ("I say, Dodo, what's the matter?") et une famille de parvenus qui entendent relancer l'industrie dans la région ("I know what I can buy with me money!"), se battent comme des chiffonniers à coup d'enchères, de menaces et de coups bas. Il n'y en a pas une pour rattraper l'autre et Hitch ne se réveille de sa torpeur que pour une scène d'enchères très découpée où on devine un semblant de suspense, et pour une série de plans autour d'un suicide. Sinon, circulez, rien à voir, c'est du théâtre filmé.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
15 juillet 2024 1 15 /07 /juillet /2024 22:32

Si on s'intéresse à Alfred Hitchcock, je crois qu'il faut commencer par admettre qu'il ne se passe pas grand chose entre Blackmail (1929), son premier film parlant, et celui-ci... Pourtant il tourne! Après le succès public de 1929, il est amené à réaliser une adaptation de la pièce de Sean O'Casey Juno and the paycock, qui obtient un succès critique sans précédent, et dont je pense qu'il s'agit sans doute de son film le plus ennuyeux! Décidément, en ces temps troublés (le parlant pas encore au point, le muet pas tout à fait oublié), les critiques Britanniques se distinguent par leur incompétence. Non, Hitchcock, après The lodger et Blackmail, sait ce qu'il veut faire. Il va donc se saisir de l'opportunité d'adapter une pièce à succès (une manière comme une autre, après le malentendu de Juno, d'amadouer son studio, et de désarçonner les critiques, ces imbéciles), mais se l'approprie: il co-signe le script... 

La pièce de Clemence Dane et Helen Simpson, Enter Sir John, est un whodunit, un fait suffisamment rare (et anti-hitchcockien!) pour être signalé! mais c'est un matériau qui convainc vite Hitchcock, qui a comme dans Blackmail des expériences sonores à mener...

Dans une petite troupe de théâtre, un meurtre a lieu; les policiers, acteurs et curieux venus constater les faits, la nuit, tombent sur une scène peu banale: une femme gît sur le sol, et l'arme du crime est vite identifiée, c'est in tisonnier. Une autre femme Diana Baring (Norah Baring), en état de choc, du sang sur les mains, est un coupable idéal, évident, d'autant qu'elle dit ne se rappeler de rien. Son procès a lieu, les faits ne laissant guère de doute, elle est vite condamnée. Sauf qu'un des jurés, le célèbre acteur Sir John Menier (Herbert Marshall), a des doutes, puis des certitudes: la belle Diana Baring est innocente... Il va mener l'enquête.

Dès le départ, comme dans Blackmail, on voit que la première inspiration d'Hitchcock pour le film a été cette confrontation presque surréaliste, entre le quotidien des Britanniques, et en particulier ces acteurs obscurs et sans grades, et le crime. L'intrusion du mal dans la vie de tous les jours, ce qui était déjà le thème principal de The lodger et de Blackmail, et reviendra de film en film... Les acteurs choisis par Hitchcock font un boulot formidable, et qui oscille en permanence entre le drame de l'intrigue criminelle (dont la dignité est constamment rappelée par Herbert Marshall et sa légendaire raideur - forcée, on s'en rappelle, par le fait qu'il était unijambiste), et la comédie de ces petites gens qui ont des traites à payer, qui sont entre deux rôles, et qui ont des soucis à trouver des pièces pour le compteur à gaz de leur logeuse... L'Angleterre, la vraie. L'une de ces petites gens n'est autre que Una O'Connor, qui interprète l'épouse d'un policier, flanquée d'une tripotée de mouflets...

