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12 août 2023 6 12 /08 /août /2023 15:59

Après Zorro, après D'artagnan, Fairbanks passe à la légende de Robin Des Bois. Celui-ci est un mythe né au Moyen-Age, avec lequel l'histoire tend à se confondre depuis si longtemps, qu'on s'étonnerait presque des libertés prises par Fairbanks et son équipe, alors que c'est systématique: dernier en date, le film de Ridley Scott, tout en cédant à une certaine fore de réalisme, n'en est pas moins totalement faux sur bien des points historiques, relatifs à Richard et John, roi et prince, notamment. Mais à la vérité, ce qui fait le plaisir de confectionner un Robin Hood est ailleurs: si ce Robin qui fait partie de l'impressionnant cycle de films monumentaux de Douglas Fairbanks ne joue jamais la carte de la parodie, et installe définitivement un certain nombre de constantes graphiques, il y a beaucoup ici de plaisir de filmer les châteaux, de costumer les acteurs, de grimper aux rideaux et de bondir...

Mais Fairbanks, soucieux d'appliquer la recette de Dumas pour ses Trois mousquetaires, qui a longuement retardé l'entrée de D'Artagnan dans le corps des Mousquetaires, a ici résolu de créer un long prologue, expliquant par un contexte expliqué point par point durant 65 minutes la décision du comte de Huntingdon d'entrer en résistance sous le nom de Robin Hood. Et paradoxalement, c'est la meilleure partie du film! C'est là que Dwan et Fairbanks recréent leur moyen-age à eux, avec ses immenses châteaux, ses costumes, et des décors naturels superbes (Dont j'imagine que le Robin Hood de Curtiz les reprendra sans hésitation).

La deuxième partie du film vire assez rapidement au systématisme, et le personnage de Robin Hood une fois doté de ses oripeaux n'a plus rien à prouver, et bondit bien sûr dans tous les coins avec application, son seul enjeu étant de sauver Lady Marian (Enid Bennett, après quatre films en compagnie de Marguerite de la Motte) des griffes de l'affreux John... en augmentant l'échelle de ses films, Fairbanks a semble-t-il négligé de développer plus avant ses personnages pour qu'ils soient un peu plus que des pantins bondissant dans tous les sens... Il y reviendra avec le film suivant, qui le verra justement réfléchir à de nouvelles façons d'intégrer ses personnages dans les décors, en utilisant des ressources plus vant-gardistes, dont la danse. 

Mais ce Robin Hood énorme, avec ses châteaux en trompe l'oeil, est un e date importante, un film ambitieux qui semble à lui tout seul vouloir résumer les possibilités expressives des décors et des costumes au cinéma muet. Un spectacle autrement plus inéressant et qui contrairement au Puy du fou, ne tente pas de faire passer en douce un message réactionnaire derrière un pseudo spectacle historique.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 Douglas Fairbanks Allan Dwan **
18 janvier 2023 3 18 /01 /janvier /2023 16:21

A Oxford, un Américain qui vit sur place depuis quinze années, et est amoureux d'une jeune femme locale, doit rentrer au pays, à la demande de sa famille... Mais il sait qu'ils vont refuser son choix et lui imposer une riche héritière. Son meilleur copain Dick (Douglas Fairbanks) décide de prendre sa place, vu que la famille n'a pas vu Reginald depuis son enfance, et de résoudre les problèmes liés à la situation. Quand il arrive au Etats-Unis, il comprend très vite que la partie n'est pas gagnée: les trois tantes de Reginald n'ont aucune envie de déroger aux traditions, et son oncle est complètement coincé. Et sa soeur est, comme l'infortuné Reginald, tenue de se marier avec un parti riche et bien vu en société... Mais Dick décide qu'il va "tout résoudre", car comme il le dit "I'll fix it!"...

C'est une charmante comédie, un de ces films absurdes, gentils et joviaux comme Fairbanks et ses copains (Albert Parker, John Emerson, Christy Cabanne, Victor Fleming et Allan Dwan) en pondaient plusieurs par an! Mais c'est tellement bien fait, sans jamais se prendre au sérieux, tout en distillant un gentil message optimiste, qu'on se laisse totalement prendre... Et la façon dont le "faux" Reginald va imposer à "sa" famille complètement coincée toute une marmaille d'enfants qui sont nés du mauvais côté de la barrière, en les prenant par les sentiments, est un beau moment.

