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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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13 juin 2024 4 13 /06 /juin /2024 14:54

Restauré par le BFI, dont les techniciens ont fait ce qu'ils ont pu avec les pauvres copies en 16 mm qui restent de ce film, Easy virtue est l'un des films mal-aimés d'Hitchcock, et je ne parle même pas du public ici, mais bien du maître lui-même... Cinquième réalisation après The pleasure garden, The mountain eagle, The Lodger et Downhill, le film est une adaptation d'une pièce de Noel Coward, donc dès le départ un type de sujet qui n'attirait pas vraiment l'auteur, déireux de poursuivre la voie policière engagée avec The lodger en 1926; il conte les mésaventures d'une femme lâchée dans la jungle de la haute société Britannique après le scandale retentissant de son divorce: à l'instigation de son mari alcoolique et brutal, elle avait posé pour un peintre qui se confondait d'amour pour elle, s'était suicidé et lui avait légué sa fortune. Suite à la publicité malencontreuse autour de cette affaire, Larita Filton décide donc de changer de nom et d'horizon, et part se dorer la pilule sur la Côte d'Azur, ou elle ne tarde pas à rencontrer le grand amour en la personne d'un Anglais jeune, riche, beau, et célibataire. Ils se marient, et rentrent en Angleterre, où il sera bien difficile à Larita Filton (Isabel Jeans) d'affronter les effets pervers de la résurgence du passé.

Pas de crime ici, pas d'enquête: juste une culpabilité affichée, stigmatisante, pour une femme qui n'a rien fait que d'être désirée. Bien sur, on comprend ce qui a pu rebuter HItchcock a posteriori dans ce film (Ainsi que dans d'autres oeuvres Anglaises qui l'embarrassaient à la fin de sa vie): cette impression d'insularité, d'impossibilité pour le film d'avoir un sens réel à l'exterieur d'un contexte Britannique, est gênante comme l'est du reste souvent toute intrigue mélodramatique. Mais Larita est coupable aux yeux de la société, d'avoir inspiré le divorce, et de ne pouvoir faire rien d'autre que de provoquer à la fois désir et méfiance chez les hommes... Hitchcock, tout en remplissant son contrat (Le film est donc un mélodrame froid sans humour, situé en partie sur les rives ensoleillées de la méditerranée), offre quelques séquences personnelles, dont celle du procès qui ouvre le film, dans laquelle le cinéaste s'amuse à mélanger le temps présent et les flash-backs en cadrant sur un objet, en rebondissant sur une idée. Comme d'habitude, il sait à merveille inspirer chez le spectateur l'impression de palper la culpabilité, qu'elle soit réelle ou ressentie... Et il réussit une courte scène sur une idée géniale: une déclaration d'amour au téléphone nous est livrée par les réactions d'une belle standardiste qui entend toute la conversation. Nous savons ce qui se dit grâce à ses impressions qu'il nous suffit de lire sur son visage. Une belle idée, donc, et quelques minutes à sauver. C'est bien peu pour un film, mais c'est bien plus que ce que je sauverais de The Skin game ou de Juno and the paycock... Signalons par ailleurs que le film a fait l'objet d'un remake en 2008.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927 **
10 juin 2024 1 10 /06 /juin /2024 14:48

Au moment d'aborder son quatrième film lors de ses entretiens avec François Truffaut, Hitchcock sur la défensive part bille en tête sur l'hypothèse que Downhill est un fort mauvais film. Ce qui est étonnant, et Truffaut de son côté ne manque pas de le noter... Peut-être Hitchcock a-t-il difficilement digéré, après avoir réussi à imposer son style et ses idées dans un film entièrement fait selon son coeur (The lodger) de devoir à nouveau composer avec d'autres (Producteur, scénariste en vue, et pour couronner le tout, ce dernier est aussi l'acteur en vue de ce film...). On a pourtant ici un aspect plus qu'intéressant: le film parle après tout d'un thème qu'il a déjà abordé dans The lodger, et dont on sait à quel point il lui sera cher toute sa carrière durant: le faux coupable...

