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13 juin 2024 4 13 /06 /juin /2024 14:54

Restauré par le BFI, dont les techniciens ont fait ce qu'ils ont pu avec les pauvres copies en 16 mm qui restent de ce film, Easy virtue est l'un des films mal-aimés d'Hitchcock, et je ne parle même pas du public ici, mais bien du maître lui-même... Cinquième réalisation après The pleasure garden, The mountain eagle, The Lodger et Downhill, le film est une adaptation d'une pièce de Noel Coward, donc dès le départ un type de sujet qui n'attirait pas vraiment l'auteur, déireux de poursuivre la voie policière engagée avec The lodger en 1926; il conte les mésaventures d'une femme lâchée dans la jungle de la haute société Britannique après le scandale retentissant de son divorce: à l'instigation de son mari alcoolique et brutal, elle avait posé pour un peintre qui se confondait d'amour pour elle, s'était suicidé et lui avait légué sa fortune. Suite à la publicité malencontreuse autour de cette affaire, Larita Filton décide donc de changer de nom et d'horizon, et part se dorer la pilule sur la Côte d'Azur, ou elle ne tarde pas à rencontrer le grand amour en la personne d'un Anglais jeune, riche, beau, et célibataire. Ils se marient, et rentrent en Angleterre, où il sera bien difficile à Larita Filton (Isabel Jeans) d'affronter les effets pervers de la résurgence du passé.

Pas de crime ici, pas d'enquête: juste une culpabilité affichée, stigmatisante, pour une femme qui n'a rien fait que d'être désirée. Bien sur, on comprend ce qui a pu rebuter HItchcock a posteriori dans ce film (Ainsi que dans d'autres oeuvres Anglaises qui l'embarrassaient à la fin de sa vie): cette impression d'insularité, d'impossibilité pour le film d'avoir un sens réel à l'exterieur d'un contexte Britannique, est gênante comme l'est du reste souvent toute intrigue mélodramatique. Mais Larita est coupable aux yeux de la société, d'avoir inspiré le divorce, et de ne pouvoir faire rien d'autre que de provoquer à la fois désir et méfiance chez les hommes... Hitchcock, tout en remplissant son contrat (Le film est donc un mélodrame froid sans humour, situé en partie sur les rives ensoleillées de la méditerranée), offre quelques séquences personnelles, dont celle du procès qui ouvre le film, dans laquelle le cinéaste s'amuse à mélanger le temps présent et les flash-backs en cadrant sur un objet, en rebondissant sur une idée. Comme d'habitude, il sait à merveille inspirer chez le spectateur l'impression de palper la culpabilité, qu'elle soit réelle ou ressentie... Et il réussit une courte scène sur une idée géniale: une déclaration d'amour au téléphone nous est livrée par les réactions d'une belle standardiste qui entend toute la conversation. Nous savons ce qui se dit grâce à ses impressions qu'il nous suffit de lire sur son visage. Une belle idée, donc, et quelques minutes à sauver. C'est bien peu pour un film, mais c'est bien plus que ce que je sauverais de The Skin game ou de Juno and the paycock... Signalons par ailleurs que le film a fait l'objet d'un remake en 2008.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927 **
10 juin 2024 1 10 /06 /juin /2024 14:48

Au moment d'aborder son quatrième film lors de ses entretiens avec François Truffaut, Hitchcock sur la défensive part bille en tête sur l'hypothèse que Downhill est un fort mauvais film. Ce qui est étonnant, et Truffaut de son côté ne manque pas de le noter... Peut-être Hitchcock a-t-il difficilement digéré, après avoir réussi à imposer son style et ses idées dans un film entièrement fait selon son coeur (The lodger) de devoir à nouveau composer avec d'autres (Producteur, scénariste en vue, et pour couronner le tout, ce dernier est aussi l'acteur en vue de ce film...). On a pourtant ici un aspect plus qu'intéressant: le film parle après tout d'un thème qu'il a déjà abordé dans The lodger, et dont on sait à quel point il lui sera cher toute sa carrière durant: le faux coupable...

Roddy Berwick (Ivor Novello) est un jeune étudiant auquel tout réussit: son père est justement fier de lui. Mais un jour, tout bascule: une jeune femme qui travaille dans une boutique proche de l'université l'accuse d'avoir piqué dans la caisse; il ne l'a pas fait, mais connait le coupable, et pour l'honneur de l'université refuse de le dénoncer. Il est exclu, puis son père le déshérite... il doit quitter le confortable domicile familial, son avenir, et toute perspective de bonheur, tout ça pour rien... Il se retrouve vite dans la déchéance, fait un héritage imprévu qu'il va dilapider dans un mariage absurde, et va aller plus bas encore...

Les motifs de satisfaction ne manqueraient pas pour le jeune Hitchcock ici: d'une part, son désir de tout faire passer par l'image à l'instar de son maître Murnau se concrétise souvent, et avec d'excellentes idées; ensuite, il donne à voir un film bien de son temps, rythmé par une musique omniprésente, ce qui est étonnant pour un film muet! Et surtout, il donne vie au titre et à l'idée de déchéance qu'il contient, en montrant à l'issue de chaque nouvelle expérience Roddy Berwick sur une pente descendante, avec à chaque fois une nouvelle façon de le dire, toujours intégrée dans la dynamique de l'histoire: l'escalier chez ses parents, un escalator, un ascenseur, jusqu'à un escalier miteux dans une maison Marseillaise, ou une passerelle qui le mène, à demi-conscient vers un bateau.