Et la principale leçon, dans ce film qui nous conte un "choc de cultures" peu banal, est bien sûr que cette insupportable manie des riches de vouloir maintenir les classes sociales et les traditions, est finalement contraire à ce qui fait l'Amérique... 

Le film est miraculé, il fait partie des dernières redécouvertes d'un film muet important de ces dix dernières années, grâce à une restauration bien menée, sur une copie détenue par un chanceux collectionneur. Il n'y a pas si longtemps, aucun film de l'année 1918 n'avait survécu parmi les nombreuses productions de Douglas Fairbanks d'avant ses épopées en costume... C'est une raison de plus de se réjouir de l'existence de celui-ci.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Douglas Fairbanks Allan Dwan Comédie 1918 **
25 avril 2021 7 25 /04 /avril /2021 18:38

En Californie, la ruée vers l'or va bouleverser la donne, et pour une famille de propriétaires terriens qui vont tout perdre dans un pari idiot, l'arrivée de tous ces étrangers, qui parlent tous Anglais, est vécue come un traumatisme... Pourtant Dermod D'Arcy, le bel aventurier au coeur d'or (George Duryea) va émouvoir la belle et fière Josephita (Renée Adorée) et la convertir à la nouvelle donne... Mais ce ne sera pas facile!

La MGM est arrivée un peu tard dans la bataille des grands films épiques sur la conquête du territoire, d'autant qu'en 1923-1924, l'essentiel a été joué à travers la présence de deux chefs d'oeuvre définitifs: The covered wagon de Cruze en 1923, puis The iron horse de Ford en 1924. Néanmoins la firme du lion a mis en chantier le très beau The trail of 98 qui explorait sous la direction de Clarence Brown, la ruée vers l'Or aux confins de l'Alaska (et était lui-même aux confins du western). Ce film muet tardif avait tout d'un complément de programme sur le papier, mais le confier à Allan Dwan, vétéran encore plus qu'actif, et cinéaste au goût et aux capacités impressionnantes, en a quand même fait une oeuvre formidable...

Certes, on est en plein MGM land, mais Dwan transcende assez facilement le style maison, et s'approprie le cadre de manière impressionnante. Il donne à voir à plusieurs reprises sa vision d'une caméra mobile en mettant en avant le tumulte des boom-towns, avec un lent travelling arrière capté en hauteur, qui donne parfois l'impression d'être un zoom... Il garde un tempo constamment enlevé à son intrigue, et profite du beau visage plastique de Renée Adorée, qui domine sans aucun problème l'interprétation du film. Il utilise aussi à merveille les gros plans pour lui permettre d'exprimer les émotions requises par son personnage de jeune Californienne d'origine Espagnole... 

Réalisé entre The iron mask (pour Fairbanks) et The far call (Un film perdu, pour la Fox), c'est aussi son avant-dernier film muet, et sans doute le plus spectaculaire des films muets de la MGM produits cette année-là, avec l'étrange The mysterious island, bien entendu...

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Western Muet Allan Dwan *
27 mars 2021 6 27 /03 /mars /2021 16:49

Mary Bussard (Marion Davies) n'est pas vraiment une "Bussard de Boston): sa maman s'est mariée à John, un représentant de cette famille d'insupportables pères-la-pudeur, et (comme le dit un intertitre) "heureusement pour elle, elle est décédée"... A la mort de son beau-père, Mary apprend qu'elle n'héritera que sous deux conditions: la première, c'est de vivre avec la famille Bussard pendant un an; la deuxième c'est de ne pas se marier avant la fin de la période d'essai. Elle rejoint sa famille, et c'est un cauchemar: le frère de son beau-père étant celui qui n'a pas réussi, ils sont encore plus mesquins! Pour se distraire, Mary peut compter sur les visites de James Winthrop (Norman Kerry), mais celui-ci se retrouve en butte avec l'opposition des Bussards qui aimeraient bien caser leur fille plutôt que Mary, avec l'élégant playboy...