Et Hitchcock s'est plu à jouer avec l'espace, lui qui voulait sortir par tous les moyens le cinéma parlant de l'ornière du théâtre filmé (Avec Juno, il sortait d'en prendre!) a multiplié les trucs pour exploiter le décor avec bonheur: un plan-séquence mémorable, au début, quand deux actrices dans les coulisses de la scène de meurtre vont faire du thé, et passent sans cesse de la sale à manger à la cuisine en devisant du meurtre, est un petit tour de force, avec lequel Hitchcock montre son sens de l'économie dans les mouvements de caméra: il y en a , mais très peu. Sauf qu'ils sont totalement adéquats, et la scène respire. Ailleurs et à plusieurs reprises, il redonne à la caméra toute sa mobilité en jouant sur les voix off (personnages hors champ, mais représentés par des ombres, mais aussi monologues intérieurs...) et en filmant ses plans en muet. La post-synchronisation est ainsi plus facile et parfaitement naturelle. Enfin, quand il n'y en a pas besoin, le son disparaît tout simplement: c'est le cas du grand final, situé dans un cirque, pendant un numéro de trapèze...

Il y a encore des efforts à faire pour intégrer de manière plus vraisemblable certains aspects de sa thématique: Sir John, par exemple, n'a pas la moindre raison d'agir. On aurait pu imaginer que sa participation à la condamnation aurait pu jouer dans le film, et lui donner un sentiment de culpabilité quant au risque de condamnation de la jeune femme, mais ce n'est jamais explicite: je pense qu'Hitchcock est prudent, car il sait que prendre cette option reviendrait à critiquer ouvertement le système judiciaire... Ce qu'il fera beaucoup plus clairement aux Etats-Unis dans The wrong man, par exemple, mais aussi en grande-Bretagne, sur le mode de la comédie, dans Young and innocent! Ainsi on a parfois le sentiment que c'est une intuition, autant dire une étincelle divine, qui donne son impulsion à Sir John... Et la supériorité affichée de ce dernier sur le reste de la distribution me paraît d'un autre siècle. Venons en maintenant au pire du film: le vrai coupable est supposé avoir tué car on allait révéler un secret: son origine 'impure'... C'est déjà peu ragoutant en soi, mais le cinéaste suggère, souligne, à traits parfois très gros, son altérité, sa presque féminité. Il se déguise en femme pour les besoins d'un numéro de cirque, pour les besoins de la pièce, il est délicat, il s'évanouit à la vue du sang... Tout nous pousse à comprendre entre les lignes que le criminel est homosexuel, comme on disait (peu) à l'époque. C'est le premier cas de cette homophobie flagrante dont Hitchcock ne se cachait plus dans les années 60. Autres temps autres moeurs, mais ça reste plus que gênant.

En attendant, avec ce film (dont il existe aussi une version Allemande, Sir John greift ein, interprétée par Alfred Abel), Hitchcock commence, enfin, à faire son choix: il sait désormais le type de cinéma qu'il veut faire, et celui d'ailleurs qu'il sait faire. Il lui faudra attendre 4 années avant que tout le monde le comprenne vraiment...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
1 juillet 2024 1 01 /07 /juillet /2024 22:51

Dans une querelle de voisinage à Dublin, la politique locale et la guerre civile sèment la pagaille...

Connu sous le titre de Junon et le paon en France ("connu" est peut-être un bien grand mot), ce film est tellement mauvais que même Hitchcock n'en tient pas vraiment compte, dans ses entretiens avec François Trüffo: au moment d'aborder Champagne (1928) il annonce à son interlocuteur qu'il s'agit de "ce qu'il y a de plus bas dans ma production" (selon la traduction en vigueur)... Mais sur Juno... il se contente de parler de sa honte de l'avoir fait. Ce n'est pas comme si le film n'avait jamsais existé, après tout et le paradoxe c'est que cette adaptation de Sean O'Casey a obtenu de très bonnes critiques... Mais voilà: l'intelligentsia Britannique de 1930 n'a rien compris au cinéma. Ils ont trouvé The lodger et Blackmail bien médiocres, et ils encensent ce film. Pourquoi? Parce que pour eux la mise en scène n'était sans doute qu'une formalité, ce qui compte c'est l'écriture. 

