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13 février 2017 1 13 /02 /février /2017 14:42

Dr Mabuse der Spieler a beau être trois fois plus long que ce film, il n'en reste pas moins d'un abord plus facile, tant Thea Von Harbou et son mari avaient du mal à être clairs, à cette époque reculée. Pourtant, ce petit film est intéressant à plus d'un titre. Sous une histoire compliquée et pas très folichonne (Un homme jaloux qui pense que son épouse s'est mariée à contrecoeur la soupçonne de le tromper depuis qu'un homme ressemblant à son ancien fiancé a réapparu. Par ailleurs, le mari jaloux croit devoir acheter un bijou au marché noir, et se met dans les ennuis jusqu'au cou), se cache une intrigue de dissimulation, de cachotteries de toute beauté, qui nous rappellent que Lang vient juste de trouver sa muse: il avait déjà tourné Das wandernde Bild avec Thea Von Harbou, et il y en aurait d'autres... Du coup, le film devient immanquablement contemporain du fameux "suicide" de Frau Lang, qui se serait tuée après avoir vu son mari dans les bras de sa scénariste toute nouvelle: une autre affaire brumeuse, de cachotteries et de traumatismes... Sinon, Lang donne ici enfin à Rudolf Klein-Rogge, son futur interprète de Mabuse, un rôle à sa mesure, celui d'un sous-fifre des bas-fonds, inquiétant et louche à souhait. Là aussi la suite sera des plus intéressantes.

ais ce film, s'il est déjà un pur film de Lang, fait de chassé-croisé entre passé et présent, de gens qui regardent et soupçonnent, le tout tourné en studio, est encore un peu léger. ON pourra au moins penser que derrière son inachèvement, il y a une répétition générale des feux d'artifices à venir: à ce titre, le début du film est sans appel... On y voit pour commencer un bar circulaire, autour duquel des clients louches consomment dans la fumée. Puis une rue (de studio, ça se voit tout de suite, d'autant que c'est un extérieur qui ressert encore et encore, la Decla-Bioscop n'ayant pas alloué un budget très conséquent) qui nous révèle son petit monde, parmi lesquels ses clochards aveugles, et un crieur de journaux qui s'avère être une petite main du banditisme; un homme qui est venu de nulle part s'égare dans une rue louche, et doit descendre dans une cave encore plus sordide afin d'y rencontrer un receleur... Dans l'univers de Lang, Mabuse et Spione sont en gestation.

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Published by François Massarelli - dans Muet Allemagne Fritz Lang 1921 *
11 février 2017 6 11 /02 /février /2017 10:05

 

 

 

Peu de temps après Die Spinnen, son premier film conservé, Lang signe ce curieux film, adaptation statique et ampoulée de l’opéra Madame Butterfly. Sur un scénario de max Jungk, il raconte comment une jeune Japonaise (Lil Dagover), jusqu'alors protégée par son père, un notable local, tombe sous la coupe d'un prêtre Bouddhiste (Georg John) qui va essayer de l'assujettir faute de pouvoir la posséder. Mais elle trouve une échappatoire en la personne d'un occidental, Olaf Anderson (Niels Prin) avec lequel elle file le parfait amour. Mais quand il part, pour rejoindre sa légitime épouse, elle reste seule, et... enceinte.

Décoratif, esthétique, mais mortellement ennuyeux, le principal intérêt est qu’on a retrouvé ce film, réputé perdu pendant des décennies… Lang y sacrifie à une mode exotique et orientaliste qui était également un peu présente dans Les araignées, et tourne ses scènes dans des jardins japonais plus pittoresques encore que les vrais. Mais comment le prendre au sérieux? Georg John, en prêtre Vouddhiste, a du mal à nous faire oublier que le crâne rasé qu'il arbore est un bout de plastique mal ajusté... La vision du bouddhisme est hallucinante de stupidité, et le Japon y est certes décoratif, mais à peu près aussi Japonais que Bourg-en Bresse.

Bref, réjouissons-nous: on a retrouvé un film, et on a pu le voir et constater qu'il n'a aucun intérêt.