C'était déjà le cinquième film de Marion Davies, mais c'est surtout un moment important puisque c'est sa première comédie... Et la grande surprise, c'est que ce fut un grand succès! On sait que l'ombrageux propriétaire de Cosmopolitan, William Randolph Hearst, n'aimait pas que sa protégée se compromette dans le rire, mais c'est exactement ce qu'elle voulait faire... Et avec la patte experte d'Allan Dwan, l'omniprésent metteur en scène qui fisait déjà merveille en compagnie de Douglas Fairbanks, elle est excellente. Le film, lui, ne l'est pas tout à fait même si on retrouve l'univers assez particulier des films Cosmopolitan: une lente exposition, beaucoup d'intérieurs, et vers la fin un décor qui écrase tout! Pourtant Dwan reste concentré sur son intrigue et ses personnages... Et il trouve toujours des solutions pour s'approcher de ceux-ci, et tirer parti du naturel d'une actrice qui se réjouit enfin de faire ce qu'elle aime.

Forcément, il oppose d'un côté l'abominable famille de Boston, leur mesquinerie et leurs préjugés, et la tendresse incarnée dans cette jeune femme qui transfert les affections absentes sur son tout petit chien, ou encore Norman Kerry en élégant homme du monde, qui est sympathique en toute circonstances: ce type jouerait le bourreau dans un village espagnol en pleine inquisition, qu'on l'aimerait quand même. Et puis sans doute ce film a-t-il permis à Davies de parvenir à imposer à Hearst des films plus proches de son tempérament: Little old New York, Enchantment ou Beauty's worth... Pas mal.

 

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Published by François Massarelli - dans Marion Davies Allan Dwan 1919 Muet *
23 mai 2018 3 23 /05 /mai /2018 16:34

John Breen vit avec sa mère et son père adoptif sur une péniche, et passe son temps libre à admirer New York, depuis la rivière. Il souhaite y aller un jour, et y devenir quelqu'un; tout ce qu'il sait de son histoire compliquée, c'est que le capitaine Breen n'est pas son vrai père, mais par ailleurs le sujet est tabou pour ses parents. Quand un bateau heurte la péniche accidentellement, de nuit, les Breen sont noyés. Seul survivant, John décide de tenter sa chance...

Produit par la Fox en 1927, East side, west side reste à l'écart des expériences chères à Murnau, qui commencent à envahir toute la production du studio, avec les encouragements subjugués de William Fox lui-même. Allan Dwan ne s'en préoccupe guère, plus proche dans son style d'un Walsh que d'un Murnau ou un Borzage... Et justement, ce qu'il cherche dans ce film largement tourné à New York, du moins certains extérieurs notables, c'est justement une certaine vérité locale, plus qu'une réinterprétation artistique des lieux. 

Mais ça ne veut pas dire que son film est dénué de clichés ou d'artificialité; au contraire, une bonne part de cette histoire initiatique, celle d'un jeune homme un peu naïf venu de l'eau, tient du conte de fées; mais un conte de fées New Yorkais, qui va voir John Breen rencontrer des Juifs qui lui donnent un toit pour quelques jours, des Irlandais avec lesquels il va se frotter, mais qui vont surtout lui faire découvrir la boxe, et enfin un homme d'origine Hollandaise (un sang bleu de New York, donc!) qui va l'aider à trouver la possibilité d'élévation sociale qui le motive tant. L'homme en question est son père, nous le savons, mais lui, pour des raison propres à l'intrigue, ne le saura jamais.

East side, west side: un côté, puis l'autre: la symbolique du lieu est bien sûr liée à une réalité sociale, celle d'une ville à deux vitesses dans laquelle les deux côtés ne se mélangent que rarement. Pour certaines occasions bien spécifiques, comme la boxe, par exemple: c'est autour de ce sport que vont en réalité graviter absolument tous les personnages importants du film: Flash, le premier manager de John, un escroc peu recommandable (Frank Allworth); Pug Malone (J. Farrell McDonald) qui lui au contraire va traiter John avec respect, même si je soupçonne fortement ce personnage bourru d'être plus ou moins un parrain de la mafia Irlandaise; Gilbert Van Horn (Holmes Herbert), le père secret...