Mais là ou on suivrait malgré tout le metteur en scène, c'est lorsqu'on s'aperçoit que toute cette déchéance repose sur du vide... Ce qui rend The lodger si fort, c'est l'ambiguité du personnage principal... Cette impression qu'il ne lui faudrait pas grand chose, comme tant de héros Hitchcockiens dont certains franchiront la ligne jaune d'ailleurs, pour être un vrai coupable. Roddy Berwick et son code d'honneur, coupable de rien, mais qui perd son droit d'appartenance au système de valeurs conservatrices hérité de dizaines de Lords hautains et condescendants, manque cruellement d'intérêt, aussi bien pour nous que pour un Hitchcock qui a si souvent dépeint la classe ouvrière Londonnienne avec tant d'esprit et d'affection. Et on serait parfois presque tenté de ricaner, notamment lorsqu'il tombe dans les griffes d'une chasseuse d'héritiers en mal d'épouse, interprétée par Isabel Jeans, accompagnée de l'excellent Ian Hunter qui joue son complice en affaires. Là se niche sans doute la raison du désamour d'Hitchcock pour ce film, et le fait qu'il s'agit quand même d'un long métrage mineur, assurément.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927 **
9 juin 2024 7 09 /06 /juin /2024 21:25

Londres, milieu des années 20. Dans le quotidien bien agencé de ses habitants, un monstre vient tout gâcher, et assassine des jeunes femmes, toutes blondes. La psychose s'empare de la ville, en particulier des jeunes femmes qui travaillent tard, comme par exemple les chorus girls du spectacle "Golden Curls (Boucles blondes)". Le meurtrier opère dans un quartier bien délimité, et laisse sur les cadavres de ses infortunées victimes un petit papier sur lequel il a dessiné un triangle, avec une inscription en guise de signature: The avenger (le vengeur)...

C'est dans ce contexte que dans une modeste bâtisse tenue par un couple de retraités, les Bunting, vient s'installer un mystérieux étranger. L'homme qui a décidé de louer la chambre est secret, peu bavard, mais surtout il tranche sur la petite famille simple par son air torturé et sa réaction d'horreur devant la décoration de la chambre: il fait tout de suite enlever les jolies images un peu polissonnes de beautés blondes déshabillées qui ornaient sa chambre. Par contre il s'entend très bien avec Daisy, la jolie fille blonde des Bunting, qui travaille comme mannequin, ce qui n'est pas du goût du fiancé auto-proclamé de celle-ci, un policier qui travaille sur l'affaire de l'Avenger; aussi, lorsqu'il devient de plus en plus clair que l'étranger non seulement est lié à l'affaire, mais pourrait bien être le meurtrier lui même, les choses se compliquent pour tout le monde...

Bien que le film soit déjà son troisième, après The pleasure garden et le film perdu The mountain eagle, on a coutume de référer à The lodger comme étant le "premier Hitchcock picture", selon les mots du Maître lui-même. Ca s'explique et se justifie très bien en effet: c'est pour commencer le seul de ses films muets (Si on considère l'hybride Blackmail, 1929, comme un film parlant) à traiter d'une histoire criminelle, et à se situer dans un Londres contemporain marqué par les petites histoires quotidiennes de sa classe ouvrière: de fait, Daisy (Interprétée par le mannequin June) travaille, le policier joué par Malcolm Keen est aussi un homme occupé, et on a le sentiment ici que le réalisateur est dans un milieu familier, ce qui sera confirmé par la plupart de ses films Anglais, situés le plus souvent dans le petit peuple Anglais plus que dans la gentry... 

Mais évidemment, si on peut comprendre le plaisir du metteur en scène à se plonger enfin dans l'Angleterre telle qu'il l'aime et la connait après deux films tournés en Allemagne, l'aspect criminel du film est le plus notable, compte tenu du tournant que prendra bientôt sa carrière. Et dès ce premier exercice policier, le metteur en scène est parfaitement à l'aise avec un genre qu'il va contribuer à définir: il manie avec dextérité les formes héritées du cinéma Allemand, l'utilisation des ombres, l'installation d'une atmosphère quotidienne envahie par l'angoisse, la brume, et sait à merveille donner à voir les sensations: la peur, mais aussi le bruit (Les scènes qui nous montrent des gens qui écoutent, tout en réussissant à visualiser le bruit entendu, sont nombreuses, et les intertitres ne sont pourtant pas sollicités.). Hitchcock, précurseur de Welles à cet égard, manipule aussi avec talent les images pour donner à voir le sentiment d'urgence et la propagation médiatique de la terreur, en intercalant les images de découvertes du corps d'une femme, les réactions du peuple de Londres, les débuts de l'enquête, puis la façon dont la presse se met en branle. Les intertitres sont également utilisés pour compléter cette information plus que pour la relayer, et le texte est parfois utilisé comme image, ou réciproquement, ainsi le leitmotiv de l'enseigne néon "Tonight, golden curls", qui rappelle d'une part la continuation des activités (the show must go on!), mais aussi effectue un renvoi à l'obsession du tueur pour les blondes.

Et puis, il y a bien sûr dans The Lodger des thèmes qui font une première apparition, ou d'autres qui auront une résonance intéressante dans le reste des films d'Hitchcock. je prends conscience ici de manipuler une information qui est supposée rester une surprise dans le film, mais que la plupart des fans du metteur en scène ou des cinéphiles s'accorderaient à ne considérer que comme un secret de polichinelle: le héros, joué par la star du film Ivor Novello, n'est pas le coupable. C'est un faux coupable, comme tant de héros Hitchcockiens futurs, mais qui prend toute la place, à tel point que l'arrestation du vrai Avenger a lieu hors champ, sans qu'on s'y intéresse plus avant. Ce qui compte dans ce film, c'est non pas qu'on détermine si le héros est bien le serial killer, mais plutôt qu'on puisse le soupçonner de l'être, comme le font la plupart des protagonistes. D'ailleurs, le parallèle entre les deux est frappant, et souvent souligné, à commencer par le nom du tueur: c'est précisément par désir de vengeance contre l'assassin qui se surnomme lui-même le vengeur que Novello vient s'installer en plein dans le quartier des meurtres, car sa soeur était la première victime. Donc le vrai Avenger, c'est bien lui...