Roddy Berwick (Ivor Novello) est un jeune étudiant auquel tout réussit: son père est justement fier de lui. Mais un jour, tout bascule: une jeune femme qui travaille dans une boutique proche de l'université l'accuse d'avoir piqué dans la caisse; il ne l'a pas fait, mais connait le coupable, et pour l'honneur de l'université refuse de le dénoncer. Il est exclu, puis son père le déshérite... il doit quitter le confortable domicile familial, son avenir, et toute perspective de bonheur, tout ça pour rien... Il se retrouve vite dans la déchéance, fait un héritage imprévu qu'il va dilapider dans un mariage absurde, et va aller plus bas encore...

Les motifs de satisfaction ne manqueraient pas pour le jeune Hitchcock ici: d'une part, son désir de tout faire passer par l'image à l'instar de son maître Murnau se concrétise souvent, et avec d'excellentes idées; ensuite, il donne à voir un film bien de son temps, rythmé par une musique omniprésente, ce qui est étonnant pour un film muet! Et surtout, il donne vie au titre et à l'idée de déchéance qu'il contient, en montrant à l'issue de chaque nouvelle expérience Roddy Berwick sur une pente descendante, avec à chaque fois une nouvelle façon de le dire, toujours intégrée dans la dynamique de l'histoire: l'escalier chez ses parents, un escalator, un ascenseur, jusqu'à un escalier miteux dans une maison Marseillaise, ou une passerelle qui le mène, à demi-conscient vers un bateau.

Mais là ou on suivrait malgré tout le metteur en scène, c'est lorsqu'on s'aperçoit que toute cette déchéance repose sur du vide... Ce qui rend The lodger si fort, c'est l'ambiguité du personnage principal... Cette impression qu'il ne lui faudrait pas grand chose, comme tant de héros Hitchcockiens dont certains franchiront la ligne jaune d'ailleurs, pour être un vrai coupable. Roddy Berwick et son code d'honneur, coupable de rien, mais qui perd son droit d'appartenance au système de valeurs conservatrices hérité de dizaines de Lords hautains et condescendants, manque cruellement d'intérêt, aussi bien pour nous que pour un Hitchcock qui a si souvent dépeint la classe ouvrière Londonnienne avec tant d'esprit et d'affection. Et on serait parfois presque tenté de ricaner, notamment lorsqu'il tombe dans les griffes d'une chasseuse d'héritiers en mal d'épouse, interprétée par Isabel Jeans, accompagnée de l'excellent Ian Hunter qui joue son complice en affaires. Là se niche sans doute la raison du désamour d'Hitchcock pour ce film, et le fait qu'il s'agit quand même d'un long métrage mineur, assurément.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927 **
9 juin 2024 7 09 /06 /juin /2024 21:25

Londres, milieu des années 20. Dans le quotidien bien agencé de ses habitants, un monstre vient tout gâcher, et assassine des jeunes femmes, toutes blondes. La psychose s'empare de la ville, en particulier des jeunes femmes qui travaillent tard, comme par exemple les chorus girls du spectacle "Golden Curls (Boucles blondes)". Le meurtrier opère dans un quartier bien délimité, et laisse sur les cadavres de ses infortunées victimes un petit papier sur lequel il a dessiné un triangle, avec une inscription en guise de signature: The avenger (le vengeur)...

C'est dans ce contexte que dans une modeste bâtisse tenue par un couple de retraités, les Bunting, vient s'installer un mystérieux étranger. L'homme qui a décidé de louer la chambre est secret, peu bavard, mais surtout il tranche sur la petite famille simple par son air torturé et sa réaction d'horreur devant la décoration de la chambre: il fait tout de suite enlever les jolies images un peu polissonnes de beautés blondes déshabillées qui ornaient sa chambre. Par contre il s'entend très bien avec Daisy, la jolie fille blonde des Bunting, qui travaille comme mannequin, ce qui n'est pas du goût du fiancé auto-proclamé de celle-ci, un policier qui travaille sur l'affaire de l'Avenger; aussi, lorsqu'il devient de plus en plus clair que l'étranger non seulement est lié à l'affaire, mais pourrait bien être le meurtrier lui même, les choses se compliquent pour tout le monde...