Il y a aussi deux femmes: d'un côté, celui de l'East side et des quartiers populaires, Becka Lipvitch (Virginia Valli), la fille des fripiers qui ont "sauvé" John au début du film, et qui l'aime depuis le premier regard, et Josephine (June Collyer), la pupille de Van Horn, qui va s'intéresser à John lors de l'ascension sociale de ce dernier. Deux femmes, deux tentations. Mais l'idylle entre John et Josephine tournera court, cette dernière ne supportant pas le fait que son fiancé soit plus intéressé par la construction, et passe du temps sur les chantiers (en particulier sous terre), pour des activités qui ne sont pas en phase avec les aspirations de la jeune femme.

Le haut, le bas, Dwan est clair dans le parcours de John qui certes est ambitieux: son mentor/ami/père Van Horn lui conseille de "viser les étoiles". Mais contrairement à Josephine qui ne supporte pas de descendre pour se rendre sur les lieux où John supervise les fondations d'un building, le jeune homme sait que sans un travail vraiment sérieux au bas de son bâtiment, il ne sert à rien de viser à le construire, et à le faire tutoyer les étoiles: le bon sens au service de la métaphore en quelque sorte! Cette intéressante utilisation de l'image de la construction se double d'une dichotomie entre le jour (le monde de la haute société et des Van Horn et consorts) et la nuit, le moment d'aller s'encanailler dans le ghetto, et le monde où va travailler Becka qui a une famille à aider. Les nombreuses scènes nocturnes bénéficient d'un travail exceptionnel du chef-opérateur George Webber qui préfigure le film noir, mais on sait que Dwan a toujours été à l'aise dans ce domaine (voir les scènes de fin de Stage struck, mais aussi certaines séquences de Robin Hood et bien sûr The iron mask à ce sujet). le metteur en scène est aussi chez lui devant la thématique des contournements de l'impossibilité de l'élévation sociale: The half-Breed, Zaza, Manhandled, Stage Struck, tous ces films abordent ce thème avec force. Et j'ai parlé du film noir plus haut, mais East side, west side, avec ses scènes tournées dans un quartier juif, ses séquences de speakeasies et les junkies qui viennent chercher leur dose, son mafieux au grand coeur et ses dames de petite vertu qui décidément font plus vrai que nature, anticipe aussi sur le naturalisme du cinéma Américain du début des années 30.

Et j'ai failli oublier: Dwan situe une scène de son film sur un bateau qui transporte des gens de la bonne société, qui heurte un iceberg. En choisissant de raconter le désastre du Titanic à sa façon, il en profite pour montrer l'égoïsme de Josephine qui cache son amant sur le canot de sauvetage, et l'héroïsme de Gilbert qui lui laisse sa place à des femmes et des enfants, et... coule, rejoignant ainsi les deux (autres) parents de John. Mais au-delà de l'audace de l'idée (le désastre du Titanic n'avait pas beaucoup été abordé) et de l'impeccable réalisation "à l'économie" de la scène, qui anticipe malgré tout sur le réalisme du film de Cameron (les efforts des passagers pour rester debout), la séquence reste une séquence mélodramatique dans un mélodrame...

Maintenant, il faut admettre que le film reste un "véhicule" pour George O'Brien, ses pectoraux, son regard doux de petit garçon, et ses nombreuses scènes à tomber la chemise: je pense que c'était dans son contrat. Ce qui ne l'empêche pas bien sûr d'être un bon acteur, et même loin de son mentor Ford, qui a fait de lui une star, et de son grand révélateur Murnau qui a prouvé qu'il était un acteur, il est quand même excellent... Virginia Valli aussi: clairement, dans ce film qui fait fi de tout racisme, de toute tentation de privilégier les convenances, et qui nous montre la vie contrastée des petites gens et celle des privilégiées, vous ne serez pas surpris si je vous dit qu'il est très clair que Dwan, lui, a choisi son camp.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1927 Allan Dwan
12 mai 2018 6 12 /05 /mai /2018 18:48

Ce film de cinq bobines produit par la société Triangle est le cinquième de Douglas Fairbanks, son deuxième avec son complice préféré Allan Dwan, sa première contribution à l'écriture d'un film, et son premier western! Ca fait beaucoup pour un seul film, mais The Good Bad Man est suffisamment solide et pétri de qualités pour soutenir le choc... 