Pour bien apprécier ce film pour lequel Hitchcock a finalement rend les armes et, à l'exception d'un plan intéressant (une caméra mouvante qui en s'avançant vers un personnage, l'isole et révèle qu'il est un traître, et par ailleurs c'est le grand acteur Ecossais John Laurie, qu'on retrouvera bientôt... c'est à la 35e minute environ, je le signale car selon toute vraisemblance vous aurez décroché 34 minutes avant), il se contente j'imagine de clamer "moteur" en regardant ailleurs et en se bouchant le nez... Pour ma part je n'en reviens pas d'avoir réussi à le regarder plus ou moins une deuxième fois...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Navets
1 juillet 2024 1 01 /07 /juillet /2024 15:47

A Londres, en 1929, juste un jour comme les autres pour la police: appréhension d'un coupable, manquement de délit de fuite, arrestation, interrogation... Un jeune détective (John Longden) retrouve sa petite amie (Anny Ondra), et ils sortent... Mais aussi se disputent. Il faut dire que la jeune femme a une idée derrière la tête: elle passerait bien un peu de bon temps avec un autre homme. Celui-ci la ramène chez lui, mais ils ne sont pas d'accord sur la marche à suivre, et elle le tue alors qu'il tente de la violer. Elle part chez elle, hagarde, et se réveille pour apprendre qu'il y a eu un meurtre dans le quartier; et non seulement elle a laissé suffisamment de traces de son passage pour que son fiancé comprenne qu'elle a fait le coup, mais en plus il y a eu un témoin (Donald Calthrop), et celui-ci a décidé de la faire chanter...

Film muet, film parlant? A en croire Hitchcock, il avait commencé ce film en muet, et a paré à toute éventualité en préparant chaque scène pour une hypothétique synchronisation... Pas sûr que ce soit la vérité, car j'imagine que la production d'un film parlant devait quand même, au moment de redéfinir complètement les contours du métier, mais aussi les studios, le matériel, etc, prendre un peu de temps, un peu de planification, et disons un peu de réflexion aux dirigeants d'un studio! et du reste, la compagnie British International Pictures a tout bonnement sorti les deux versions du film simultanément: la version parlante pour Londres, mais aussi pour se pavaner dans les festivals et aux Etats-Unis, où la transition du muet vers le parlant était déjà bien avancée; et la version muette pour le reste du monde.

Je pense que c'est justement cette version silencieuse qui a été vue le plus en cette année-là, mais jusqu'à une date récente, c'est malgré tout la version parlante qui faisait foi. Les différences sont infimes, et une bonne part du film parlant est effectivement une "redite" du film muet. Le début du film, pendant une dizaine de minutes, est d'ailleurs de fait totalement muet, avec accompagnement musical sur bande-son. Les différences se font sensibles sur deux scènes: celle du meurtre, qui se voit ajouter un accessoire intéressant avec un piano, et celle, célèbre, dans laquelle le mot "knife" est prononcé tellement de fois devant la coupable, qu'elle en perd le reste du dialogue...

La version parlante est riche en superbes idées, mais possède un défaut rédhibitoire: le son. Pas au point, bien sur, on est en 1929... Mais le film reste vraiment très intéressant, ne serait-ce que par le naturel (Relatif) des débits et des accents. Il y a quand même un souci de rythme, et une ou deux scènes qui traînent inutilement en longueur. Mais on peut noter que si la version muette est clairement supérieure, elle n'est qu'à peine plus courte! Et l'essentiel du film est là dans les deux, avec cette histoire de jeune femme qui, cette fois-ci, est bien coupable de meurtre! Que celui-ci soit justifié ou non importe peu finalement, car d'une part le film développe quand même une situation propre à alimenter la misogynie (un défaut qu'Hitchcock n'est pas près d'abandonner!), et d'autre part on peut quand même se demander quelle était la motivation de cette jeune femme, pour abandonner son fiancé, et venir chez ce peintre! Mais, et ça, le metteur en scène le sait déjà, le public se fait avoir dans les grandes largeurs: oui, elle a tué, et que ce soit légitime ou non importe peu: nous sommes désormais de son côté, instinctivement... Comme son fiancé qui va tout faire pour qu'elle se disculpe. Ce qui nous arrange, c'est qu'il y a bien pire qu'elle, et on peut applaudir la prestation de Donald Calthrop en maître-chanteur, il est fantastique!