Dans le quotidien d'une ville généralement considérée comme relativement paisible, tout en étant industrieuse, Hitchcock a lâché son premier meurtrier, mais il a aussi peint un amour inattendu, relevé dans son quotidien, amour naissant entre le héros et Daisy. Celle-ci, jeune femme indépendante et suffisamment intelligente pour ne pas céder à la panique contrairement au reste de la ville, a su reconnaître en ce bel étranger un idéal amoureux, qui va d'ailleurs la pousser à s'installer très vite dans le quotidien du jeune homme: sans être nécessairement érotique, leur complicité est vite affichée, assumée, physique, ce que confirme une scène durant laquelle le jeun homme veut lui parler, alors qu'elle prend un bain. Entre la nudité de la jeune femme (Pudiquement représentée), l'eau, la vapeur du bain et la porte qui les sépare, les obstacles à l'intimité sont nombreux, mais ne les gênent pas pour communiquer. Par opposition, les tentatives du policier de provoquer une complicité avec Daisy sont gauches et peu probantes... Par contre, Novello et l'actrice June sont à plusieurs moments surpris dans les bras l'un de l'autre. Mais la jeune femme, victime potentielle évidente, ne sera jamais autre chose qu'un refuge, une protection pour le jeune homme, à plus forte raison pendant la tentative de lynchage que la population exerce sur lui; c'est elle qui le recueille, l'aide même à s'enfuir, comme plus tard madeleine Carroll (The 39 steps) ou Eva Marie-Saint (North by Northwest). Bien sûr, la figure féminine principale évoluera de film en film, jusqu'à assumer des formes beaucoup plus complexes...

On peut aussi regretter que dans ce film, contrairement à ce qui deviendra souvent la règle chez Hitchcock, on ne parvient pas à ressentir de façon très claire le danger dans lequel l'héroïne est supposée se trouver. Ca en affaiblit quelque peu la portée, sans pour autant complètement gâcher la fête.

 

The Lodger est sans doute le plus intéressant des films muets de son auteur (Même s'il ne faut en négliger aucun!), et c'est un film dont le style comme la thématique anticipe le mieux sur les festivités à venir. et surtout c'est un manifeste totalement Anglais dans la peinture tendre du quotidien d'un Londonien, qui doit faire attention à sa consommation de gaz, louer une chambre pour joindre les deux bouts, qui vit dans un quasi sous-sol, et doit parfois avoir de la petite monnaie sur soi pour faire marcher certains appareils (Chauffage, gaz, voire ici un coffre-fort dans la chambre du héros)... Un endroit ou les gens qui sont réunis autour d'un fish and chips sont pour certains des gens qui auront à défendre chèrement leur peau lors du blitz quelques 15 années plus tard. Tout ça, en plus, du sempiternel "faux coupable", de l'amour entre un mystérieux homme et une jolie blonde, d'une impression que votre voisin pourrait bien être Jack L'Eventreur, à moins que ce ne soit vous même, est enrobé dans une mise en scène à la virtuosité admirable. ...Vous avez dit "Hitchcockien"?

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Alfred Hitchcock Criterion **
9 juin 2024 7 09 /06 /juin /2024 16:30

C'est le premier film d'Alfred Hitchcock, et si le Maître lui-même n'a pas beaucoup vanté les mérites de ce film, préférant considérer son troisième long métrage (The Lodger, son premier film policier, ceci expliquant cela) comme le premier de ses "vrais" rejetons, il vaut bien mieux que ce que le metteur en scène pouvait en dire. Il est vrai que la situation était probablement frustrante: comme The mountain Eagle, son deuxième film (Dont aucune copie n'a survécu), The Pleasure Garden est un film Britannique, mais tourné par le producteur Michael Balcon dans les studios Allemands. Hitchcock se trouvait donc confronté à un cinéma riche (Il aurait selon la légende assisté à quelques heures de tournage de Faust de Murnau!!) et inventif, tenté de suivre cette voie, mais contraint de rendre une copie aussi tiède que possible à ses commanditaires Anglais. Pourtant, ce mélodrame haut en couleurs et fort en improbabilité est tout sauf commun...

On y assiste à la rencontre entre deux femmes, Patsy, une "chorus girl" (Virginia Valli) qui travaille dans la boîte "The Pleasure garden", et Jill, une aspirante danseuse que Patsy accueille chez elle. Sous l'apparence d'une oie blanche (Elle s'agenouille pour prier avant de se coucher), elle est en fait dotée d'une redoutable ambition. Lorsque Hugh, le petit ami de Jill débarque, celle-ci lui promet monts et merveilles mais s'offre à des mécènes, pendant que Patsy qui est vaguement amoureuse de Hugh cède à la cour effrénée du partenaire de celui-ci, et accepte sa proposition de mariage. Mais les deux hommes doivent repartir pour les colonies pour des raisons professionnelles, et Patsy ne sait pas que son mari est en ménage avec une indigène...

Il y a de tout dans ce premier film d'Hitchcock, de tout et même de n'importe quoi... D'une part, HItchcock utilise le monde du spectacle pour montrer un microcosme, comme il le refera souvent durant sa période Anglaise, et il montre surtout son amour des petites gens, incarnés par Patsy, par opposition à l'ambition démesurée de Jill, et aux hommes riches et au monde faux qui l'entourent. Puis il questionne les sentiments des uns et des autres avant de nous montrer, de façon surprenante (Dans une des meilleures scènes du film, bien sûr), son premier meurtre. Il le tourne de façon frontale: endu fou probablement par les fièvres et l'alcool, un homme entre dans l'eau pour rejoindre sa petite amie, indigène de l'île où il séjourne. Elle croit qu'il veut la prendre dans ses bras, et en toute confiance vient vers lui... alors qu'il va l'étrangler.