Sous le nom de "Passin' through" ("je ne fais que passer"), un bandit mystérieux (Douglas Fairbanks) irrite considérablement les braves gens et la loi des contés de l'ouest: en effet, il ne se comporte même pas comme un bandit: il vole un peu aux braves gens pour redistribuer aux enfants de père inconnu. Et systématiquement, il se contente de très peu, avant de faire des espiègleries. Le hors-la-loi trouve refuge auprès d'une bande de malfrats, sous les ordres de The Wolf" (Sam De Grasse), un monte-en-l'air autrement plus dangereux que notre héros. Il trouve aussi en la jolie Amy (Bessie Love) une cause à défendre, mais doit d'abord régler son problème principal: tuer le mystérieux Bud Frazer, qui a supprimé son père...

Bon, je ne révélerai pas l'identité cachée de Frazer, ce serait mal... D'autant que quiconque a l'habitude des mélodrames du temps du muet l'a déjà facilement trouvée! Ce film est un exemple de ce que faisaient Dwan et Fairbanks ensemble: du cinéma solide, riche en péripéties, mais aussi en liberté absolue, dans des décors fabuleux. Le héros est un personnage typique de Fairbanks: faussement enjoué, hanté par une quête, qui plus est liée à sa propre condition de garçon ayant grandi sans père, comme Douglas Fairbanks lui-même. Ce petit western qui a eu un énorme succès a décidé Douglas a récidiver, et à souvent revenir à la même formule, avec bonheur...

Tout ça est déjà fort intéressant, mais j'ai gardé le meilleur pour la fin: c'est aussi la première fois (Sur trois films en tout) que Fairbanks joue en compagnie de miss Bessie Love, et c'est vraiment la cerise sur le gâteau...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Western Allan Dwan 1916 Douglas Fairbanks **
27 avril 2018 5 27 /04 /avril /2018 18:17

Après Zaza et Manhandled, Stage Struck est le dernier des trois films actuellement survivants de la collaboration entre Gloria Swanson et Allan Dwan à l'époque du muet. Gloria Swanson était une star de la Paramount, depuis ses films avec Cecil B. DeMille entre 1919 (Male and female) et 1921 (The affairs of Anatol). Une fois finie la collaboration avec le grand metteur en scène, la star était passée par une période durant laquelle elle interprétait des films pour Sam Wood, dont le seul que j'aie vu (Beyond the rocks) n'a définitivement rien de convaincant. Les films de Dwan ont de nombreux mérites, et le premier est d'avoir su faire descendre (momentanément, semble-t-il) la diva de son piédestal... Comme les deux précédents, celui-ci est une comédie, qui s'attache essentiellement à la vie du personnage interprété par Gloria Swanson.

Dans une toute petite bourgade de Virginie Occidentale, sur les bords de l'Ohio, Jennie Hagen (Swanson) est serveuse dans un petit restaurant familial, et elle rêve: elle se voit sur les planches, où on pourra venir l'admirer sans réserve. Non qu'elle ait la vocation du théâtre, non: c'est qu'Orme (Lawrence Gray), l'employé du restaurant qui fait les crêpes, est fou de théâtre, et obsédé par les artistes. Jennie est donc persuadée qu'il n'aura d'yeux que pour elle à partir du moment où elle sera une grande artiste. Quand un "showboat" accoste en ville, avec sa promesse de spectacles pour tout le monde, il amène de nouvelles actrices pour l'admiration d'Orme, dont la sculpturale vamp (Lillian Lyons), mais aussi une opportunité de percer enfin sur les planches pour Jennie...

C'est un film formidable, qui se situe dans une Amérique qui est à peu près celle de Harold Lloyd (dans son versant "rural"), avec des situations qui permettent à Gloria Swanson de déployer toute l'étendue de son talent, dans le rôle d'une jeune femme inepte à force de vouloir bien faire. Et on est parfois proche de Buster Keaton, dans une mise en scène qui suit le personnage principal: Allan Dwan et Gloria Swanson ensemble, avaient tout compris à la comédie. Et ce film touche constamment juste, sans jamais se moquer des personnages, mais sans non plus les épargner totalement. Gloria Swanson se moque ouvertement de s propre image avec un humour assez féroce, et pratique sans aucune retenue la comédie physique! Il faut la voir participer à une désastreuse parodie de match de boxe (arbitrée par le grand Ford Sterling), ou accrochée à l'ancre d'un bateau, avec deux gants de boxe dont elle n'arrive pas à se débarrasser...