En fait, en se frottant pour son dixième film à une nouvelle histoire policière à suspense (Et ce n'est que la deuxième fois après The Lodger), Hitchcock retrouve une situation qui le motive, qui lui permet d'organiser ses idées visuelles, les rendre très efficaces, et faire ses gammes: il joue avec le son pour passer d'une séquence à l'autre (La découverte du corps, un procédé qui reviendra dans The 39 steps), il imagine des visions délirantes (La jeune femme pour laquelle les enseignes lumineuses "rejouent" la scène du crime), et il utilise avec une maestria impressionnante le procédé Shüfftan pour faire croire au spectateur que'une scène de poursuite a été tournée au British Museum! Bref, il s'amuse, beaucoup plus que dans The Manxman, ou Champagne et on sait combien c'est important pour ce réalisateur! Et tout en nous attirant dans ses filets pour nous obliger à endosser une part de responsabilité dans un crime en en développant le suspense, il nous montre le renoncement d'un homme, un policier qui est désormais motivé pour que la vraie coupable d'un meurtre ne se fasse pas prendre! 

Avec ce film, certes, le cinéma Britannique fait brillamment le passage vers le parlant, mais Hitchcock, lui, trouve enfin sa vocation.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir Muet 1929 **
29 juin 2024 6 29 /06 /juin /2024 22:06

L'ultime film muet d'Alfred Hitchcock n'a pas été un grand succès, et tend à être délaissé comme les autres films Britanniques éloignés de son milieu naturel, le suspense... Pourtant il y est question de ce thème éminemment Hitchcockien, la faute, qui ne se traduit pas ici suivant les codes de la justice traditionnelle par un crime, mais plutôt selon la morale, par une trahison et un double péché. C'est un mélo, un de ces films si Anglo-saxons qui confronte les sentiments à une structure dramatique qui impose des avanies qui vont se terminer, sinon dans la tragédie, en tout cas dans la noirceur. C'est aussi un drame cruel et catholique, qui nous rappelle qu'Hitchcock a toute sa vie choisi d'explorer les contours des croyances dans lesquels il avait grandi... Enfin c'est un curieux exemple de ce qu'à défaut d'un terme existant j'appellerais volontiers le "pré-parlant"!

L'intrigue se situe sur l'île de Man, au large des côtes Nord-Ouest de l'Angleterre. Cette petite communauté de pêcheurs isolés s'est dotée, comme Jersey ou Guernesey au Sud, de lois qui lui sont propres, et d'une structure qui est unique. Parmi les pêcheurs, nous faisons la connaissance de Pete (Carl Brisson), un brave garçon, leader né, qui a des ambitions: en attendant, il milite pour le bien-être de ses camarades en compagnie de son ami d'enfance, le fils de famille Philip (Malcolm Keen). Ce dernier est avocat, et le beau parleur de la classe ouvrière et le timide connaisseur des lois sont aussi amoureux l'un que l'autre de la même femme, la jolie Kate (Anny Ondra), la fille du patron du pub dans lequel les pêcheurs finissent le plus souvent leurs rencontres militantes... Mais Pete va se déclarer le premier, au grand dam du père, qui pense que le garçon n'arrivera jamais à rien. Lorsqu'il décide de parcourir le monde pour faire fortune, Pete confie bien sûr Kate à son meilleur ami, et ce qui devait arriver arrive...