Bien que le film soit déjà son troisième, après The pleasure garden et le film perdu The mountain eagle, on a coutume de référer à The lodger comme étant le "premier Hitchcock picture", selon les mots du Maître lui-même. Ca s'explique et se justifie très bien en effet: c'est pour commencer le seul de ses films muets (Si on considère l'hybride Blackmail, 1929, comme un film parlant) à traiter d'une histoire criminelle, et à se situer dans un Londres contemporain marqué par les petites histoires quotidiennes de sa classe ouvrière: de fait, Daisy (Interprétée par le mannequin June) travaille, le policier joué par Malcolm Keen est aussi un homme occupé, et on a le sentiment ici que le réalisateur est dans un milieu familier, ce qui sera confirmé par la plupart de ses films Anglais, situés le plus souvent dans le petit peuple Anglais plus que dans la gentry... 

Mais évidemment, si on peut comprendre le plaisir du metteur en scène à se plonger enfin dans l'Angleterre telle qu'il l'aime et la connait après deux films tournés en Allemagne, l'aspect criminel du film est le plus notable, compte tenu du tournant que prendra bientôt sa carrière. Et dès ce premier exercice policier, le metteur en scène est parfaitement à l'aise avec un genre qu'il va contribuer à définir: il manie avec dextérité les formes héritées du cinéma Allemand, l'utilisation des ombres, l'installation d'une atmosphère quotidienne envahie par l'angoisse, la brume, et sait à merveille donner à voir les sensations: la peur, mais aussi le bruit (Les scènes qui nous montrent des gens qui écoutent, tout en réussissant à visualiser le bruit entendu, sont nombreuses, et les intertitres ne sont pourtant pas sollicités.). Hitchcock, précurseur de Welles à cet égard, manipule aussi avec talent les images pour donner à voir le sentiment d'urgence et la propagation médiatique de la terreur, en intercalant les images de découvertes du corps d'une femme, les réactions du peuple de Londres, les débuts de l'enquête, puis la façon dont la presse se met en branle. Les intertitres sont également utilisés pour compléter cette information plus que pour la relayer, et le texte est parfois utilisé comme image, ou réciproquement, ainsi le leitmotiv de l'enseigne néon "Tonight, golden curls", qui rappelle d'une part la continuation des activités (the show must go on!), mais aussi effectue un renvoi à l'obsession du tueur pour les blondes.

Et puis, il y a bien sûr dans The Lodger des thèmes qui font une première apparition, ou d'autres qui auront une résonance intéressante dans le reste des films d'Hitchcock. je prends conscience ici de manipuler une information qui est supposée rester une surprise dans le film, mais que la plupart des fans du metteur en scène ou des cinéphiles s'accorderaient à ne considérer que comme un secret de polichinelle: le héros, joué par la star du film Ivor Novello, n'est pas le coupable. C'est un faux coupable, comme tant de héros Hitchcockiens futurs, mais qui prend toute la place, à tel point que l'arrestation du vrai Avenger a lieu hors champ, sans qu'on s'y intéresse plus avant. Ce qui compte dans ce film, c'est non pas qu'on détermine si le héros est bien le serial killer, mais plutôt qu'on puisse le soupçonner de l'être, comme le font la plupart des protagonistes. D'ailleurs, le parallèle entre les deux est frappant, et souvent souligné, à commencer par le nom du tueur: c'est précisément par désir de vengeance contre l'assassin qui se surnomme lui-même le vengeur que Novello vient s'installer en plein dans le quartier des meurtres, car sa soeur était la première victime. Donc le vrai Avenger, c'est bien lui...