Si on ajoute l'excellente surprise d'une utilisation du Technicolor (Sur un rêve de théâtre en tout début du film, puis sur le final en forme de conte de fées) qui est exemplaire, voilà 84 minutes à voir et revoir. Quel dommage que la collaboration entre le metteur en scène et la star ait fini avec ce film...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Allan Dwan Gloria Swanson 1925 Technicolor **
17 décembre 2017 7 17 /12 /décembre /2017 14:13

Lo Dorman est un métis, comme le titre l'indique ("half-breed") et le film, tourné pourtant la même année que Manhattan madness, His picture in the papers, The mystery of the leaping fish ou d'autres comédies avec Douglas Fairbanks, est un western dramatique, pas éloigné du ton de certains films de William S. Hart avec ses figures de marginaux, rejetés par "les braves gens"... 

Le personnage interprété par Fairbanks est donc le fils d'une indienne Cherokee, qu'elle a eu avec un mystérieux homme blanc, qui a bien sûr abusé d'elle (Il l'a "trahie", comme on disait à l'époque). Cet homme, nous aurons le privilège de le connaître, mais Lo Dorman (Ou Sleeping Water, l'anglicisation du nom Français donné au petit, L'eau Dormante), lui, n'en saura rien. Il vit dans les bois, élevé "comme un homme blanc" par un ermite selon le désir de sa mère qui s'est suicidée après avoir confié son fils. Mais il va surtout grandir au milieu des séquoias, dans la forêt, bien à l'écart de la petite communauté tranquille. Et dès le départ, Dwan se fait lyrique en opposant la nature, merveilleuse, et la ville à travers son lieu le plus emblématique: le saloon... On y joue, on y boit, et la présence de nombreuses femmes assises là, ne laisse aucun doute.

Pourtant, dans cette ville, le pasteur Wynn (Frank Brownlee) s'est installé, bien déterminé à faire revenir les brebis égarées dans le droit chemin. Il nous serait presque sympathique, d'autant q'il prend le taureau par les cornes en allant chercher les pêcheurs là où ils sont. Et s'avisant pendant un service de la présence de Lo Dorman à l'écart, il l'invite à rejoindre la congrégation... Mais il sera aussi le premier à s'offusquer lorsque le métis osera s'afficher aux côtés de Nellie Wynn (Jewel Carmen), la propre fille du pasteur.

Dwan a réservé à Jewel Carmen une impressionnante arrivée de star, bien qu'elle n'est pas vraiment la principale actrice du film: on la voit arriver en gros plan, d'abord sur ses chaussures, puis sur sa robe de Belle du Sud, et enfin sur sa coiffe, avant qu'elle ne relève la tête. Mais cette entrée en matière n'est là que pour annoncer la vanité, voire la suffisance du personnage de péronnelle qui n'aime rien tant que jouer avec ses prétendants... Et avec le feu. Lo Dorman se met au ban de la société parce que lui, le métis, a cru pouvoir développer une amitié avec la belle jeune femme. Et on ne lui pardonne pas d'oser vouloir "sortir de sa race". 

Le film n'est pourtant pas qu'un plaidoyer contre le racisme, on est en 1916, et ça ne se fait pas encore. Lo Dorman trouvera une autre âme soeur, en la présence d'une autre femme, Teresa (Alma Reubens) elle aussi de sang-mêlé, Anglo-Mexicaine cette fois, qui d'ailleurs est impulsive, et plus aventureuse que ne le sera jamais la fille à papa citée plus haut. Quand elle rencontre Lo Dorman, elle est en fuite après avoir poignardé un homme qui l'avait trahie. Mais là où Dwan réussit, c'est dans le fait de nous montrer la division sociale de la petite communauté qui tente d'établir des règles Victoriennes de bonne conduite, tout en pratiquant un ostracisme flagrant, et en confiant par-dessus le marché le bon fonctionnement de la loi à Dunn (Sam De Grasse), un salaud qui a violé une femme.

Oui, c'est le père...