Philip est le fils d'un Deemster, le magistrat de l'île, autorité suprême en matière de justice sur l'île de Man. Il ambitionne justement de le devenir à son tour, et l'impossibilité de concilier les affaires du coeur et cette ambition sera un moteur important du film. Mais s'il est bien sûr question de justice, Hitchcock adopte toute la panoplie du mélo, depuis le triangle amoureux jusqu'à l'improbabilité de certaines situations: ainsi Pete, apprenant qu'il a été donné pour mort, envoie-t-il une lettre à Philip en lui demandant de ne rien révéler à sa petite amie pour lui faire une surprise... L'énormité improbable d'un tel événement tranche avec la noirceur du film, qui va d'abord opposer Philip et sa conscience, lui qui a peur de trahir l'amitié qui le lie à Philip, puis opposer l'amour inconditionnel de Kate pour Philip, à la lâcheté de ce dernier qui essaie de faire passer son bien-être et son ambition de devenir Deemster (ce qui implique bien sur un comportement moralement irréprochable aux yeux de la communauté) avant son amour de la jeune femme... Il est intéressant de constater qu'en choisissant de confier le rôle du brave garçon qui se fait trahir de partout à Carl Brisson, Hitchcock l'écarte quasiment du paysage: il devient la brave andouille qui n'a rien compris, ce qui d'ailleurs lui va assez bien, le pauvre! Non, le conflit qui occupe la deuxième partie du film est surtout entre l'homme qui brigue la confiance des autres pour rendre la justice, et ceux qui rassemblés en foule ne lui pardonneront jamais sa faute s'ils l'apprennent.

Le point de vue passe donc souvent par l'utilisation de gros plans des personnages. Toute la première partie semble passer ainsi par le point de vue de Philip, qui lui aussi aime Kate et ne sera jamais capable de le lui dire tant que Pete prendra toute la place. Mais une fois ce dernier parti, on passe au point de vue de Kate, d'une fort belle façon: Hitchcock nous montre les pages du journal de la jeune femme, qui écrit d'abord que "Mr Christian" est passé la voir, puis qu'elle a passé la journée avec "Philip", avant de finir par passer rendez-vous à "Phil"! On va ainsi voir leur flirt innocent, qui le devient moins lorsqu'ils apprennent la mort supposé du pêcheur. C'est à Kate de briser le silence: "maintenant nous sommes libres". Lors d'un de leurs rendez-vous, elle se donne à lui dans un moulin... Qui sera quelques séquences plus tard utilisé par la famille de Pete pour la cérémonie de mariage! La faute incombe donc à la jeune femme, mais elle n'a pas vraiment trahi l'homme auquel elle était promise. Par contre, la lâcheté de Philip va quant à elle faire l'objet de la deuxième partie, qui sera d'autant plus noire que Kate s'aperçoit bien vite qu'elle est enceinte... de Philip. C'est un mélodrame Hitchcockien, qui ne juge pas totalement donc, et qui nous montre au contraire une société rigoriste qui elle, se retourne contre ceux qui ne filent pas droit, qui montrent du doigt et jettent sans raison la pierre...

Si le metteur en scène trempe donc le mélo classique dans son propre catholicisme, il le fait avec discrétion, et à la fin, il reste sur Carl Brisson, un pêcheur parmi d'autres, que tous ses camarades ont vu déserté par la femme qui l'aimait. Une belle séquence, mais qui sonne un peu creux au regard des séquences consacrées à Kate et Philip: devant le refus de son amant de dire la vérité à son mari, la jeune femme tente de se suicider... un délit qui impose à la police, une fois la jeune femme repêchée, de la traduire devant le juge, qui bien sûr n'est autre que son amant! La cruauté du mélo n'est pas dénuée d'humour, donc... Hitchcock semble presque profiter de la fadeur de Brisson, mais le film souffre par moments de ce déséquilibre entre lui et Malcolm Keen, excellent de bout en bout en un homme torturé entre conventions, convictions, amitié et amour... un homme qui le jour de la naissance de son enfant devra ronger son frein, et se contenter de réconforter le père officiel.