Dans le quotidien d'une ville généralement considérée comme relativement paisible, tout en étant industrieuse, Hitchcock a lâché son premier meurtrier, mais il a aussi peint un amour inattendu, relevé dans son quotidien, amour naissant entre le héros et Daisy. Celle-ci, jeune femme indépendante et suffisamment intelligente pour ne pas céder à la panique contrairement au reste de la ville, a su reconnaître en ce bel étranger un idéal amoureux, qui va d'ailleurs la pousser à s'installer très vite dans le quotidien du jeune homme: sans être nécessairement érotique, leur complicité est vite affichée, assumée, physique, ce que confirme une scène durant laquelle le jeun homme veut lui parler, alors qu'elle prend un bain. Entre la nudité de la jeune femme (Pudiquement représentée), l'eau, la vapeur du bain et la porte qui les sépare, les obstacles à l'intimité sont nombreux, mais ne les gênent pas pour communiquer. Par opposition, les tentatives du policier de provoquer une complicité avec Daisy sont gauches et peu probantes... Par contre, Novello et l'actrice June sont à plusieurs moments surpris dans les bras l'un de l'autre. Mais la jeune femme, victime potentielle évidente, ne sera jamais autre chose qu'un refuge, une protection pour le jeune homme, à plus forte raison pendant la tentative de lynchage que la population exerce sur lui; c'est elle qui le recueille, l'aide même à s'enfuir, comme plus tard madeleine Carroll (The 39 steps) ou Eva Marie-Saint (North by Northwest). Bien sûr, la figure féminine principale évoluera de film en film, jusqu'à assumer des formes beaucoup plus complexes...

On peut aussi regretter que dans ce film, contrairement à ce qui deviendra souvent la règle chez Hitchcock, on ne parvient pas à ressentir de façon très claire le danger dans lequel l'héroïne est supposée se trouver. Ca en affaiblit quelque peu la portée, sans pour autant complètement gâcher la fête.

 

The Lodger est sans doute le plus intéressant des films muets de son auteur (Même s'il ne faut en négliger aucun!), et c'est un film dont le style comme la thématique anticipe le mieux sur les festivités à venir. et surtout c'est un manifeste totalement Anglais dans la peinture tendre du quotidien d'un Londonien, qui doit faire attention à sa consommation de gaz, louer une chambre pour joindre les deux bouts, qui vit dans un quasi sous-sol, et doit parfois avoir de la petite monnaie sur soi pour faire marcher certains appareils (Chauffage, gaz, voire ici un coffre-fort dans la chambre du héros)... Un endroit ou les gens qui sont réunis autour d'un fish and chips sont pour certains des gens qui auront à défendre chèrement leur peau lors du blitz quelques 15 années plus tard. Tout ça, en plus, du sempiternel "faux coupable", de l'amour entre un mystérieux homme et une jolie blonde, d'une impression que votre voisin pourrait bien être Jack L'Eventreur, à moins que ce ne soit vous même, est enrobé dans une mise en scène à la virtuosité admirable. ...Vous avez dit "Hitchcockien"?

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 Alfred Hitchcock Criterion **
9 juin 2024 7 09 /06 /juin /2024 16:30

C'est le premier film d'Alfred Hitchcock, et si le Maître lui-même n'a pas beaucoup vanté les mérites de ce film, préférant considérer son troisième long métrage (The Lodger, son premier film policier, ceci expliquant cela) comme le premier de ses "vrais" rejetons, il vaut bien mieux que ce que le metteur en scène pouvait en dire. Il est vrai que la situation était probablement frustrante: comme The mountain Eagle, son deuxième film (Dont aucune copie n'a survécu), The Pleasure Garden est un film Britannique, mais tourné par le producteur Michael Balcon dans les studios Allemands. Hitchcock se trouvait donc confronté à un cinéma riche (Il aurait selon la légende assisté à quelques heures de tournage de Faust de Murnau!!) et inventif, tenté de suivre cette voie, mais contraint de rendre une copie aussi tiède que possible à ses commanditaires Anglais. Pourtant, ce mélodrame haut en couleurs et fort en improbabilité est tout sauf commun...