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Published by François Massarelli - dans Muet Fritz Lang Allemagne 1919 *
21 avril 2016 4 21 /04 /avril /2016 18:38

Comme rareté, cet étrange film se pose un peu là: il a été tourné avec des bouts de ficelle 1930 entre deux autres tournages par un chef-opérateur mythique, c'est un moyen-métrage de quatre bobines, totalisant 36 minutes, parlant mais très peu (Et très mal, objectivement, puisqu'il a été tourné en muet et post-synchronisé à la va-vite), et interprété par des acteurs non-professionnels. Il a disparu des radars au point de n'apparaître que dans de très très rares filmographies. Commençons peut-être par rappeler qui est Schüfftan: il a débuté en 1924, en tant qu'opérateur sur les Nibelungen de Lang... Celui-ci qui l'a ensuite employé sur Metropolis a du en être content, d'autant que Schüfftan connaissait son affaire: il était à la fois peintre et débrouillard, et avait un instinct optique rare. il avait en particulier inventé un effet de trompe-l'oeil qui permettait d'économiser de l'argent en décors, en utilisant des maquettes situés à des angles particuliers qui donnaient l'illusion d'être de gigantesques décors. Si vous avez vu Metropolis, pensez à la séquence du Moloch, par exemple... Schufftan a ensuite travaillé sur le Napoléon de Gance, avant de tenter sa chance aux Etats-Unis, mais pour rien. Revenu en Europe, il a été en 1929 de la partie sur le fameux film Menschen Am Sonntag (Les hommes le dimanche), de Robert Siodmak et Edgar George Ulmer, dont l'atmosphère d'improvisation, l'observation de la vie en ville, sont une préfiguration de ce petit film.

Ins Blaue hinein, ça veut dire "A l'aventure", et on y raconte l'histoire de trois amis qui viennent de mettre la clé sous la porte de leur petite entreprise de finance. Le patron, le garçon de courses et l'expert-comptable s'en vont donc en voiture, mais il leur fait d'abord passer rendre la petite amie de l'un d'entre eux. Les quatre se livrent à d'étranges chassés-croisés burlesques, avant d'aller passer du temps chez l'un d'entre eux, dans une petite maison insalubre à l'écart de la ville. Là, ils se lancent dans une idée commerciale: ils vont fournir un service de toilettage aux chiens des voisins...

Ins Blaue hinein, ça veut aussi dire "à tort et à travers", et ça décrit tout à fait le côté volontiers foutraque du film, qui le rend un peu cousin, non seulement du film célèbre de Siodmak déjà cité, mais aussi des films des Prévert, L'affaire est dans le sac, par exemple. si le sérieux de l'entreprise semble peu probant, au moins l'atmosphère d'insouciance communicative, à peine deux ans avant l'arrivée des nazis, tranche sur le ton habituel des films engagés de l'époque, ceux de Pabst ou Lang. Et ce film oublié de l'histoire du cinéma prolonge aujourd'hui son inévitable filiation avec Menschen am Sonntag figurant en bonus dans l'excellente édition Criterion de cet incontournable film muet.

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Published by François Massarelli - dans Rareté Allemagne
16 avril 2016 6 16 /04 /avril /2016 17:52

L'ombre, au cinéma, c'est un peu l'un des principes de mise en scène les plus attirants, surtout en matière de mise en évidence des angoisses. chez certains metteurs en scènes, dont surtout Michael Curtiz, l'ombre devient aussi une extension élégante de l'acteur, qu'on convoque lorsqu'on souhaite montrer l'immontrable, ou explorer les zones les plus obscures du subconscient. En 1923, en pleine mode de l'expressionisme au cinéma, l'une des tendances était de faire des films sans intertitres, totalement visuels: Le Rail (1922), de Lupu Pick, La Rue (1923) de Karl Grüne, ou encore Le dernier des hommes (1924) de F. W. Murnau, allaient tous dans ce sens. Le plus extravagant reste sans doute ce Montreur d'ombres: dans la maison d'un homme jaloux dont l'épouse parade un peu trop souvent avec de jeunes prétentieux, un magicien arrive, et donne un spectacle d'ombres qui va révéler sa vérité intérieure à chacun, montrant à l'homme et son épouse à quel point ils n'ont pas encore épuisé leur mariage.