Pourtant, la meilleure partie est sans doute à trouver au début du film, et nous démontre que dès ses débuts dans la réalisation en solo (après avoir étudié tous les aspects du cinéma), le metteur en scène savait comme personne camper un univers, et bien qu'il le faisait en Allemagne, cette efficacité renvoyait à son affection profonde pour le cinéma Américain... Quand on entre de plain-pied dans le music-hall où est située l'action, on jurerait qu'on va assister à un film de Harold Lloyd, et cela continue avec la description des vieux messieurs fortunés qui s'intéressent d'un peu trop près aux jeunes aspirantes artistes!

Une curiosité, certes, qui a souffert des ravages du temps... Mais quelle carrière... et ce n'était que le début.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1925 *
9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 17:02

Probablement n'avait-il pas de film glorieux à réaliser, sachant que son effort suivant serait l'innommable The skin game, un ratage intégral... Mais Hitchcock, qui avait travaillé quelques années en Allemagne, n'a eu aucun mal à accepter une commande, celle de réaliser un remake Germanophone de son dernier film, Murder. Contrairement à ce qui se passe habituellement, avec les versions multiples, ce long métrage a donc été fait après la complétion de la version Britannique, et présente quelques différences:

le casting bien sûr! en lieu et place de Herbert Marshall, le froid Alfred Abel qui s'en sort assez bien, et Olga Tschekowa reprend le rôle joué auparavant par Norah Baring; elle est hélas assez inexistante dans le film... Sinon, on remarquera quand même quelques acteurs qui vont reprendre leur rôle et se débrouiller en Allemand: Miles Mander et Donald Calthrop, dont le rôle déjà mineur va être encore plus réduit...

le montage est différent, mais essentiellement parce que Hitchcock a resserré le découpage. Pour l'essentiel, il s'agit d'un raccourci de chaque séquence, avec une petite particularité: une scène de la fin, qui a disparu du montage commun Anglais, est ici maintenue...

le sel de l'intrigue. On le sait, Hitchcock l'a dit, le véritable motif du crime est la volonté de cacher l'identité sexuelle d'un personnage. Ce qui était impossible à énoncer dans le film Anglais, mais passait par une insistance à travestir le coupable, à le montrer fragile, une vraie caricature d'homo comme le cinéma le plus vieillot pouvait en commettre... Le film Allemand respecte cette embarrassante décision mais le prétexte du crime change: on disait dans la version Anglaise que le tueur ne souhaitait pas qu'on révèle qu'il était métis, ici il ne souhaite pas que son passé judiciaire s'évente...

enfin, l'interprétation est plus sobre que le film Anglais où Marshall s'égarait dans des accents trop emphatiques. Hitchcock apprenait vite, et Mary est finalement interprété de façon plus subtile, et dans les mêmes décors et les mêmes cadrages que le film d'origine...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 11:55

Nancy et Georgina Brent, deux jumelles, sont les filles d'une solide et prospère famille du Devon. Autant Nancy est volage, capricieuse, dynamique et incapable de rester en place, autant Georgina est calme, posée et pleine de retenue. Un jour qu'elle revient de Paris où on imagine qu'elle a été faire les quatre cent coups, Nancy rencontre sur le bateau Robin, un bel Américain. Mais ce serait trop simple u'elle laisse ce dernier faire sa cour comme il l'entend, alors Nancy décide de lui mettre sa soeur dans les pattes sans le prévenir. De quiproquo en quiproquo, le père qui se désespère et la fille qui s'ennuie vont tous deux partir pour changer de vie, laissant Georgina assumer l'identité de sa soeur auprès de Robin... Sauf que bien sûr, Nancy, qui a une vie dissolue à Paris, ne parviendra pas tout à fait à se faire oublier...

C'est un scénario de Hitchcock, le deuxième pour Cutts après Woman to woman, dont la particularité est d'avoir exactement la même équipe: même réalisateur bien sûr, même assistant/décorateur/scénariste (Hitchcock), mêmes stars (Betty Compson et Clive Brook)... Sauf que ce premier film, qui est hélas totalement perdu, a été un énorme succès aussi bien en Grande-Bretagne qu'aux Etats-Unis... L'idée de Cutts, qui allait ensuite la transmettre à son génial assistant, était de considérer que si la plupart des films Américains étaient meilleurs que les films Britanniques, alors il fallait voir et savoir comment ils étaient confectionnés. Et de fait ce deuxième film est dans la droite lignée d'un solide mélodrame Américain, et pas les pires: on pourrait aisément, dans cette histoire mélodramatique de deux jumelles dont l'une seulement est dotée d'une âme, voir un film de Rex Ingram, dont le style fait de touches esthétiques et de flamboyance visuelle, est assez proche de celui de Cutts. Mais le scénario, lui, est fermement ancré dans le mélo, et pas de la première fraîcheur!

Mais la mise en scène, sur les trois bobines qui nous restent (les deux premières et la quatrième, sur un total de six), nous montre une certaine assurance, un don pour les ambiances variées (avec un goût affirmé pour les scènes nocturnes bellement éclairées) et une envie de dynamisme, qui placent ce film largement au-dessus de la production Anglaise contemporaine.