On y assiste à la rencontre entre deux femmes, Patsy, une "chorus girl" (Virginia Valli) qui travaille dans la boîte "The Pleasure garden", et Jill, une aspirante danseuse que Patsy accueille chez elle. Sous l'apparence d'une oie blanche (Elle s'agenouille pour prier avant de se coucher), elle est en fait dotée d'une redoutable ambition. Lorsque Hugh, le petit ami de Jill débarque, celle-ci lui promet monts et merveilles mais s'offre à des mécènes, pendant que Patsy qui est vaguement amoureuse de Hugh cède à la cour effrénée du partenaire de celui-ci, et accepte sa proposition de mariage. Mais les deux hommes doivent repartir pour les colonies pour des raisons professionnelles, et Patsy ne sait pas que son mari est en ménage avec une indigène...

Il y a de tout dans ce premier film d'Hitchcock, de tout et même de n'importe quoi... D'une part, HItchcock utilise le monde du spectacle pour montrer un microcosme, comme il le refera souvent durant sa période Anglaise, et il montre surtout son amour des petites gens, incarnés par Patsy, par opposition à l'ambition démesurée de Jill, et aux hommes riches et au monde faux qui l'entourent. Puis il questionne les sentiments des uns et des autres avant de nous montrer, de façon surprenante (Dans une des meilleures scènes du film, bien sûr), son premier meurtre. Il le tourne de façon frontale: endu fou probablement par les fièvres et l'alcool, un homme entre dans l'eau pour rejoindre sa petite amie, indigène de l'île où il séjourne. Elle croit qu'il veut la prendre dans ses bras, et en toute confiance vient vers lui... alors qu'il va l'étrangler.

Pourtant, la meilleure partie est sans doute à trouver au début du film, et nous démontre que dès ses débuts dans la réalisation en solo (après avoir étudié tous les aspects du cinéma), le metteur en scène savait comme personne camper un univers, et bien qu'il le faisait en Allemagne, cette efficacité renvoyait à son affection profonde pour le cinéma Américain... Quand on entre de plain-pied dans le music-hall où est située l'action, on jurerait qu'on va assister à un film de Harold Lloyd, et cela continue avec la description des vieux messieurs fortunés qui s'intéressent d'un peu trop près aux jeunes aspirantes artistes!

Une curiosité, certes, qui a souffert des ravages du temps... Mais quelle carrière... et ce n'était que le début.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1925 *
9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 17:02

Probablement n'avait-il pas de film glorieux à réaliser, sachant que son effort suivant serait l'innommable The skin game, un ratage intégral... Mais Hitchcock, qui avait travaillé quelques années en Allemagne, n'a eu aucun mal à accepter une commande, celle de réaliser un remake Germanophone de son dernier film, Murder. Contrairement à ce qui se passe habituellement, avec les versions multiples, ce long métrage a donc été fait après la complétion de la version Britannique, et présente quelques différences:

le casting bien sûr! en lieu et place de Herbert Marshall, le froid Alfred Abel qui s'en sort assez bien, et Olga Tschekowa reprend le rôle joué auparavant par Norah Baring; elle est hélas assez inexistante dans le film... Sinon, on remarquera quand même quelques acteurs qui vont reprendre leur rôle et se débrouiller en Allemand: Miles Mander et Donald Calthrop, dont le rôle déjà mineur va être encore plus réduit...

le montage est différent, mais essentiellement parce que Hitchcock a resserré le découpage. Pour l'essentiel, il s'agit d'un raccourci de chaque séquence, avec une petite particularité: une scène de la fin, qui a disparu du montage commun Anglais, est ici maintenue...

le sel de l'intrigue. On le sait, Hitchcock l'a dit, le véritable motif du crime est la volonté de cacher l'identité sexuelle d'un personnage. Ce qui était impossible à énoncer dans le film Anglais, mais passait par une insistance à travestir le coupable, à le montrer fragile, une vraie caricature d'homo comme le cinéma le plus vieillot pouvait en commettre... Le film Allemand respecte cette embarrassante décision mais le prétexte du crime change: on disait dans la version Anglaise que le tueur ne souhaitait pas qu'on révèle qu'il était métis, ici il ne souhaite pas que son passé judiciaire s'évente...

enfin, l'interprétation est plus sobre que le film Anglais où Marshall s'égarait dans des accents trop emphatiques. Hitchcock apprenait vite, et Mary est finalement interprété de façon plus subtile, et dans les mêmes décors et les mêmes cadrages que le film d'origine...