Parmi les maîtres d'oeuvre du film, on repère le nom d'Albin Grau, qui une année auparavant avait été plus que le collaborateur de Murnau sur Nosferatu: il en était le principal inspirateur, notamment sur tout le côté inspiré par l'occultisme, et avait, en plein essor de l'expressionnisme et du faux qui en découlait, persuadé Murnau de tourner le plus possible en décors naturels. Il est ici, une fois de plus, le décorateur, et on retrouve également, en plus de Fritz Kortner ou Fritz Rasp, les acteurs Gustav Von Wagenheim (L'un des soupirants de l'épouse) et Alexander Granach (Le montreur d'ombres), et la cinématographie est due à l'un des chef-opérateurs de Nosferatu, le grand Fritz Arno Wagner. Ce dernier est le grand gagnant du film: l photo est superbe, et le dispositif des ombres est très impressionnant... Mais...

...C'est extravagant, lent, ampoulé, même si ce n'est jamais dénué d'intérêt. Mais par rapport aux oeuvres de Lang et Murnau, la portée de ce film est infime. Elle permet une expérience, sans lendemain, plus qu'autre chose. Dommage.

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Published by François Massarelli - dans Allemagne Muet 1923 *
12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 16:39

Cause célèbre de l'expressionnisme Allemand, ce film a eu longuement la réputation d'être un film d'horreur... avant qu'on puisse enfin le voir. Une fois confronté à une copie, on constate avec une certaine surprise que ce film est essentiellement une anthologie, assez humoristique en soi, et je ne suis même pas sur qu'il ait été terminé... Mais il y plus troublant encore, voir plus bas...

Ce Cabinet des figures de cire, comme dit le titre une fois traduit en Français, raconte l'histoire d'un jeune poète (Wilhelm, futur William, Dieterle) qui arrive à un petit musée de cire dans un carnaval. On cherche un homme capable de donner vie à des créatures figées en inventant et écrivant des histoires pour les personnages exposés. Il se met aussitôt à l'oeuvre, et inspiré par la présence de la jeune fille du propriétaire de l'attraction, il imagine autour du personnage d'Haroun El-Rachid, Calife de Bagdad, une intrigue dans laquelle un pâtissier (Dieterle) se rend chez le calife pour lui voler une bague magique, pendant que le calife (Emil Jannings) vient faire mumuse avec son épouse dans sa boutique... Le personnage d'Ivan le terrible (Conrad Veidt) lui inspire au contraire une histoire de torture: Ivan se rend à un mariage et ramène les mariés chez lui au Kremlin après avoir terrorisé la noce. Il va donc tenter de passer la nuit de noces auprès de la jeune épouse tout en torturant le mari...

Une troisième intrigue autour d'un troisième personnage est en fait réduite à sa plus simple expression: le poète épuisé s'endort et rêve que Jack l'éventreur (Werner Krauss) en veut à la jeune femme à ses côtés. Il vient pour les tuer tous deux... un troisième épisode réduit à quelques minutes de surimpression qui doivent beaucoup à la présence menaçante de Krauss. Mais un quatrième personnage de cire est visible dans le petit musée, à l'écran. il s'agit d'un certain Rinaldo Rinaldini, héros d'un obscur roman, et Leni aurait décidé de supprimer l'histoire avant le tournage. De fait, le film largement concentré sur deux anecdotes parait bien vide...

Le metteur en scène, comme le faisait Wiene avec son "Cabinet" à lui, celui du Dr Caligari, se repose surtout sur les décors extravagants, et largement inspirés des canons de l'expressionnisme. Ceux de l'histoire à Bagdad sont rondouillards comme Jannings, ceux de l'épisode Russe sont chargés et font grand usage de la lumière inquiétante qui semble accompagner l'affreux Ivan partout où il va. Mais si on attribue la mise en scène du film à Leni, qui a aussi décoré le film, il semblerait que ce ne soit pas aussi simple. C'était semble-t-il le cas aussi pour Hintertreppe, L'escalier de service en 1921: La mise en scène était divisée entre Leopold Jessner, qui s'occupait des acteurs, et Leni en charge du reste. Ce film est du à une nouvelle association du même type: un certain Leo Birinski est supposé avoir assisté Leni à la direction d'acteurs... C'est donc sur ce film bancal et lourdingue que Leni allait construire sa réputation, qui allait le conduire aux Etats-Unis pour y réaliser quatre films, dont deux merveilles... Ouf.