Blackmail suivra: Hitchcock en profitera pour se réessayer avec succès cette fois au drame policier, tout en continuant à explorer les arcanes de la culpabilité face à la justice et la société, ce qui prouve que d'un genre à l'autre, l'oeuvre de Hitchcock restait d'une grande cohérence. Mais dans ce film, tourné en plein boom du parlant, le metteur en scène s'amuse à faire parler ses personnages: à deux reprises, Anny Ondra articule clairement "I am going to have a baby". Les gens lisent sur les lèvres, et Hitchcock demande à ses acteurs (De trois nationalités différentes, un seul d'entre eux maîtrisant la langue de Shakespeare) de formuler leurs dialogues... Peut-être s'entraînait-il, tout bonnement? Quoi qu'il en soit, même avec ses séquences "parlantes", The manxman est un film passionnant malgré ses défauts, et un bel adieu au muet, dont il porte bien fièrement l'étendard, fait de mélodrame, d'humour noir, et de paroxysmes dramatiques et cruels... pour couronner le tout, le film est une fois de plus mis en images par Jack Cox, et il a su capter la beauté du printemps en Cornouailles, là où le film a essentiellement été tourné.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1929 **
26 juin 2024 3 26 /06 /juin /2024 18:03

Betty (Balfour) est une enfant de riche, Américaine et gâtée, qui ne se refuse aucun caprice. Mais son père (Gordon Harker), de plus en plus irrité par les frasques de sa fille, commence à trouver qu'elle exagère, et pas qu'un peu. Entre deux bouffées de gros cigare, il décide de tenter de la freiner un peu. Alors que la jeune femme vient de s'illustrer en rejoignant son petit ami parti en croisière, grâce à un avion (qu'elle a coulé!), elle apprend que son père lui impose désormais de vivre par ses propres moyens...

"C'est probablement ce qu'il y a de plus bas dans ma production", disait Hitchcock selon Françoitrufo de son huitième film. Il avait l'impression qu'il sortait de nulle part, n'allait nulle part, mais si c'est loin de faire partie du meilleur de son oeuvre, je le trouve injuste. C'est après tout une comédie sans prétention, dans laquelle le metteur en scène semble remplir avec brio son contrat, à savoir se moquer des séquelles du "jazz age" qui en cette fin des années 20, finissait par débarquer en Europe. Et il le fait avec style, en utilisant comme toujours sa mise en scène avec bonheur. Il fait feu de tout bois, et s'amuse même à placer une petite énigme, autant pour Betty que pour le spectateur: qui est cet étrange bourgeois qui envahit peu à peu la vie de Betty, et la regarde en permanence du coin de l'oeil? D'ailleurs, c'est, en écho au titre, une image récurrente, qui montre le point de vue du bonhomme à travers un verre qu'il est en train de vider...

Pour le reste, Betty Balfour, vedette imposée à Hitchcock, est honnête, même si on soupçonne que l'actrice Anglaise était sans doute plus à l'aise, avec sa gouaille, pour incarner ces jeunes femmes qui travaillent, figures populaires de l'écran Britannique, et qu'Hitchcock savait si bien nous montrer.

Incidemment, on vient d'apprendre avec la fin des travaux de restauration des films muets d'Hitchcock, que les copies disponibles de Champagne sont toutes issues du deuxième négatif, et ne représentent pas exactement le montage souhaité à l'époque. Evidemment, on pourra toujours dire qu'au moins on dispose du film, et on en a sauvegardé un négatif, fut-il de second choix.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet Comédie 1928 **
19 juin 2024 3 19 /06 /juin /2024 22:28

Un célèbre critique Français dont le nom m'échappe a dit de ce film qu'il était une réminiscence évidente des comédies de Griffith, tournées entre 1918 et 1920, souvent situées en milieu rural et qui trahissaient souvent la tendresse du metteur en scène pour les petites gens qu'il nous montrait. Je pense que c'est assez juste, mais une autre influence me semble pertinente, d'autant que le metteur en scène Anglais était aux côtés de Ford son principal disciple: je veux parler de Murnau. Ce n'est pas tant dans l'atmosphère ou l'intrigue, mais plutôt dans la peinture des intérieurs de maison, des tablées, des cuisines et autres dépendances, qui jouent un rôle crucial dans ce film. Cela va sans dire, comme souvent avec les films muets d'Hitchcock, pas de crime ni de suspense, ici: juste une observation et une prise à témoin du spectateur souvent amené à partager le point de vue des domestiques.