Et maintenant, venons-en à la question qui fâche: on passe le plus souvent sous silence la contribution de Cutts, pour faire de ce film "le plus ancien film d'Hitchcock conservé"... Les sites les plus divers mentionnent Hitchcock comme co-réalisateur: de quel droit? J'ai vu deux films de Cutts: celui-ci, du moins les bobines qui restent, et The Rat. Ce dernier film, une comédie policière avec Ivor Novello, a été fait sans la moindre intervention d'Hitchcock. Et surprise: il est bon, voire très bon... Truffaut a fait beaucoup de mal à l'histoire du cinéma, au point de donner des oeillères à à peu près tout le monde et en particulier sur l'histoire du cinéma Britannique. Certes, la place d'Hitchcock est celle d'un géant, pas celle de Cutts. Mis de là à penser que le futur petit génie se soit fait engager par un metteur en scène aguerri auquel il aurait tout appris, c'est un peu fort de café...

Une dernière note en forme de clin d'oeil à un ami: il y a un jeune premier dans ce film, and he's one of us.

 

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Graham Cutts 1923 Muet *
15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 17:39

Frenzy avait tout pour être le bouquet final d'une des plus impressionnantes carrières de cinéaste: un résumé de toute l'oeuvre en même temps qu'une réactualisation de la plupart des thèmes, une replongée dans l'univers des premiers films qui bénéficiait de l'art, de l'exigence et de l'efficacité acquises en tant d'années de travail, et une mise en danger pour Hitchcock qui en privilégiant le tournage en extérieurs, loin des studios Universal, sortait de façon spectaculaire de sa zone de confort...

Mais on n'arrête pas l'envie de tourner, et c'est à mon avis la seule justification pour ce dernier long métrage. Il a été tourné en Californie, avec des acteurs de second plan, il est Américano-Américain, le ton est un mélange de film policier, de comédie, et c'est saupoudré d'un soupçon de comédie qu'on trouvera embarrassante ou charmante, mais pour choisir, il faudra tout simplement se baser sur l'humeur du moment. Car ce Complot de famille n'a pas grand chose pour lui...

Blanche (Barbara Harris) est une medium, qui se sert des talents de détective de son petit ami George (Bruce Dern), qui par ailleurs est chauffeur de taxi, afin d'avoir des renseignements sur ses "clients" (Généralement, plutôt des clientes), pour les convaincre de la véracité de son don. Elle est tombée sur une affaire intéressante: une dame qui cherche à entrer en contact avec sa soeur défunte pour que celle-ci lui pardonne. Quarante ans auparavant, elle lui a "volé" son enfant illégitime et l'a fait adopter par des inconnus, afin d'étouffer le scandale. Elle souhaite retrouver son neveu pour lui léguer sa fortune avant qu'il ne soit trop tard.

Pendant ce temps, nous assistons aux agissements de deux malfrats peu ordinaires: ils kidnappent des sommités, et réclament des rançons impressionnantes, en diamants. Une femme (Karen Black), blonde (A moins qu'il ne s'agisse d'une perruque) et un homme (William Devane), habillé d'une façon très élégante, et qui doit bien avoir à peu près quarante ans...

C'est long, et souvent inutilement. C'est mal foutu de bout en bout, même quand Hitchcock tente d'insérer une scène de suspense. Mais aucune, selon moi, ne fonctionne... Il faut quand même être sacrément indulgent pour accepter ces scènes interminables de tribulations en voiture sabotée dans les montagnes Californiennes, avec les acteurs qui s'agitent devant des incrustations sur fond vert, qui sont tellement mal faites qu'on jurerait un épisode de Police Squad! les héros sont à la mode des seventies: des gens comme vous et moi, qui survivent plus ou moins, et qui sont loin de la sophistication habituelle. Pourquoi pas, après tout? c'était déjà le cas dans Frenzy. Mais Blanche et George ne fonctionnent pas vraiment comme couple, et elle, supposée être le personnage principal, est irritante au possible.

C'est un peu mieux avec les deux autres, une fois qu'on aura accepté la coupe "1976" de Devane, et son insupportable sourire sous une moustache qui le rend proche d'une vision d'enfer: un mannequin pour le chapitre des cabanes de jardins, du catalogue de La Redoute 1973... Mais leur dynamique est intéressante. D'abord Devane joue un homme qui s'est construit seul en pratiquant une impressionnante politique de la terre brûlée, et a une certaine sophistication. L'idée d'un passé qu'on tente de retrouver, et qui s'avère empoisonné (Ce type n'en est pas à son premier meurtre) est séduisante, mais pas assez développée. Et cet intrigant joaillier attire sa compagne dans ses filets, en dépit des réserves de cette dernière, qui se font de plus en plus pressantes au fur et à mesure de l'évolution du film.

Mais bon, il faut quand même tenir deux heures devant ce qui reste du niveau d'un téléfilm comme Universal en concoctait à la même époque. Certains, tournés avant son succès de Jaws par Spielberg, étaient d'un autre calibre. Ca s'appelle la relève...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
12 novembre 2017 7 12 /11 /novembre /2017 10:15

Il y a une filiation inévitable entre cet avant-dernier film d'Hitchcock et The Lodger, le troisième long métrage de ce géant du cinéma: la boucle est bouclée, Hitch est enfin revenu à Londres, sans faire semblant, comme avec ses films "Anglais" réalisés aux Etats-Unis (Rebecca, Suspicion), où avec Stage Fright dont les scènes d'extérieurs avaient certes été tournées dans la capitale Britannique, mais le rôle principal, celui d'une aspirante comédienne Britannique, était interprété par Jane Wyman! Non, Frenzy, c'est du British pur jus, tourné sur place, intérieurs comme extérieurs, avec des acteurs du cru, un sujet local et un scénariste dégoté sur place: Anthony Shaffer.