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Published by François Massarelli - dans Paul Leni Muet Allemagne 1924 ** ...Jusqu'à l'aube
8 août 2015 6 08 /08 /août /2015 16:24

Sorti sous le titre Sexes enchaînés en France, on connait ce film sous le titre alternatif de L'enlisement. Ce dernier traduit bien l'impression d'un couple qui s'enfonce dans la vase d'une loi inadaptée, puisque le film a un message: il entend dénoncer la situation dans laquelle les prisonnier de longue durée et leurs conjoints se trouvent, et notamment la frustration affective et sexuelle des uns et des autres. On sait la grande tolérance des écrans Allemands et Scandinaves à l'époque du muet en matière de sexualité, mais on ne s'attendait pas à une telle franchise dans la peinture du parcours d'un prisonnier qui est tellement en manque d'affection qu'il va développer une relation homosexuelle dans sa cellule, et du reste il faut croire que la censure non plus, puisque les Allemands n'ont semble-t-il jamais vu la version intégrale du film... Qui a survécu grâce à une copie d'exploitation Française (Le film est sorti en France en 1932, probablement dans les circuits de film d'art).

Le film conte les aventures d'un couple: Franz Sommer (Dieterle), ingénieur à la recherche d'une situation stable, désespère de voir son épouse Helene (Mary Johnson) commencer à travailler dans un restaurant; à servir des clients qui ne sont pas toujours respectueux avec elle. Lors d'une altercation, il blesse grièvement un homme, qui succombera vite à ses blessures. Sommer est donc condamné à trois ans de prison... Très vite, l'absence de l'autre va jouer des tours aussi bien à Franz qu'à Helene. Cette dernière va brièvement trouver refuge dans les bras de son bienfaiteur, l'industriel Steinau (Gunnar Tolnaes) qui lui est venu en aide au moment de l'incarcération de Franz, et ce dernier cède aux avances d'un prisonnier, Alfred (Heinz Heinrich Von Twardowski). La culpabilité qui s'ensuivra pour l'un comme pour l'autre va faire des ravages...

Avec son intrigue classique, ses audaces et sa mise en scène extraordinairement riche, le film a la réputation d'être le meilleur des muets de Dieterle. Celui-ci se joue de l'aspect "message" en confiant à certains personnages (Steinau, Helene) le soin de militer pour une plus grande souplesse dans l'application de la loi, et ne parasite jamais l'intrigue profondément humaine, ce qui donne encore plus de poids aux deux audaces fondamentales du film: d'une part, la façon dont on y aborde la sexualité, représentée comme un élément vitale de la complicité dans le couple ou dans l'équilibre d'un homme ou d'une femme; d'autre part, l'inévitable recherche d'une redéfinition personnelle de sa propre sexualité par Franz débouche sur un sentiment de culpabilité non parce qu'il a trahi la société en s'adonnant à des "caresses contre nature", le fameux euphémisme passe-partout, mais tout simplement parce qu'il a trahi son épouse. L'aventure avec Alfred est ici vécue comme un adultère pur et simple, et n'aurait rien changé si Alfred avait été une femme. Et justement, Twardowski joue ce dernier personnage avec une grande pudeur, et sans en exagérer le comportement, une gageure en cette époque! Paradoxalement, ce film gonflé est l'un des derniers films Allemands d'un metteur en scène surdoué, qui n'allait pas tarder à devenir l'un des magiciens des studios Warner, aux côté de Wellman et Curtiz. Comme quoi Max Reinhardt, Paul Leni et F.W. Murnau, avec lesquels il avait collaboré, pouvaient mener à tout.

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Published by François Massarelli - dans William Dieterle Muet 1928 Allemagne *