Le film est adapté d'une pièce à succès, écrite par Eden Philipotts et présentée à Londres pour la première fois en 1916. Elle était située dans le Devon, mais Hitchcock, sans nommer les lieux, a tourné les extérieurs de son film au Pays de Galles, manifestement dans le Sud-Est de la région. Quand le film commence, le fermier Samuel Sweetland (Jameson Thomas) sait que sa femme va mourir, et il assiste en compagnie de sa famille et de ses domestiques, aux derniers instants de Tibby. Celle-ci meurt après avoir donné ses dernières recommandations à Minta, la gouvernante de la ferme (Lillian Hall-Davis)... Mais la comédie reprend vite ses droits. Après quelques mois, alors qu'il vient de marier sa fille, Samuel Sweetland se décide à avouer qu'il lui faudrait trouver une nouvelle épouse afin de ne pas sombrer dans la solitude. Avec l'aide dévouée de Minta, et sous l'oeil désapprobateur de l'homme à tout faire de la ferme, Ash (Gordon Harker), il se met en chasse, et jette son dévolu d'abord sur trois vieilles partis : une veuve très active (Louie Pounds), une vieille fille toute en nerfs (Maud Gill) et une postière qui se croit encore jeune (Olga Slade); il ajoute même un nom à tout hasard, celui de la patronne d'un pub, interprétée par Ruth Maitland...

Le film est sorti en France sous le titre de Laquelle des trois, tant il est évident que l'essentiel de la comédie se passe dans le choix initial de trois femmes notables de la région. Mais il aurait pu s'appeler Laquelle de cinq, car je ne vais pas en dire plus, mais il suffit de toute façon de voir les dix ou douze premières minutes pour se rendre compte qu'il y a en effet un cinquième choix, et particulièrement pertinent de surcroît.

Alors une fois de plus, que pourrions nous donc aller chercher dans un film d'Hitchcock sans meurtre, ni suspense, ni grand frisson inquiétant? Pose la question revient à ignorer le fait que le metteur en scène est d'abord un amoureux du cinéma, qui a pris l'opportunité de tourner un film qui n'était peut-être pas son premier choix, et en faire une petite merveille de mise en scène, justement. Et le film est rythmé par les allées et venues de Minta, son énergie positive, son sourire aussi. Lillian Hall-Davis était une grande actrice, il est dommage qu'elle n'ait pas vécu plus longtemps, elle illumine ce film; en contrepoint, et souvent dans les mêmes scènes, on a droit à la lenteur et l'inertie même de Churdles Ash, qui fournit la partie la plus traditionnellement Britannique de la comédie: on ne l'entend pas, et pour cause, mais il parle tout le temps, et on se doute que ce qu'il dit n'est pas à mettre entre toutes les oreilles... Mais c'est un homme dévoué, et au début, c'est de son pas lent qu'on entre avec lui dans la maison, avant qu'il ne sorte, et ne jette un coup d'oeil à son patron qui regarde dans le vide à la fenêtre de sa chambre. On sait alors qu'il se trame quelque chose... Harker en fait des tonnes, comme toujours.

Mais c'est surtout Minta, montant et descendant les escaliers, comme Lucie Höflich en Dorine dans le Tartuffe de Murnau, qui donne son impulsion au film. Et comme elle, on s'assied bien sagement devant ce gentil film, à attendre que le patron ouvre ses yeux et regarde devant lui au lieu d'aller chasser les dames du coin...