On doit à ce dernier Sleuth, une pièce supposée être un chef d'oeuvre, qui a donné lieu à une adaptation par Mankiewicz, l'un des films les plus ennuyeux que j'ai vus de ma vie, probablement. Mais il y était question d'une confrontation entre deux hommes, dans laquelle hiérarchie, classe sociale, et rapport complexe (et comique, paraît-il) à la femme jouaient un rôle. Autant d'ingrédients qu'on retrouve ici, mais comme chacun sait, à chaque fois qu'il le pouvait, Hitchcock s'il n'écrivait pas ses scripts, les pilotait. Il convoquait des conférences, des réunions préparatoires, et finissait toujours par modeler le script - à distance... Ici, c'est flagrant.

Hitchcock, devenu selon ses propre dires "pâtissier" à Hollywood ("Certains films sont des tranches de vie, les miens sont des tranches de gâteau", disait-il...), revient donc sur les lieux où il a tourné tant de grands films de sa période Anglaise, et renoue avec le petit peuple Londonien, ces gens qui travaillent, qui vont au pub, qui parlent avec un accent qu'aucun film Américain n'a jamais su s'approprier. Et dans ce petit monde du petit matin, qui sent la bière (le pub) et les légumes (le marché de Covent Garden), Hitchcock insère un meurtre. Mieux: une série de meurtres, comme dans... The lodger.

On se souvient de la tendance du metteur en scène à ne jamais faire oublier au spectateur le lieu où se situe l'action, en passant autant par un rappel des endroits emblématiques (Plaza Hotel, New York; Statue de la Liberté; Mont Rushmore...) que par des clichés-clins d'oeil (dans Secret agent, on est en suisse, il y aura du chocolat; dans Foreign correspondent, la Hollande sera représentée par des parapluies et des moulins). Ici, pour insister sur le fait qu'il s'agit de Londres, on a doit à une conversation dans un pub entre deux gentlemen bien sous tout rapports, qui rappellent le caractère fondamentalement Anglais du crime sexuel!

Donc, à Londres au début des années 70, on découvre une fois de plus le cadavre d'une femme, laissée nue, une cravate autour du cou. La police est sur les dents, mais on suit plutôt les aventures assez lamentables d'un homme, Richard Blaney (Jon Finch): ancien capitaine dans l'armée de l'air, le héros n'a pas été capable de se reconvertir dans la vraie vie et traîne son alcoolisme de petit boulot en petit boulot. Au début du film, il est viré de son travail de barman dans un pub situé à deux pas du marché de Covent Garden. Un ami, le négociant en fruits et légumes Bob Rusk (Barry Foster), lui propose de l'aide, mais Blaney refuse, par fierté. Il va trouver son ex-épouse Brenda (Barbara Leigh-Hunt), qui elle aussi tente de l'aider... Sans succès. 

Le lendemain, Brenda qui tient une très digne agence de rencontres, reçoit la visite de Rusk, qu'elle connaît sous un autre nom. Elle tente de se débarrasser de lui (Ce n'est pas la première fois que "Mr Robinson" vient, et ses motivations pour trouver l'âme soeur sont entachées de demandes perverses que l'agence ne souhaite pas honorer. Mais il l'attaque, la viole, et... l'étrangle avec sa cravate. Et bien sûr, entre le départ de Rusk et le moment où sa secrétaire revient de son déjeuner, Blaney sera venu, aura frappé à la porte et sera reparti... juste le temps pour lui d'être aperçu quittant les lieux d'un crime dont la terre entière jurera que c'est lui qui l'a commis...

Blaney n'est pas un type sympathique. Il est considéré plus ou moins comme un minable par tout le monde: son ex-patron, un propriétaire de pub le considère comme un voleur (Il l'a surpris en train de se servir dans les réserves), son épouse a surtout pitié de lui... Mais deux personnes semblent vraiment l'apprécier: sa collègue Barbara (Anna Massey), qui est plus ou moins sa petite amie, et son "copain" Bob Rusk, qui est sincère quand il lui propose de l'aide au début du film. Mais le personnage traîne sa rancoeur jusqu'à son procès, et s'évadera pour régler son compte au vrai coupable! Toujours cette idée que la justice quand elle se trompe finit toujours par créer des authentiques coupables à partir des pauvres types qu'elle a dans ses griffes. Je maintiens le "pauvre type", cela dit, ça reste une assez bonne description de Blaney. Pour une fois, Hitchcock qui n'est pas lié par les conventions Hollywoodiennes, nous permet de soupçonner un peu son personnage principal (Un faux coupable, 100% Hitchcock, recette inchangée depuis 1926), comme on l'a si souvent fait au début de ses films criminels, mais ne nous fera jamais l'accepter totalement.

Par contre, Rusk est sympathique (tant qu'on ne connaît pas ses penchants du moins), serviable, et même, mais oui, drôle: Hitchcock, y compris après nous avoir révélé le pot-aux-roses, nous montre une scène durant laquelle Foster discute avec le patron du pub qui a incriminé Blaney, et se paie sa tête, mettant immédiatement le public des rieurs de son côté. Il nous le montre en pleine panade aussi, comme Norman Bates tentant de faire disparaître les traces de la victime de sa maman dans Psycho: il a assassiné une fois de plus, et se rend compte qu'il a mis un cadavre de femme nue dans un vieux sac de patates, portant dans une de ses mains un objet qui l'incrimine. La scène qui en découle, une virée nocturne d'un homme habituellement si propre sur lui, se débattant dans un camion avec une femme nue et morte, et des tubercules sales, est une nouvelle variation brillante sur le suspense tel qu'Hitchcock le pratiquait si bien... Et nous rend sacrément proche de ce personnage! Pour en finir avec Rusk (Et son accent cockney), Hitchcock a semé quelques indices qui en font un peu le petit cousin de Norman, déjà mentionné, mais aussi de ce magnifique meurtrier qu'était Bruno dans Strangers on a train. Un homme qui va au bout de ses pulsions, y compris si elles impliquent le meurtre, qu'il assume pleinement. mais aussi un homme flamboyant, bien habillé, qui se plierait en quatre pour un copain, mais qui n'aime de la femme que ce qu'il peu lui tirer de force... Et pour finir, comme ses deux "petits cousins" de crime, Rusk est doté d'une mère, une brave et terrienne dame qu'on n'a aucun problème à imaginer étouffante.