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock
7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 11:55

Nancy et Georgina Brent, deux jumelles, sont les filles d'une solide et prospère famille du Devon. Autant Nancy est volage, capricieuse, dynamique et incapable de rester en place, autant Georgina est calme, posée et pleine de retenue. Un jour qu'elle revient de Paris où on imagine qu'elle a été faire les quatre cent coups, Nancy rencontre sur le bateau Robin, un bel Américain. Mais ce serait trop simple u'elle laisse ce dernier faire sa cour comme il l'entend, alors Nancy décide de lui mettre sa soeur dans les pattes sans le prévenir. De quiproquo en quiproquo, le père qui se désespère et la fille qui s'ennuie vont tous deux partir pour changer de vie, laissant Georgina assumer l'identité de sa soeur auprès de Robin... Sauf que bien sûr, Nancy, qui a une vie dissolue à Paris, ne parviendra pas tout à fait à se faire oublier...

C'est un scénario de Hitchcock, le deuxième pour Cutts après Woman to woman, dont la particularité est d'avoir exactement la même équipe: même réalisateur bien sûr, même assistant/décorateur/scénariste (Hitchcock), mêmes stars (Betty Compson et Clive Brook)... Sauf que ce premier film, qui est hélas totalement perdu, a été un énorme succès aussi bien en Grande-Bretagne qu'aux Etats-Unis... L'idée de Cutts, qui allait ensuite la transmettre à son génial assistant, était de considérer que si la plupart des films Américains étaient meilleurs que les films Britanniques, alors il fallait voir et savoir comment ils étaient confectionnés. Et de fait ce deuxième film est dans la droite lignée d'un solide mélodrame Américain, et pas les pires: on pourrait aisément, dans cette histoire mélodramatique de deux jumelles dont l'une seulement est dotée d'une âme, voir un film de Rex Ingram, dont le style fait de touches esthétiques et de flamboyance visuelle, est assez proche de celui de Cutts. Mais le scénario, lui, est fermement ancré dans le mélo, et pas de la première fraîcheur!

Mais la mise en scène, sur les trois bobines qui nous restent (les deux premières et la quatrième, sur un total de six), nous montre une certaine assurance, un don pour les ambiances variées (avec un goût affirmé pour les scènes nocturnes bellement éclairées) et une envie de dynamisme, qui placent ce film largement au-dessus de la production Anglaise contemporaine.

Et maintenant, venons-en à la question qui fâche: on passe le plus souvent sous silence la contribution de Cutts, pour faire de ce film "le plus ancien film d'Hitchcock conservé"... Les sites les plus divers mentionnent Hitchcock comme co-réalisateur: de quel droit? J'ai vu deux films de Cutts: celui-ci, du moins les bobines qui restent, et The Rat. Ce dernier film, une comédie policière avec Ivor Novello, a été fait sans la moindre intervention d'Hitchcock. Et surprise: il est bon, voire très bon... Truffaut a fait beaucoup de mal à l'histoire du cinéma, au point de donner des oeillères à à peu près tout le monde et en particulier sur l'histoire du cinéma Britannique. Certes, la place d'Hitchcock est celle d'un géant, pas celle de Cutts. Mis de là à penser que le futur petit génie se soit fait engager par un metteur en scène aguerri auquel il aurait tout appris, c'est un peu fort de café...

Une dernière note en forme de clin d'oeil à un ami: il y a un jeune premier dans ce film, and he's one of us.

 

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Graham Cutts 1923 Muet *