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Published by François Massarelli - dans Muet Alfred Hitchcock 1928 **
16 juin 2024 7 16 /06 /juin /2024 21:16

Dans une foire, un stand de boxe affiche le boniment habituel: venez boxer contre notre champion, et si vous tenez un round complet, vous empochez une livre. Le boxeur (Carl Brisson) s'appelle "One round" Jack, ce n'est pas un hasard, il étale ses compétiteurs en moins d'un round, justement. C'est ce que prouve un carton, qui n'est jamais utilisé sur le ring monté dans la tente de l'attraction: le panneau annonçant le deuxième round, en effet, n'a jamais servi... Jusqu'à ce que Jack, qui a surpris un homme flirter avec sa petite amie Nellie (Lillian Hall-Davis) qui tient la caisse, ne l'ait un peu poussé à venir se mesurer sur le ring, justement. L'homme, c'est Bob Corby (Ian Hunter), un fameux boxeur, et non seulement il va tenir le temps requis, mais en plus il gagne... Corby est malgré tout détenteur d'une bonne nouvelle, il et venu avec son manager vérifier la réputation de Jack, et a pu constater que celle-ci est justifiée. Ils vont lui permettre de passer à un statut enviable de star de la boxe. Jack, qui est un grand naïf, pense que son heure est arrivée, et propose le mariage à Nellie; celle-ci, bien qu'elle accepte, va surtout désormais prêter une attention toute particulière à Corby...

On n'attend pas Hitchcock dans un film de boxe, et celui-ci fait semblant d'oublier le potentiel de suspense inhérent à cette discipline par ailleurs néandertalienne... Jusqu'à un combat, celui de la fin, lorsque enfin Jack va disputer à Bob, non pas une place de champion, mais bien le coeur de son épouse! C'est donc un mélodrame classique, dans lequel le spectateur, aidé par le point de vue silencieux, mais très parlant des copains de Jack (Dont Gordon Harker en vieux boxeur rugueux), qui ont repéré bien avant le héros le manège de Bob et Nellie, voit venir l'inévitable confrontation entre les deux hommes... Héros est un bien grand mot, il faudrait peut-être plutôt dire "victime", tant ce pauvre Jack ressemble à un pantin! C'es l'un des petits défauts de ce film, et c'est de là que vient cette impression d'un certain manque d'envergure.

Parce que par ailleurs, la mise en scène est fantastique: Hitchcock s'amuse avec la forme, et en particulier, bien sûr le cercle: certes, un ring est rectangulaire, ce qui ne l'empêche pas de porter le même nom, en Anglais, qu'une bague. La bague de fiançailles, promesse de mariage, est assimilée à un bracelet en forme de serpent, tout un symbole, offerte par Bob à Nellie. Un autre cercle donc, dans lequel vont être enfermés les trois acteurs de ce triangle amoureux classique, avant que l'autre "ring" sur le quel il va monter ne permette à Jack de mettre la tête de Bob au carré. Tout cela fait beaucoup de géométrie...

Et dès les premières minutes, qui fendent la foule pour nous faire sentir toute l'ambiance d'une foire Britannique, on retrouve le Hitchcock Anglais, qui aimait tant à montrer les classes laborieuses de son pays dans leur élément. Contrairement à d'autres films, situés de part et d'autre de celui-ci, ce n'est pas tant Murnau qui inspire Hitch, que E. A. Dupont dont le Variété, situé dans les milieux forains, avait été un gros succès. Il s'apprêtait d'ailleurs à tourner en Grande-Bretagne...

Mais au-delà de cette influence, le film est fait avec intelligence par Hitchcock qui ne laisse jamais sa mise en scène se mettre en travers du cheminement du spectateur. Même si la mise en scène est savante, faite de truquages virtuoses (Surimpressions notamment), de miroirs savamment disposés, etc, on reste devant un spectacle de mélodrame populaire dans lequel Hitchcock se plaît à représenter le petit peuple Londonien, comme il savait si bien le faire, avec tendresse... Alors cette grande andouille de Jack, joué par le très transparent Carl Brisson, ne fait pas le poids devant ces boxeurs rigolos, mais pas non plus devant l'élégance de Ian Hunter, ou bien sûr la grâce de Lillian Hall-Davis.

Grâce tragique, l'actrice ne fera pas long feu à l'apparition du parlant, et préférera commettre un suicide, avant de disparaître pour de bon de la mémoire collective. Brisson ratera son départ pour Hollywood, mais Ian Hunter y fera une belle carrière. Quant à Hitchcock...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927 **