La police est présente aussi, et là encore, Hitchcock s'est amusé à remettre les pendules à l'heure: les fonctionnaires de police sont des braves gens, un peu lents, qui bien sûr (Ca va souvent avec la fonction en particulier à l'aube des années 70) sont totalement en phase avec la morale conservatrice qui les emploie. Ils ont des petits appartements, des fins de mois difficiles, et des calvities... Eux aussi, on les trouvera à l'occasion au pub, avec le peuple. C'était déjà le cas dans The lodger, dans Blackmail, dans Sabotage, et Hitchcock ne l'a pas oublié. Mais surtout, il réussit le tour de force de multiplier les gags (Tous liés à la vie quotidienne) autour de son inspecteur Oxford (Alec McCowen), l'homme en charge de l'enquête, tout en le maintenant dans les faveurs du public... Il faut dire que le pauvre n'est pas aidé: son épouse a des idées de grandeur, elle veut faire de la Cuisine avec un C majuscule... Et ce n'est pas très ragoûtant!

Alors, finalement, un faux coupable, un meurtrier maniaque dans Londres, et des petites gens qui oscillent entre médiocrité et petite vie quotidienne sans histoire? On se dit qu'il n'y a pas tant de nouveauté que ça, dans ce film d'Hitchcock... Mais on aurait tort. D'une part parce que s'il échappe de façon spectaculaire au style élégant développé par le metteur en scène dans les années 50, mais dont les derniers films avaient tourné à vide après les fulgurances de Psycho, le film n'est pas pour autant du cinéma-vérité: la mise en scène est du pur Hitchcock, en pleine possession de ses moyens, mêlant des mouvements de caméra virtuoses et efficaces, des plans-séquences magnifiquement intégrés et un dosage impressionnant des sons et de la musique. Il passe souvent par des scènes muettes, et par le regard des personnages secondaires, tous plus moralistes les uns que les autres. Il promène son regard et le nôtre dans un monde tangible, fait d'accents, de comportements, de petites habitudes et manies, de monnaies au décompte étrange, magnifiquement reproduit... Londres ne lui est pas du tout étranger même s'il n'y vit plus depuis 30 ans...

Il laisse aussi son cinéma se laisser envahir par les audaces et la crudité du cinéma de l'époque, sans jamais en abuser. Elle est insupportable, mais la scène de viol et de meurtre se justifie pleinement: comme avec les meurtres de Psycho et Torn curtain, Hitchcock appelle un chat un chat, et cesse de tourner autour du pot. Son propos est de sonder le comportement humain, il n'a pas de fausse pudeur (On notera que si Anna Massey, l'héroïne potentielle, disparaît bien tôt dans le film un peu à la façon de Marion Crane, on n'aura que des bribes de la scène de sa mort: on l'a déjà vécue avec Barbara Leigh-Hunt, inutile d'y retourner), pas non plus d'excès. Et la vision de l'humanité proposée dans ce film, l'un des plus personnels de son auteur, fait une fois de plus très très froid dans le dos. Frenzy est son dernier chef d'oeuvre.

Mais il y a quand même un point sur lequel on peut râler, sans pour autant, ce serait naïf, s'en étonner outre mesure: résumons donc... Brenda Blaney a quitté son mari (dont elle garde le nom maintenant que sa boutique a pignon sur rue) et lui a concocté un divorce aux petits oignons, avec "cruauté mentale" pour aller plus vite.

Barbara soutient son amant, mais à la première occasion elle vient chez Rusk, et avant de finir étranglée, aura probablement des rapports consentants avec lui (aucune trace de lutte dans l'appartement, au contraire: des bouteilles de jus de fruits sur la table basse témoignent du fait qu'il y a du avoir conversation à bâtons rompus...): bref, elle a probablement trompé Blaney, avec lequel elle s'apprête pourtant à fuir.

Blaney trouve refuge chez un copain, mais l'épouse de celui-ci fait tout pour l'éloigner, imposant à son mari de virer son copain.

Enfin, l'inspecteur est marié à une femme gentille comme tout, mais qui le met en danger permanent avec sa cuisine.

"Misogyne", dites-vous? Pas une surprise, en même temps, non?

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
11 novembre 2017 6 11 /11 /novembre /2017 17:30

Essayons peut-être dans un premier temps, de trouver des excuses à ce film... C'est vrai que depuis The birds, ça ne va plus très fort; c'est vrai que tout en étant indépendant, on ne peut pas forcément toujours faire exactement ce qu'on veut... Et c'est vrai que si c'est bien une erreur d'avoir lancé une telle production, le maître du suspense n'était aidé ni par son état de santé, ni par le script de ce film trop long, ni par un certain nombre de ses acteurs et enfin, ouf, ni par le livre qu'il adaptait: Topaz, de Leon Uris, un de ces romans d'espionnage qui s'immergeait dans la guerre froide et ses amusants particularismes. Des livres de ce genre, il a du en fleurir 15 par mois au début des années 60. Mais en 1969, qui intéressaient-ils encore?