Alors, entre l'hypocrisie de la petite ville en devenir, et la beauté majestueuse des séquoias, comment s'étonner que Lo Dorman, Douglas Fairbanks, ait choisi de rester un homme des bois? Il se condamne à rester à l'écart, flanqué d'une femme qui l'aime sans doute parce qu'elle est bien obligée de se contenter de lui. Le film est très amer, et passe facilement, du début à la fin, du lyrisme naïf associé à Fairbanks (Doux comme un agneau, et aussi dénué de mauvais sentiment qu'un enfant qui vient de naître, il fallait un Douglas pour qu'on puisse y croire!), à l'hypocrisie et au cynisme.

Ce film dur, essentiel dans la longue liste des oeuvres de l'acteur (et qui porte en lui des thèmes très personnels, et qui reviendront souvent, autour de la notion d'illégitimité), est un des produits de la pêche miraculeuse de Dawson City, dans les années 70, lorsqu'on a retrouvé un certain nombre de films muets perdus, conservés dans les glaces de cette farouche cité du nord canadien. Deux bobines 35 mm ont été retrouvées, auxquelles on a pu ajouter divers matériaux conservés un peu partout, et qui aujourd'hui nous permettent de posséder un film très important, aussi bien pour Fairbanks que pour le metteur en scène: Dwan, on le sait, s'impliquait beaucoup dans ses films, et cette préfiguration de nombreux de ses westerns le prouve de manière éclatante.

Et pourtant, il sera un flop sans appel, qui va décider l'acteur à ne jamais ou presque sortir de sa formule (Telle qu'il l'avait peaufinée avec The good bad man, quelques mois avant ce film) qu'il adaptera ensuite à ses intrigues, puis à ses héros.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Allan Dwan 1916 Western Douglas Fairbanks **
16 juin 2017 5 16 /06 /juin /2017 09:10

Gloria Swanson a probablement du apprécier le changement radical dans sa carrière que lui a apporté la décision de confier la réalisation de trois de ses films à Allan Dwan, le franc-tireur qui avait non seulement survécu aux années 10 (il a débuté en 1911) mais aussi à la prise de pouvoir par les studios! Miss Swanson aussi, en 1923, tient du vétéran: certes, elle n'a débuté en 1915, mais elle a eu sa période avec Mack Sennett, puis au moins deux passages importants à la Paramount; d'une part, elle a bien sûr été une actrice de tout premier plan chez Cecil B. DeMille (Male and female, The affairs of Anatol), puis elle a été dirigée vers l'unité de Sam Wood pour lequel elle a interprété des rôles dramatiques (Beyond the rocks) mais elle s'ennuyait ferme. Donc Zaza est l'un des premiers pas pour raviver une carrière qui menaçait de tanguer sérieusement...

Et on se rappelle de quelle Peggy Pepper, devenue Patricia Pépoire, dans le film Show people de King Vidor (1928), se voyait rappeler la comédie, ce milieu dont elle venait, au moment ou elle n'en finissait pas de devenir hautaine et méprisante: il y avait, bien sûr, du Gloria Swanson dans ce portrait amusé effectué par Marion Davies; et Zaza, c'est un peu la quadrature du cercle pour Miss Swanson...

Le film provient d'une pièce à succès des music-halls Parisiens, vaguement inspirée elle-même par Nana dont ce film devient un peu une version "rose", édulcorée et centrée autour de la comédie. A paris, le théâtre Odéon a une vedette incontestée, qui a la première place dans le coeur du public: Zaza (Gloria Swanson) se comporte d'ailleurs comme une insupportable diva capricieuse, ce que l'actrice Florianne (Mary Thurman) a bien du mal à supporter dans la mesure où elle était auparavant la star... Mais si Zaza a bien le comportement détestable d'une actrice imbue d'elle-même qui revendique un traitement à part, elle est aussi folle amoureuse d'un homme, le diplomate Bernard Dufresnes (H. B. Warner) qui vient fidèlement la voir tous les soirs. Il y a un peu de rivalité avec Florianne pour le séduire, mais ça ne durera guère: Dufresnes n'a d'yeux que pour Zaza. 

Seulement, il est marié...

Du coup, on a tout Swanson en un seul film! Dwan a su combiner avec bonheur les capacités de sa star, qui vampirise l'écran avec un bonheur rare! Elle échappe aux clichés en se livrant corps et âme à son rôle, aidée par un casting impressionnant (on décernera une mention spéciale à Lucille La Verne qui joue l'alcoolique mondaine qui recueille au théâtre comme dans les salons les confidences de Zaza) et une réalisation superlative: Dwan se joue de tous les écueils, de ces faux extérieurs tournés dans un studio, qui reconstituent une rue impossible d'un village Français sublimé, de ces scènes durant lesquelles il devra diriger la foule en sachant qu'on n'aura d'yeux que pour la star... Le film ne prend pas trop son temps (84 minutes), le ton est constamment léger, entre drame et comédie, et c'est un régal. 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1923 Allan Dwan Gloria Swanson **
26 mars 2016 6 26 /03 /mars /2016 16:39

Avec une réalisation d'Allan Dwan, un scénario de Frank Tuttle et la photo d'Arthur Rosson, on peut considérer Gloria Swanson fort bien entourée... Et ce qui frappe, dès le début du film, c'est l'excellente tenue du slapstick proposé; car en effet, après avoir été sur 5 films la muse de Cecil B. DeMille, puis celle de Sam Wood, dont les films ont eux aussi contribué à forger une image distante de star intouchable pour la belle actrice, Allan Dwan a décidé de changer un peu les choses. Dans Manhandled, on retrouve un thème exploré à deux reprises par DeMille, dans The golden chance d'une part, puis dans son remake Forbidden fruit: la différence impossible à réduire entre les gens de la bonne société et les autres. Et sous couvert, dans les deux films, de vaguement critiquer les riches pour leur côté hautain, on se retrouvait finalement avec les pires clichés sociaux, les pauvres étant finalement destiné à la canaille, l'alcoolisme et la médiocrité... Avec Manhandled, Dwan est honnête, et il est aussi assez proche d'un Harold Lloyd (Safety last, bien sûr) dans sa peinture d'une Amérique moderne, en mouvement, dans laquelle les opportunités sont finalement offertes, il faut donc savoir les saisir au bond...

Tessie (Gloria Swanson) et Jim (Tom Moore) sont deux amoureux de la classe ouvrière. Elle est vendeuse dans un grand magasin, et lui plombier. Il est ambitieux, inventeur à ses heures, et il tente de tout faire pour décrocher un brevet sur une de ses trouvailles. Le résultat c'est qu'il a moins de temps pour sa fiancée. Donc un soir, celle-ci est invitée (Ou réquisitionnée...) par le fils de son patron, le playboy Chip Thorndyke (Arthur Housman), pour se rendre à une soirée où elle va être confrontée à des gens de la très bonne société, dont un sculpteur qui l'engage afin qu'elle pose pour lui, car elle l'a subjuguée. Puis après une expérience malheureuse (Le grand artiste ayant les mains baladeuses), elle est engagée pour un travail inattendu, celui qui consiste à prétendre être une riche héritière Russe... Mais pendant ce temps, Jim ronge son frein...

Le film commence par quinze minutes de mouvement, de gags observés finement, essentiellement consacrés à la vie quotidienne de Tessie. C'est une belle surprise, et une belle revanche pour celle qui a tant incarné de comtesses et autres bourgeoises à salle de bain géantes. Elle est excellente dans la comédie dite "physique", et ce n'est après tout pas une très grande surprise pour une actrice venue de chez Sennett. Et Dwan joue à fond la carte de la comédie sophistiquée sur le reste du film, le ton restant très léger...

Mais la charge est là, bien là: ces gens qui en engagent d'autres pour jouer le rôle de personnalités inexistantes, ou qui tentent de créer un art "uniquement plastique", sont aussi vides que leurs créations, et force reste ici aux deux protagonistes de la classe ouvrière, Gloria Swanson (Ironiquement, future Marquise de la Falaise, mais c'est une autre histoire) et Tom Moore. Un joli film, qui confirme décidément l'intérêt de redécouvrir les oeuvres muettes d'Allan Dwan. Et sinon, ce film est une rare occasion de découvrir Arthur Housman sobre. Pour qui l'a vu chez Laurel et Hardy, ou dans Sunrise, c'est assez étonnant.

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Published by François Massarelli - dans Allan Dwan Muet Gloria Swanson Comédie 1924 **