Pas Hitchcock, en tout cas! Tout commence pourtant bien, par une séquence de défection à l'ouest d'un agent du KGB en résidence à Copenhague, et continue avec une histoire d'espionnage propice à bien des rebondissements: une scène de suspense dans un hôtel de Harlem où une délégation Cubaine invite toute une faune locale, de journalistes ou de militants... Quelques notations poétiques dans une séquence Cubaine qui obéit aux lois Hitchcockiennes (Elle présente les spécialités locales, mais ce ne seront pas que des cigares: foule, discours fleuve du lider maximo et torture sont en effet au menu)... mais voilà, le but de Leon Uris était politique. Il prenait parti, ce que Hitchcock n'a jamais fait. Et j'imagine qu'il a tenté d'insuffler de l'ironie là-dedans, mais... C'est raté. D'abord parce qu'on s'ennuie ferme, ensuite parce que les acteurs semblent avoir des infos contradictoires, certains adoptant un certain cynisme de bon aloi et d'autres jouant la carte du premier degré total.

Et puis il y a toute la partie française, les quarante minutes les plus ennuyeuses de la filmographie d'Hitchcock depuis au moins Juno and the Paycock! et ces personnages enfoncés dans des coucheries et autres histoires extra-conjugales, mais pas un d'entre eux ne nous donne envie de le soutenir ou d'avoir ne serait-ce que pitié de lui ou elle.

Pouah.

Bref, dans ce film qu'il n'avait pas envie de faire, avec des acteurs qu'il n'avait pas envie de diriger (Le personnage de Frederick Stafford mériterait de se faire assassiner sous la douche dans les trois premières minutes si vous voulez mon avis: l'acteur est nul. Mais alors nul. Sourcil inquisiteur, et une gamme d'expressions qui est réduite à une seule grimace, du début à la fin), il tente de mettre un peu de suspense, et d'atténuer la charge violemment anti-communiste qui est tellement ridicule que même McCarthy et Hoover ont du la trouver excessive. mais loin de sa partie, même Hitchcock ne peut pas tout.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
21 août 2016 7 21 /08 /août /2016 09:23
Torn curtain (Alfred Hitchcock, 1966)

Le rideau qu'on a déchiré, dans le titre de ce film, est bien entendu le rideau de fer. Torn curtain naît de la présence occasionnelle dans les journaux d'anecdotes contant la défection de scientifiques de l'Ouest... Entre la fin de la guerre et le début des années 60, s'est très prudemment tenu à l'écart de la politique, et n'a jamais eu besoin de nommer ses espions (Ou ses commerçants en secrets, comme le fameux et excellent van Damme de North by northwest). C'est pourquoi l'apparition de deux films qui se vautrent dans le dur de la guerre froide (Par souci de suivre la mode du "réalisme"?) font tâche au milieu de son oeuvre... Mais ce n'est pas la seule raison. Le meilleur des deux reste bien sur celui-ci, remarquez...

Le professeur Michael Armstrong (Paul Newman) et son assistante Sarah Sherman (Julie Andrews) participent tous deux à un congrès en Scandinavie, mais le comportement de Michael intrigue de plus en plus Sarah: il n'était pas franchement emballé face à la décision de la jeune femme de l'accompagner, reçoit des messages intrigants et doit retirer un colis suspect dans une étrange librairie à Copenhague. Sans prévenir, il rompt avec Sarah, et annonce se rendre à Stockholm... En fait, c'est à Berlin Est que Michael, suivi de Sarah qui ne digère pas la situation et veut la comprendre jusqu'au bout, se retrouve, et annonce devant un parterre de journalistes, qu'il a décidé d'offrir ses services aux "démocraties populaires"... Mais on va se rendre très vite compte, bien entendu, que la vérité est beaucoup plus complexe.

Le film est raté à plus d'un titre, et pour commencer, bien sur il est trop long. Bien que divisé en trois parties distinctes, il est mal foutu et souffre d'un déséquilibre qui est essentiellement du à une scène longue, mais longue... Je veux parler du voyage en bus, motivé par la nécessité de "sortir" les deux Américains d'Allemagne de l'Est. Si on apprécie l'arrivée de Julie Andrews dans l'univers d'Hitchcock, qui campe une jeune femme "moderne" mais pas trop, on peut quand même faire remarquer qu'elle n'est que l'assistante du professeur Armstrong... En matière de modernité, on peut sans doute faire mieux! C'est malgré tout elle qui va nous fournir le point de vue nécessaire à la compréhension de la première partie (Durant laquelle elle doit croire à la défection de son fiancé), même si on peut la juger bien naïve au départ. Et elle acquiert une noblesse qui reste valide jusqu'à la fin du film... Mais Paul Newman est antipathique au possible, par exemple lorsqu'il manipule un professeur Est-Allemand pour lui soutirer des secrets, ce qui est rappelons-le le but de sa mission!

Quelques passages surnagent vraiment, à commencer par l'accumulation de mystères autour du personnage de Michael, vus par Sarah qui a peur de comprendre... Les moments durant lesquels le film ressemble à un petit thriller, au début, sont rendus d'autant plus intrigants par l'absence de musique... La scène la plus célèbre est celle durant laquelle le policier qui suit Michael partout se fait tuer... par un universitaire Américain et une fermière est-Allemande, et ni l'un ni l'autre ne savent y faire, alors Hitchcock nous montre, enfin, à quel point il est difficile de tuer un homme! Une jolie scène, muette et vue à distance, durant laquelle Michael révèle enfin à Sarah qu'il est en fait en mission pour les Etats-Unis, est gâchée par le fait qu'il est impossible que les Est-Allemands qui regardent eux aussi la scène ne se doutent pas de ce qui est en train de se passer...

J'ai fait allusion plus haut à l'absence occasionnelle de musique. L'histoire est connue: Bernard Herrmann a bien composé une partition pour le film, mais elle fut refusée. Hitchcock lui a substitué une bande originale de Henry Mancini, qui n'a pas été très inspiré... Une page se tourne. Et le film suivant sera encore pire.

Torn curtain (Alfred Hitchcock, 1966)
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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock